Olivier Sevestre & Nicolas Bikialo, le duo de la lose

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Faudrait que j’ai la certitude d’avoir du talent pour la comédie.
Olivier Casadesus.

Christophe et Olivier, musiciens tous les deux, amis dans la série, débarquent avec quelques épisodes d’intervalle. Ils finiront comme un vieux couple dans le Miracle de l’Amour, Christophe quittant le navire au début de la série, Olivier traînant son ennui jusqu’à Love Island, avant de disparaître définitivement, faute d’une activité à peine plus conséquente que celle de l’oursin adulte.

Les deux branleurs de la bande d'Hélène et les Garçons.
Les deux branleurs de la bande d’Hélène et les Garçons.

Bien qu’ils aient été rapidement associés dès Hélène et les Garçons, au point de ne former qu’une créature bicéphale derrière des fûts ou des percussions, sans réelle implication scénaristique, ces deux-là sont plus intéressants qu’il n’y parait et méritent d’être étudiés séparément. On leur doit bien ça.

« Je me suis trouvé mauvais mais j’ai adoré tourner »

« Il entamait tranquillement sa première année de fac d’histoire quand une de ses amies qui lui a suggéré de se présenter à un casting pour se faire de l’argent de poche. J’y suis allé dans l’idée de faire de la figuration et on m’a proposé un rôle dans le Miel et les abeilles. J’ai eu un peu peur et je me suis trouvé mauvais. Mais j’ai adoré tourner (…) au bout d’un mois, on m’a rappelé pour me proposer de jouer Christophe, l’ami d’enfance de Christian. » Voilà comment est présenté, selon le classique rituel de Télé Club Plus, Nicolas Bikialo au fidèle lectorat des productions AB. Christophe débarque à l’épisode n°145, intitulé « Le remplaçant ».

Le remplaçant

Mais dans quoi je me suis embarqué bordel ?
« Mais dans quoi je me suis embarqué bordel ? »

Cricri d’amour, qui n’en finit plus de faire n’importe quoi (comprendre : baise sans capote avec tout ce qui a un vagin et un rythme cardiaque-la deuxième condition est optionnelle- et ne fout plus rien à la fac, déjà que ce n’était pas vraiment le claquage qui le guettait), décide de se barrer en vacances à Saint-Tropez pendant une semaine. Il refile donc à ses potes un camarade batteur, qui vient « de la même école de batterie », fraîchement débarqué de Toulouse, afin de le remplacer. La première apparition de Christophe a lieu à la salle de gym, haut lieu de mondanité s’il en est, où il drague Thérèse, l’endive cuite pleurnicheuse. Plus tard, surprise, Christophe s’avère être le remplaçant choisi par Christian. Il est intéressant de noter que cet épisode, centré sur l’arrivée d’un nouveau personnage, joue sur son absence : on n’aperçoit le mystérieux Christophe qu’au début et à la fin. Il est beaucoup plus présent dans les conversations des filles qu’à l’écran. Cette première apparition marque le début d’une nouvelle ère.

"Prends exemple sur moi mec, les sitcoms c'est un tremplin vers la gloire."
« Prends exemple sur moi mec, les sitcoms c’est un tremplin vers la gloire. »

D’une part, le Cri-cri d’amour, pourtant l’un des personnages les plus populaires de la série, devrait sérieusement faire attention à ses fesses : d’intrigues foireuses en récidive-la-drogue-c’est-sale, il n’en finit plus de devenir un personnage odieux, dont la fin est proche. Comme si JLA souhaitait le rendre le plus dégueulasse possible auprès de son public féminin, afin que ce dernier en vienne presque à souhaiter son départ imminent.

D’autre part, son remplaçant a un rôle de garçon adorable, que tout le monde adopte en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « jus d’orange ». Pour qui connaît un petit peu les rouages de la machine infernale qu’est H&G, il semble établi que l’arrivée du gentil Christophe va pousser le méchant Christian vers la sortie, et avoir lui aussi son lot d’intrigues trépidantes.

Or, il n’en est rien. Christophe ramera tellement avec Thérèse qu’il ne se passera jamais rien. Sa relation avec Adeline se soldera par un échec. Idem pour sa relation plus tard, dans le Miracle, avec Nathalie. Il semblerait que sa seule réussite soit…sa relation avec Olivier.

