Sans les filles nous n’existerions pas et elles non plus. Nous sommes liés et faits pour vivre ensemble, même si ce n’est pas toujours facile.
Christophe Rippert.
Devant l’immense succès de son premier opus, Christophe Rippert toujours sous l’égide du duo magique Jean-Luc Azoulay-Gérard Salesses, nous pond un deuxième album, le fameux A Corps Perdu.
Christophe sort cet album en pleine année 1994, dans une situation nationale tendue. En effet, Christophe voit arriver un rival, Christophe Dupray, plus connu sous le nom d’Anthony. Celui-ci est là pour prendre des parts sur le marché des hymens, alors sous son monopole commercial absolu. Christophe est dans l’obligation de sortir un grand album pour contrer cette offensive.
Au niveau personnel, Christophe voit sa vie changer. Il devient une star. Il doit se remettre totalement en question, tant au niveau professionnel que sentimental. Pour son ancien collègue Fabien Remblier, il devient un véritable tombeur: « Christophe comprit rapidement qu’il pouvait tirer (sic) parti de son statut de personnage de télévision. Célibataire depuis peu, il fit ses gammes sur plusieurs figurantes et « guests » de la série avant de s’attaquer à de plus grosses proies. » [1]
« Il y a des gens qui ont une aura, un charisme, mais moi, je n’en sais rien »
Pourtant Christophe est aussi en proie au doute. Lucide, il sait que tout succès est fragile dans ce milieu : « J’espère ne pas me tromper quand je pense que pour l’instant, on m’aime pour moi. Mais d’un autre côté, je crois que la télévision y est pour beaucoup, qu’il s’agit plus de mon image que de magnétisme. Pendant les séances de dédicace par exemple, je vois mon public et je sais que les fans sont là pour le chanteur. En même temps, je m’efforce toujours d’apporter une touche personnelle, d’établir une relation privilégiée, qui me ressemble plus. Il y a des gens qui ont une aura, un charisme, mais moi, je n’en sais rien. » [2]
Ainsi l’album A Corps Perdu porte bien son nom. Christophe décide de se lancer dans la folle vie parisienne d’une jeune star de la chanson et de la télévision, avec tous les excès que cela comporte. Impliqué et crédité dans absolument tous les titres de l’album, Christophe parle d’amour, de luttes sociales, de ses ex, de l’adolescence et du soleil.
Ça t’ressemble pas
« En matière de sentiments, c’est quand on fait des erreurs qu’on mesure ce qu’on est capable de donner et comprendre qu’on aime »
Dans ce premier morceau, Rippert, ou Rip’ pour les intimes, compose une chanson fondamentalement triste. Christophe raconte une fois de plus ses histoires d’amour qui se terminent mal, au son d’une douce ballade post-Eddy Mitchell :
Avant de partir, attends, on s’est pas tout dit ; j’te jure que j’t’ai jamais, jamais, joué la comédie
Christophe sait qu’en amour on fait tous des erreurs. Comme il parle mieux que personne dans ce domaine, il est intéressant de le citer à ce sujet : « C’est grâce aux erreurs qu’on se relève de toutes les situations. En matière de sentiments, c’est quand on fait des erreurs qu’on mesure ce qu’on est capable de donner et comprendre qu’on aime. »
Tu m’fais vraiment craquer
« Les paroles semblaient avoir été plaquées sur la musique du générique du Club Dorothée. Jean-Luc Azoulay se disant sans doute qu’en réutilisant la musique d’une émission à succès, on ne pourrait faire qu’un autre succès. Il n’avait pas tort »
C’est le tube de cet album, celui qui a été violemment promu en générique de fin de Premiers Baisers. La genèse de cette chanson atteint un cynisme presque inégalé encore aujourd’hui. Fabien Remblier s’en amuse dans son livre : « Les paroles semblaient avoir été plaquées sur la musique du générique du Club Dorothée. Jean-Luc Azoulay se disant sans doute qu’en réutilisant la musique d’une émission à succès, on ne pourrait faire qu’un autre succès. Il n’avait pas tort. »