« En fait malgré mon style d’hardeux, je suis quelqu’un de très cool »

Très vite, Christophe rejoint la longue cohorte de personnages AB dont JLA ne sait trop quoi faire. On sent au fil des épisodes que l’enthousiasme de départ cède à une certaine monotonie. Bikialo lui-même ne vend pas du rêve dans la presse : « En fait malgré mon style d’hardeux, je suis quelqu’un de très cool. J’aime par-dessus tout les discussions tranquilles, les rapports entre les gens et le respect d’autrui. »

Un mec cool mais qui sait manier un poing américain.
Un mec cool mais qui sait manier un poing américain.

Lorsque l’on revoit les épisodes durant lesquels le personnage est bien installé, il est assez déroutant de constater qu’il fait partie des meubles ; de temps en temps, une saloperie de sa copine du moment le propulse brièvement sur le devant de la scène, mais il repart bien vite dans l’ombre, comme s’il était condamné à n’être qu’un personnage secondaire. Ce personnage semble répéter sans fin une catharsis qu’il traîne comme un boulet dès sa première apparition : il est là comme remplaçant, afin de meubler, voire combler un vide imminent.

Autant le personnage de Sébastien, bassiste remplaçant d’Étienne, est mis en avant dès le départ et le sera jusqu’à la fin, autant Christophe, sensé amorcer en douceur le départ de Cri-cri d’amour, semble d’une navrante platitude. Pourtant, l’acteur et son jeu n’étaient pas si lamentables. Nicolas Bikialo, avec sa dégaine d’ado grunge qu’on a lavé pour l’occasion – il ne faudrait pas effrayer les mamans qui suivent avec leurs filles les aventures d’Hélène et les garçons – apporte un contre-pied, certes léger, mais assez remarquable au reste de la bande.

Difficile de préférer Rage Against The Machine aux synthés de Gérard Salesses quand on bosse chez AB.
Difficile de préférer le hard rock aux synthétiseurs de Gérard Salesses quand on bosse chez AB.

La presse de l’époque se jette bien entendu sur ce nouveau, dont les goûts musicaux paraissent difficiles à expliquer à son innocent public : « Incontestablement, le garçon qui risque de localiser l’attention en l’absence de Cricri d’amour, c’est Christophe, qui a d’ailleurs remplacé le turbulent fiancé de Johanna à la batterie dans le groupe formé par les Garçons. La coïncidence veut que dans la vie réelle, Nicolas soit justement batteur mais dans un style différent de celui de la série. Nicolas joue en effet dans un groupe de trashspeed (sic) : soit du rock’n’roll très très dur qui n’hésite pas à mélanger heavy métal et funk musique. »

« J’aurais aimé écrire des chansons de Rage Against the Machine, groupe plus soft mais génial au niveau des paroles, c’est chaud quoi ! »

En effet, il dénote au milieu des José, Nicolas et Sébastien, qui sont fringués comme des « adultes », ont les cheveux propres et une allure de trentenaires (qu’ils sont). Bikialo est crédible en jeune musicos, parce qu’il est lui-même un musicien, adepte de heavy metal (entre autres) quand il arrive, à 21 ans, à Bonheur City. Malheureusement, c’est aussi là que ça coince. On ne retourne pas un rouleau-compresseur à bonheur édulcoré comme ça. Et c’est ce qui tue dès le départ toute possibilité de crédibilité pour ce personnage.

Ils auront tenté d'en faire un nouveau Cricri d'amour, bizarrement sans succès.
Ils auront tenté d’en faire un nouveau Cricri d’amour, bizarrement sans succès.

Fan de NTM et Assassin, délivrant un discours de gauchiiisssss’ dans des interviews de Salut et OK Podium, on se doute que Nicolas Bikialo est loin du gentil Christophe, même s’il lui prête ses oripeaux de Kurt Cobain light. On peut d’ailleurs lire dans les interviews de notre rocker d’AB ce genre de phrase qui prête encore aujourd’hui à sourire : « J’aurais aimé écrire des chansons de Rage Against the Machine, groupe plus soft mais génial au niveau des paroles, c’est chaud quoi ! Chez eux, il n’y a rien à jeter, de vrais instruments, aucune concession. Ils ont failli avoir la Maison Blanche sur le dos. Enfin un groupe qui ne se regarde pas les pompes ! A la fin on les ramène sur des civières. »

« AB, au bout d’un certain temps ça t’endort complètement les neurones, le fait de gagner de l’argent comme ça. On devient vieux, même artistiquement, on perd toute ambition »

Un épisode significatif signe la mort du Christophe un peu subversif (au moins physiquement). En couple avec Adeline, cette dernière décide de le civiliser et entreprend de le relooker. S’en est fini des chemises à carreaux aux manches arrachées, des pulls douteux, des casquettes et des cheveux gras : le Christophe 2.0 est rendu socialement acceptable pour AB, fondu dans un moule de garçon présentable-même si ça n’était pas vraiment Alice in Chains non plus avant, toutes proportions gardées.