Cette récup’ est une brillante réussite, la chanson est un incontestable hit qui permet à l’album de bien se décoller. C’est de nouveau une victoire du business made in AB selon Fabien Remblier : « Jean-Luc Azoulay et Gérard Salesses, avaient perfectionné le système. Ils ne prenaient pratiquement pas la peine de transformer ou de remixer les musiques. On aurait pu croire qu’elles étaient réutilisées telles quelles. Quel gain de temps et donc d’argent ! (…), AB était équipé d’un studio d’enregistrement somptueux qui aurait laissé rêveur bien des chanteurs français. Un studio maison aurait dû permettre de prendre le temps de travailler et de produire des chansons de qualité, avec de bons arrangements et des musiciens. Mais là encore, la méthode AB était différente. Le principe était simple. On enregistrait l’album complet et sur fond de synthé, dans la journée, au pire, en deux jours. »
Scandaleux pour certains, coup de génie et de cynisme pour d’autres, les faits sont là : ce morceau est imparable, les oreilles perverties par des heures de mercredis après-midi passées devant le Club Dorothée aidant :
Moi, j’me trouvais là par hasard
Dans cette salle d’expo sur Renoir,
Quand soudain, j’ai croisé ton regard
J’ai eu comme un pressentiment
La chanson commence fort : Christophe Rippert s’est donc retrouvé « par hasard » dans une « salle d’expo sur Renoir ». Plutôt habitué aux figurantes décérébrées qui peuplent le plateau de tournage de Premiers Baisers, Christophe Rippert découvre une fille qui, sans rire, « a l’air vachement cultivée ». Cette expression est terrifiante, Rippert le sait, et il enfonce le clou :
Tu m’fais vraiment craquer
Allez savoir pourquoi
J’ai flashé grave sur toi
J’m sens comme possédé
J’suis plus tout à fait à moooi
« J’aime que ma fiancée soit attentive, à l’écoute, câline, féminine et élégante »
Difficile de savoir à quel degré faut-il prendre cette chanson ? Quoiqu’il en soit, c’est une époque dans laquelle Christophe a réellement envie de filles d’un nouveau genre pour lui : « Brune ou blonde, je pense que l’image, c’est de la poudre aux yeux. Ce qui compte, c’est la générosité d’âme ! Ma femme idéale doit savoir donner sans compter, et si elle est belle, qu’elle soit simple et avec quelques petits défauts. A petite dose, ils rompent la monotonie, alimentent le jeu de l’amour. Sans défauts, une relation serait impersonnelle. »
Puis il enfonce le clou : « En grandissant mes attentes ont changé. Avant, je me contentais seulement de l’aspect physique. Aujourd’hui j’apprécie surtout chez une fille son honnêteté et sa sincérité. Dans une relation amoureuse, j’aime qu’il existe une vraie complicité. C’est une chose importante pour moi. J’aime aussi que ma fiancée soit attentive, à l’écoute, câline, féminine et élégante. »
C’est un nouveau Christophe qui se définit comme le vrai romantique, attentif avant tout à la féminité : « J’aime le charme d’une fille. Ce quelque chose indéfinissable qui rend une fille attirante. Je suis attentif également à son élégance. Je peux être amusé par leurs maladresses, qu’elles soient réelles ou feintes. J’adore voir une fille rougir. Elles se montrent fonceuses et intrépides mais elles ne peuvent cacher leur fragilité. Dans ce cas-là, je craque. »
« Je n’en revenais pas. Aussitôt la prise terminée, Christophe et sa partenaire disparurent dans une loge. La figurante ne réapparut que plus d’une heure plus tard, le rouge aux joues, après que les assistants l’aient cherché dans tous les locaux d’AB »
C’est donc ça qui fait vraiment craquer Christophe. Toutefois, il est difficile de ne pas mettre un bémol par rapport à cette image idéale de ce Christophe romantique. C’est Fabien Remblier, encore une fois, qui raconte une anecdote révélatrice lors d’un tournage de Premiers Baisers. D’un coup, c’est tout un mythe qui s’effondre :
« Je crus entendre un léger gémissement de la part de la partenaire de Christophe, ce qui nous fit pouffer de rire, ma partenaire et moi. Après que le réalisateur ait coupé le moteur, Christophe me regardait d’un air surpris et se penchait vers moi.
-Elle m’a vraiment embrassé. Tu l’as entendue soupirer?
Je ne pouvais que répondre par l’affirmative. Christophe décida, de lui « faire la totale », selon ses propres termes (…) Lors de la prise suivante, je le vis glisser sa main sous la jupe de sa partenaire et la caresser avec insistance. Ils eurent du mal à s’arrêter lorsque le réalisateur annonça « Coupez! ». Je n’en revenais pas. Aussitôt la prise terminée, Christophe et sa partenaire disparurent dans une loge. La figurante ne réapparut que plus d’une heure plus tard, le rouge aux joues, après que les assistants l’aient cherché dans tous les locaux d’AB. »
Que cette histoire soit vraie ou fausse, on préfère se laisser guider par Christophe, glosant sur l’art de la drague : « C’est l’art et la manière de faire ou dire quelque chose sans en donner l’impression. C’est une espèce de grâce, de finesse indéfinissables et impalpables. Les femmes sont très savantes et pleines d’astuces pour piéger les garçons en jouant de leur charme. Elles seules savent être faussement naturelles.»
Ah les femmes…
Laissez-nous rêver
Christophe veut à sa manière marquer le débat qui fait rage sur la montée des inégalités au sein de la société française
C’est la chanson la plus engagée politiquement parlant de Christophe Rippert. Rien à voir donc avec la chanson éponyme d’Herbert Léonard. Il faut évidemment rappeler le contexte économique et social de la création de cette chanson. En effet, Christophe Rippert sort son album en 1994, alors que la crise économique de 1993 sévit toujours, et que la prochaine élection présidentielle fait déjà figure de tournant dans la politique sociale de la France. Christophe Rippert veut alors à sa manière marquer le débat qui fait rage sur la montée des inégalités au sein de la société française. Il commence par une sévère critique des médias. La radio et la télé sont pointées du doigt. Christophe Rippert leur demande fermement que c’est « pas la peine de nous répéter que la vie n’est pas vraiment rose, et l’avenir plutôt morose ».
Il rappelle qu’il suffit de regarder « autour de soi » pour voir la misère : en 94, il y a des gens qui « n’ont plus de quoi pour vivre dignement comme toi et moi ». Identification totale de Christophe Rippert avec son jeune public. On peut légitimement se questionner sur la pertinence et la sincérité d’une telle chanson.
Mais il n’empêche que Christophe, honnête ou pas, nous fait vibrer et remet en question notre société socratique du « chacun à sa place ». C’est ainsi qu’il parle de « dignité » et on peut lui tirer notre chapeau parce que la dignité, c’est important. Ne se contentant pas de se mettre à la place de son public, Christophe Rippert lance son refrain comme un hymne : « OH, laissez-nous rêver… laissez-nous croire qu’on ne se bat pas pour rien ! » La force du « Oh » est palpable, Rippert exhortant les puissants, c’est à dire les médias, les hommes politiques, les ingénieurs du son qui « arrangent » sa voix, à, « nous laisser rêver ».
Rippert, comme Ophélie Winter, cherche le « bon chemin », celui de l’espérance et de l’apocalypse, c’est à dire l’arrivée de la Justice sur la Terre
Christophe Rippert se place ainsi dans la lignée d’un Diogène, d’un Bacon ou d’un Danny le rouge des grands soirs. C’est un refrain à base de dialectique matérialiste. L’Histoire Rippertienne doit se faire tout d’abord par un « rêve », ou plutôt « des rêves, acquis par les luttes, permettant la possibilité d’espérer, de croire. Puis ce sont les considérations matérielles qui primeront : « On ne se bat pas pour rien ». C’est à dire ici plus concrètement, afin d’anticiper la chute des actions TF1, histoire de toucher une hypothétique prime pour chaque épisode rediffusé sur AB1. On peut sentir aussi toute l’influence chrétienne qui sévit dans cette œuvre. Rippert, comme Ophélie Winter, cherche le « bon chemin », celui de l’espérance et de l’apocalypse, c’est à dire l’arrivée de la Justice sur la Terre.