Christophe et Adeline, un couple sans saveur, sans passion. Pire, le malheureux Christophe sera martyrisé pendant des dizaines d'épisodes par cette garce.
Christophe et Adeline, un couple sans saveur, sans passion. Pire, le malheureux Christophe sera martyrisé pendant des dizaines d’épisodes par cette garce.

Dès lors, il est impossible d’utiliser la matière première du comédien pour nourrir le personnage, procédé qu’affectionne JLA avec des gens « normaux ». Même la timide tentative dans la presse de présenter Bikialo comme le petit ami de Manuela Lopez échoue rapidement quand ce dernier met les choses au point : « Manuela n’est pas du tout ma fiancée ! C’est une fille très sympa, mais il n’y a rien de plus entre nous ! Le fait de jouer dans une sitcom est plutôt un handicap avec les filles, elles pensent toutes que j’ai la grosse tête ! Mais je ne suis pas « dragueur », ce n’est pas grave ! »

danse bik
La fameuse « danse du cul » de Bikialo.

Christophe, comme la musique qu’il joue avec son nouveau groupe, est à des années-lumière de l’acteur et du musicien. Le jeu de Bikialo n’est pas totalement dégueulasse : malgré une prestation qui laisse perplexe dans le Miel et les Abeilles (il faut dire à sa décharge que jouer « Gueule d’amour » dans la sitcom la plus étrange d’AB n’est pas le meilleur moyen de débuter), il est plutôt naturel et articule correctement, ce qui le distingue déjà d’un pâté marmonneur ou d’un Courivaud assénant ses répliques d’un ton macabre d’avocat fiscaliste. De plus, il s’améliore avec le temps et se tire du rôle ingrat de préposé aux blagues dans le Miracle avec élégance.

Bikialo après son relooking. Triste.

Néanmoins, la fin de l’histoire entre AB et Bikialo se termine mal. Une première incartade a lieu entre JLA et le comédien. Dans le Journal de Mickey (!), Bikialo fait une petite déclaration qui ne passe pas inaperçue chez les producteurs : « Non, Sébastien Roch a eu rapidement trop de succès avec la série. Volontairement, je me ferais plus discret. Je ne chanterais pas par exemple, pour le feuilleton. Mes goûts musicaux sont à trois milliards d’années-lumière ! »

« Chacun a son petit monde, chacun suit sa petite route. AB c’est une expérience mais après tu tournes la page »

Face à cette véritable provocation, JLA décide de « punir » Bikialo en le faisant disparaître de la série pendant quelques semaines. Bikialo saura désormais à quoi s’en tenir. Il faut attendre son départ de la série pour obtenir de fracassantes déclarations du hardos d’AB : « AB c’est une bonne école pour apprendre plein de choses, mais au bout d’un certain temps ça t’endort complètement les neurones, le fait de gagner de l’argent comme ça. On devient vieux, même artistiquement, on perd toute ambition. C’est pour ça que je suis parti. »

Le bad boy quitte l'aventure AB sur cette dernière interview du magazine Super. Ou comment soigner un départ rock'n'roll.
Le bad boy quitte l’aventure AB sur cette dernière interview du magazine Super. Ou comment soigner un départ rock’n’roll.

La rupture est dès lors brutale. Bikialo est lucide, sa seule et unique voie ne peut être que la musique et non la comédie : « Je ne ferais jamais aucun casting, je ne suis pas comédien. Mais si un mec me disait : je te prends dans un film, même pour un petit rôle, ça me plairait, j’accepterais. » Bikialo n’aura finalement jamais vraiment intégré la petite bande d’Hélène : « Chacun a son petit monde, chacun suit sa petite route. AB c’est une expérience mais après tu tournes la page. Hélène, disons c’était la moins délurée de toutes sur le plateau, mais on s’est vus quelques fois à l’extérieur et c’était plus cool. »

Pizzaïolo et batteur

« A ma grande surprise, ils se sont inspirés de ma vie pour créer un personnage. C’est presque un rôle autobiographique : un français qui revient des États-Unis »