Dans le deuxième couplet Christophe Rippert enfonce le clou. Il devient moins théorique, pour entrer dans le fond du sujet : « Vous nous parlez de tout réformer, de tout changer, de nous adapter ». C’est un message envoyé tant à Balladur qu’à Fabius. Les politiques en prennent pour leur grade avec Christophe Rippert, sans distinction. Car Christophe Rippert ne croit pas en la politique. Il parle de « mensonges », « d’idées reçues », pour mieux dénoncer la corruption qui règne et le manque de connaissance du « terrain » de nos soi-disant « représentants ». Il utilise encore le « nous » pour parler de lui et de ses fans, contre le « eux » des puissants qui ne comprennent rien à rien. Christophe Rippert ici filtre dangereusement avec le populisme anticapitaliste, ni à gauche ni à droite. Il a toutefois toujours nié avoir été syndiqué CGT-Pento en 92.
« Il se place en hédoniste, sexuellement hot, refusant de voir la vie en noir parce que des Somaliens crèvent de faim, que des Serbes massacrent des Bosniaques, ou parce que Camille Raymond a un front plus large que celui de l’Est »
Pour finir, Christophe Rippert affirme qu’il faut « laisser vivre notre présent ». On se croirait revenu en Mai 68, où il fallait « jouir maintenant et tout de suite ». C’est courageux de la part de Christophe Rippert, car depuis la fin des années 80 et les thèses de Luc Ferry, Mai 68 n’a clairement plus le vent en poupe. Rippert lui se place en hédoniste, sexuellement hot, refusant de voir la vie en noir parce que des Somaliens crèvent de faim, que des Serbes massacrent des Bosniaques, ou parce que Camille Raymond a un front plus large que celui de l’Est.
On peut ainsi dire que Rippert a osé sortir une chanson engagée, à une époque où la bien-pensante droite balladurienne dominait les débats. Christophe Rippert n’use d’aucune démagogie, critiquant avec arguments et vision de fond les problèmes de la société. Il offre des perspectives claires et utilisables pour les mouvements sociaux qui gonfleront en 95 avec la montée du FN et les grandes grèves, en partie imputables au travail de sape d’un Christophe Rippert soudainement devenu le Bob Dylan des jeunesses chiraquiennes.
A tous ceux qui me disent
Christophe, une sorte de nouveau télévangéliste pour adolescentes décérébrées ?
Par excellence, la chanson évangéliste de Christophe Rippert. Décidé à montrer au grand jour sa foi au monde, il le fait néanmoins de manière laïcisée, par détournement. C’est ainsi qu’il se décide à pourchasser les égarés, les cyniques et les infidèles, c’est-à-dire ceux qui ne croient plus en l’amour. A ces derniers, il leur affirme de manière incantatoire, péremptoire et iconoclaste que : « Vous n’avez rien compris ! »
Cette violence verbale se poursuit : « Dites pas n’importe quoi ». On sent que Christophe Rippert est en colère à la vision de tous ces pauvres gens qui ne croient plus en l’amour. Métaphore d’un manque de foi ? Rippert annonce très sérieusement :
A ceux-là, je réponds qu’ils feraient mieux d’ressusciter
Que pour tout recevoir faut d’abord tout donner’
On voit parfaitement que Christophe Rippert se prend ici pour Jésus Christ. Nous sommes bien dans la thématique du « partage », de « l’échange », bref un retour digne du christianisme primitif d’un Tartulien. Rippert est-il une sorte de nouveau télévangéliste ? Pourquoi pas [3]. Il nous offre un beau message, universel et intemporel. « L’amour, y a rien de plus beau », mais malheureusement ce n’est pas évident pour tout le monde dans le monde d’aujourd’hui.
Faire semblant
Macho romantique dans l’âme, Rippert ne supporte pas en retour ce qu’il inflige lui-même aux filles, et il a bien raison
Cette fois, c’est Christophe qui plaque la nana. Les rôles sont inversés car c’est lui qui a été trompé. Macho romantique dans l’âme, Rippert ne supporte pas en retour ce qu’il inflige lui-même aux filles, et il a bien raison. Soralien dans l’âme, Rippert ne se laisse pas démonter :
Pas la peine de pleurer
Le mal est derrière toi
Rien n’pourra effacer
Ces traces de lui sur toi
Je n’pourrai plus jamais
Te regarder comme avant
Encore moins désormais
T’aimer aveuglément
Sans insister sur cette histoire de « traces », on comprend et on compatit. Pourtant c’est lui-même qui, une chanson plus tôt, pestait contre ceux qui ne croient plus en l’amour. Toujours contradictoire, incapable de suivre les préceptes qu’il impose aux autres, Christophe Rippert ne facilite pas vraiment la compréhension de son jeune public.
Et c’est comme ça
« Christophe multiplia les conquêtes d’un soir avant de rencontrer Linda qui allait devenir plus tard chroniqueuse chez Ardisson. L’aventure fut de courte durée et Christophe eut du mal à s’en relever »
« Mon inspiration est née d’une fille que j’ai aimé passionnément, que j’aime toujours, mais dont je ne donnerais pas le nom. Pour elle j’ai écrit : « Et c’est comme ça ». J’y raconte notre histoire, notre rencontre. Depuis on s’est séparés. Ce texte est un bon moyen de me remémorer les moments passés avec elle. » [4]
Qui est cette fille ? Christophe s’est amusé à placer dans les remerciements de l’album un « clin d’œil » à une certaine Linda Hardy. Depuis, il a admis : « J’étais très amoureux d’elle, ça a été dur. » D’ailleurs dans cette chanson, Christophe s’enflamme : « Tu es l’amour de ma vie (…) pour l’éternité ». Pourtant, cette belle déclaration s’opère sous un air triste, car cet amour a été de courte durée. Son ancien collègue Fabien Remblier se souvient parfaitement de cette romance débutée lors d’un plateau télé : « Christophe multiplia les conquêtes d’un soir avant de rencontrer Linda qui allait devenir plus tard chroniqueuse chez Ardisson. L’aventure fut de courte durée et Christophe eut du mal à s’en relever. Terriblement amoureux de Linda, il ne supportait pas de la voir s’afficher au bras de telle ou telle personnalité dans la presse people. »
Christophe jaloux maladif ? Sans véritablement se l’avouer, Christophe admet le danger que cela peut représenter lorsqu’elle est excessive: « La jalousie existe chez tous les êtres humains, même chez les animaux. C’est une protection, la peur de perdre l’autre. Une peur aussi bien féminine que masculine. Je pense aussi que la jalousie est nécessaire car elle prouve que l’on tient à l’autre. Mais il y a danger quand elle est trop présente. On risque l’étouffement. »
Malheureusement, entre Christophe et Linda Hardy, la belle histoire n’aura pas de happy end, malgré la certitude de la chanson : « C’est comme ça tu verras, qu’on s’aimera, pour l’é-ter-nit-é ». Ainsi, pour la réalisation du clip, pas de Linda, mais Isabelle Bouysse, jouant le rôle de la femme séduite par le crooner d’AB.
Vivre à reculons
Ce ne sont plus les histoires de chagrin d’amour qui posent problème, mais la question plus sérieuse de la sexualité
Dans cette chanson, Christophe nous montre une facette rock sixties inédite, qui n’a finalement rien à envier à son compère Anthony Dupray. Dans le clip, on peut constater l’ampleur du phénomène Rippert, vraie rock star, chantant devant une foule de filles en transe. Dans son style caractéristique, Christophe s’adresse à ce public, plus particulièrement aux jeunes adolescentes : « Tu viens juste d’avoir 15 ans », qui ont pris, il faut le rappeler, une année de plus depuis le single « Rien que du brouillard ».