Olivier, le pizzaïolo batteur, arrive comme une fine couche de mozzarella sur une pâte déjà bien cuite à l’épisode 194 : « J’étais à Paris et mon agent m’a envoyé chez AB Productions pour un rendez-vous. Au début je croyais à une plaisanterie puisqu’ils cherchaient un acteur ! Après un essai, la directrice de casting a tenu absolument à me présenter aux producteurs et très rapidement ils m’ont demandé si j’étais prêt à revivre en France pour travailler avec eux. Cela tombait mal puisque je repartais le lendemain aux États-Unis pour travailler sur un album. Deux jours après mon arrivée à Los Angeles, mon agent me rappelait : on m’attendait dans Hélène et les garçons. Je n’y croyais pas ! (…) Outre mon physique, je crois qu’ils ont apprécié que je sois musicien. Dans la série, nous ne sommes que deux à savoir réellement jouer d’un instrument ! A ma grande surprise, ils se sont inspirés de ma vie pour créer un personnage. C’est presque un rôle autobiographique : un français qui revient des États-Unis… »

Le beau gosse loser débarque.
Le beau gosse loser débarque.

L’histoire est un éternel recommencement : Super-batteur bla bla bla, copain de Christophe bla bla bla, a déjà rencontré Adeline qu’il a un peu bricolée avant, coïncidence-coup-de-théâtre bla bla bla. Loué soit le Seigneur JLA, à Bonheur City, on oublie bien vite les incartades des uns et des autres, surtout si ce sont des potes et de bons musiciens. Et il se trouve qu’Olivier, surnommé le « gaz » par les sitcomologues en raison de son étrange capacité à tuer l’écran est un vrai musicien, comme Christophe.

John Bonham, Phil Collins et le Cri-cri d'amour peuvent aller se rhabiller. Il est là le batteur qui tue l'écran.
John Bonham, Phil Collins et le Cri-cri d’amour peuvent aller se rhabiller. Il est là le batteur qui tue l’écran.

Olivier Casadesus, dit Sevestre, est issu d’une illustre famille de musiciens. Ce qui expliquerait sans doute son pseudonyme. Très vite, son cas est lié à celui de Christophe : comme lui, son personnage semble meubler, est condamné à des intrigues mineures, pour ne pas dire poussives, et il n’apparaît que sporadiquement.

Olivier Sevestre, c'est avant tout un type qui crève l'écran par son charisme.
Olivier Sevestre, c’est avant tout un type qui crève l’écran par son charisme.

« Cependant, contrairement à son acolyte, il est victime de la malédiction des très beaux garçons à Bonheur City »

Cependant, contrairement à son acolyte, il est victime de la malédiction des très beaux garçons à Bonheur City. Cet ancien mannequin se fait malmener comme un Renaud Roussel par JLA. Entre sa relation merdique avec Rosy, une Freak échappée de l’asile, ses nombreux échecs –notamment avec Taxi, puis sa fin pépère avec Nathalie-redevenue-gentille-par-la-grâce-divine, Olivier ne fait pas vraiment rêver les téléspectateurs. Outre son rôle de traître pas vraiment flatteur à la fin de la sitcom, il a le rôle ingrat de la chouineuse, toujours le premier à se chier dessus dans une embrouille. Il se prend râteau sur râteau par les héroïnes de la série Lynda et Cynthia dans le Miracle (avec une époustouflante scène d’alcoolisme), avant de finir avec Nathalie, personnage qui, une fois devenue sympa pour de bon, n’a plus aucun intérêt scénaristique.

En même temps, quand on a un pantalon pareil, on mérite qu'une bonne dérouillée.
Enfin, Olivier pose ses couilles. Dommage qu’il soit trop bourré pour taper efficacement.

Dans le Miracle, Olivier et Christophe sont présentés d’emblée comme des accessoires : ils n’emménagent pas dans la maison, préférant partager un appartement, et sont le vieux couple de la bande. On sent les deux « acteurs » en roue libre, portant leurs fringues (ce que racontait Sevestre dans une interview peu avant la première diffusion du Miracle), improvisant des blagues et se recroquevillant sur leur duo pour ne pas se tuer d’ennui.

Yoyo se tape toutes les filles allumées de la série.
Yoyo se tape toutes les filles allumées de la série.

Étrangement, quand Christophe parvient à s’échapper de Bonheur City, Olivier reste et le remplace à la batterie. Sans doute parce qu’il n’y avait que lui en magasin. Sans son acolyte, « Yoyo » n’est pas valorisé pour autant. Et même si on le remorque jusqu’à Love Island comme une chaussette oubliée dans une valise, son couple avec Nathalie sera vite archivé. A peine une réapparition pour une intrigue à la mord-moi-le-nœud de photos à poils un peu plus tard dans la série, et s’en sera définitivement fini d’Olivier, qui reviendra sous les traits d’un autre loser, dans Sous le Soleil, le ManPower des anciens d’AB.

« Il me plaît de penser que mes préoccupations sont de nature plus profonde que celles de mon personnage »

Comme Christophe, il apparaît que l’adaptation du personnage ait posé plus de problèmes que prévu : même si JLA ne s’est même pas fait chier à lui donner un autre prénom, Olivier d’H&G est loin d’Olivier Sevestre. Contrairement à une Laly, brésilienne dans la série comme dans la vie, avec des traits de caractère de l’actrice portés à l’écran, il est visible qu’Olivier n’a rien à voir avec le personnage qu’on lui fait laborieusement jouer. « Ses préoccupations, ne sont pas nécessairement les miennes. Il me plaît de penser que les miennes sont de nature plus profonde. Notre point commun c’est la musique », affirme alors Olivier dans la presse.

On notera toute la subtilité de la mise en abyme sevestrienne.
On notera toute la subtilité de la mise en abyme sevestrienne.

En résulte une présence soporifique à l’écran, réduite comme peau de chagrin au fil des épisodes. Sevestre est là pour meubler agréablement, il le sait et ça se voit. Comme son compagnon d’infortune, c’est un vrai musicien, et la musique qu’il écoute (en dépit d’une casserole dans un clip de Stéphanie de Monaco mais faut bien commencer quelque part) n’a sûrement rien à voir avec la bande-son de Bonheur City. Comme Christophe, toute possibilité de dissidence sera tuée dans l’œuf : moins frontalement qu’avec le relooking (et pas relookage, non mais franchement) de son compagnon d’infortune, mais avec une régularité de métronome. Un comble pour un batteur.

L'inévitable casserole : le clip avec Stéphanie de Monaco et la coupe mulet.
L’inévitable casserole : le clip avec Stéphanie de Monaco et la coupe mulet.

Le parallèle avec Renaud Roussel n’est pas anodin : car si Nicolas Bikialo reste tout de même un personnage sympathique et arrive à donner un peu de relief à un Christophe totalement plat, JLA prend un malin plaisir à malmener Olivier. Comme Roussel (Daniel dans Premiers Baisers puis Les Années Fac), il est impensable pour le téléspectateur lambda, et à plus forte raison la téléspectatrice, que ces garçons puissent se prendre des râteaux dans la vie. Il est objectivement impossible que dans la réalité, une Lynda, aussi nouille soit-elle, lourde un mec du calibre de Sevestre pour un « Pâté » Puydebesque. De même, il est inconcevable qu’une Virginie jette un Roussel pour un Rippert, tout Rippert fût-il.

« Sevestre s’emmerde, semble navré par l’indigence de ses dialogues et de ceux de ses partenaires, achève la notion même de suspense avec des sorties dignes du théâtre boulevardier dans ce qu’il a de plus affreux, bref, à côté de lui, Bernard Ménez fait figure de Sacha Guitry »

Ces deux acteurs interviennent à un moment précis : le début de l’essoufflement des sitcoms. Paradoxalement, elles n’ont jamais aussi bien marché : H&G se mue en Miracle, Premiers Baisers en Années Fac. C’est aussi parce qu’elles sont au sommet qu’elles ne peuvent que redescendre. JLA le sait, et le sang neuf, sensé fidéliser les téléspectateurs, menace tout de même sa création : ces très beaux jeunes hommes, acteurs moyens (pour ne pas dire franchement mauvais), font de l’ombre à des vieux routiers des sitcoms comme Rippert, Dupray, Puydebat et compagnie, qui rendent de moins en moins hystériques leurs fans des premiers jours.

Bon à servir les pizzas au final. C'est déjà ça.
Bon à servir les pizzas au final. C’est déjà ça.

Il convient donc de les garder pour la nouveauté, (et parce que ça fait de l’intrigue de seconde zone pas chère pour boucher d’éventuels trous scénaristiques) mais de ne pas trop les mettre en avant afin que les héros conservassent (oui c’est moche) leur place initiale, et assurent ainsi la pérennité des sitcoms. Car c’est véritablement une Machine Infernale, comme celle de Jean Cocteau, qui a été mise en place au fil du temps : en observant toutes les sitcoms, on retrouve, à diverses périodes, les mêmes trames narratives, les mêmes ressorts dramatiques, les mêmes traits de caractères, réduits à une unicité de lieu, de temps et d’espace afin de créer un théâtre de marionnettes au destin attendu.

N'oublions pas Olivier Sevestre. Jamais.
N’oublions pas Olivier Sevestre. Jamais.

Ainsi Olivier, à peine arrivé, est confiné au rôle de gentil copain batteur : Christophe n’a pas l’envergure d’un Cricri d’amour, alors son remplaçant occasionnel… Bien sûr la platitude du personnage n’est pas totalement à mettre sur le compte de JLA, qui, même s’il a du mal à cacher son désintérêt pour ces personnages, ainsi que le plaisir sadique de voir ces garçons réduits à de pathétiques galériens dans ses sitcoms, n’est pas totalement responsable de leur incapacité à dire un texte sans provoquer immédiatement la somnolence.

Sevestre s’emmerde, semble navré par l’indigence de ses dialogues et de ceux de ses partenaires, achève la notion même de suspense avec des sorties dignes du théâtre boulevardier dans ce qu’il a de plus affreux, bref, à côté de lui, Bernard Ménez fait figure de Sacha Guitry. Les rares moments durant lesquels la médiocrité cède le pas à la banalité sont ses échanges avec Christophe. C’est dire.

« La malédiction du Flamby »

Si le personnage a perduré jusqu’aux Vacances de l’Amour (désormais sous son vrai patronyme, Casadesus, comme si ce n’était plus honteux pour la famille), c’est uniquement grâce à sa photogénie. Rapidement évincé, il n’est d’ailleurs que très peu apprécié des fans hard-core de la trilogie, qui n’aiment pas tellement le personnage de Christophe non plus-jugeant les deux ennuyeux. Ce sur quoi on ne peut malheureusement pas leur donner tort.

Olivier tentera d'exporter son charisme en dehors de la métropole. Sans réussite.
Olivier tentera d’exporter son charisme en dehors de la métropole. Sans réussite.

Néanmoins, leur place (ou plutôt leur absence de place) dans les séries reste assez atypique pour justifier une étude sitcomologique. Tous deux marginaux (l’un par son attitude, l’autre par son physique) ces deux jeunes hommes, qui semblaient pourtant calibrés pour Bonheur City, n’ont pas laissé un souvenir marquant, mais posent la question de ce la sitcomologie appelle : « la malédiction du Flamby ».


Bibliographie sommaire du duo de la lose :

Nicolas Bikialo : dans la vie je joue du trash, Speed 7 extra, Mars 1993.
Christophe tout pour la musique, Télé Club Plus, n°12 Août 1993.
L’astro de Nicolas Bikialo, Télé Club Plus, n°21, Mai 1994.
Interview express de Nicolas Bikialo, Le journal de Mickey, n°2198, août 1994.
Nicolas Bikialo, Je suis assez sauvage, Star Club, n°85, Décembre 1994.
Nicolas Bikialo, L’ex garçon d’Hélène balance, Super, Janvier 1996.
Edition spéciale, Super,n° 74, Juin 1994.
Adeline et Christophe Révélation amoureuse, Star Club, 1994.
Olivier Sevestre sur le grill, Miss Star Club, n° 30, Septembre 1994.
Les américaines sont aussi belles à l’extérieur que vide à l’intérieur, Spécial Télé, n°61, Juin 95.

Discussion3 commentaires

  1. Pourquoi dénigrer ces personnages ?
    Christophe est tombé amoureux de Thérèse (dont la scène où elle s’offre à lui était magistrale), d’Adeline (devenue Manuela), de Nathalie. Il était touchant et pas du tout transparent.
    Le personnage de José n’était pas très intéressant et n’avait pas plus d’importance.
    Olivier est tombé à peu près amoureux de Rosy mais surtout de Taxi (scène de la rupture magnifique) puis de Nathalie.
    Ils avaient leurs histoires et de l’importance.

    • C’est du second degré, c’est l’esprit sitcomologue. Je t’invite à lire les autres articles de ce site, tu verras que le ton est similaire.

  2. Bravo pour votre façon très marrante d’analyser les situations !
    Très drôle .
    On en redemande !

Commentaires

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