A présent, ce ne sont plus les histoires de chagrin d’amour qui posent problème, mais la question plus sérieuse de la sexualité. Sans une seule fois parler d’organes génitaux, Christophe fait comprendre aux jeunes filles, qui l’écoutent attentivement, qu’il est temps de se lancer dans le « monde des grands » :
Tu ne peux vivre à reculons
Laisser tes rêves tourner en rond
Faudra qu’tu fasses le premier pas
Tu sais la vie ne t’attendra pas
C’est dans ce sens que Christophe exhorte ses fans à se lâcher, à vivre enfin, à baiser (avec) la vie. Il prend exemple sur lui-même afin de faire partager sa manière de vivre. Dans une interview, il pense qu’il faut donner l’exemple : « Oui je m’engage à fond. Il faut savoir se livrer, se donner et s’abandonner sans forcément attendre de retour. Il faut savoir se lancer, se dévoiler pour pouvoir attirer l’autre. »
Aujourd’hui je continue à travailler ma voix, à faire des progrès même si je sais que j’apprendrais toute ma vie
Il ose alors un parallèle avec sa (courte) carrière musicale : « Pour la chanson c’est la même chose. J’ai décidé de prendre des cours de chant bien avant de décrocher le rôle de Luc. Et même si mon métier a parfois pris le pas sur mon envie de chanter, j’ai continué à travailler ma voix, et j’ai enregistré mon premier titre « Un Amour de Vacances », contre l’avis de mon professeur de chant. Aujourd’hui je continue à travailler ma voix, à faire des progrès même si je sais que j’apprendrais toute ma vie. Mais l’émotion est trop forte, le choc émotionnel est incroyable quand on monte sur scène, pour rencontrer son public. Il y a un amour intense échangé dans ces moments-là. »
On retrouve, dans ces déclarations sous haute dose de substances illicites, les propos de Fabien Remblier concernant le Christophe de cette époque : « Christophe, éternel amoureux, passa donc de bras en bras, espérant à chaque fois trouver la femme de sa vie. Son charme naturel opérait. Plutôt beau garçon, il savait utiliser ses armes pour arriver à séduire celles qui l’intéressait. Il devint en quelque sorte le pendant de son personnage. Christophe était partout. Toute la presse jeune faisait ses couvertures avec sa photo. Il était de tous les « Jackie Show ». Il multiplia les galas et, avec cela, les occasions de rencontrer de nouvelles têtes (…), l’entourage de Christophe évolua également. Sans véritablement se mettre à l’écart des autres comédiens de la série, il devenait moins disponible, déjeunait le midi avec ses nouveaux « amis » de la production et du secteur disque d’AB, ceux, nombreux, dont on ne sut jamais exactement ce qu’ils faisaient chez AB. »
Tout va trop vite
Ici Christophe ne s’adresse pas uniquement aux autres, mais raconte sa propre expérience
Une violente boite à rythme en intro. Des violons synthétiques. Christophe ici, d’un ton quasi menaçant, remet en cause la vie de son cher public : « Tu passes à ta vie à courir, pour aller où et pourquoi ? »
Véritable hymne à la décroissance, Christophe avertit les jeunes de vingt ans qui ont acheté son disque qu’il ne faut pas aller « trop vite ». Toujours contradictoire, Christophe passe d’une chanson exhortant les minettes à ne plus aller à reculons pour dire à un jeune adulte de « prendre le temps de prendre son temps », car, et c’est imparable, dans « 10 ans t’auras 30 ans ». Mais on sait bien qu’ici Christophe ne s’adresse pas uniquement aux autres, mais raconte sa propre expérience. Tout est allé trop vite pour Christophe, devenu une star si vite, si jeune…
A noter le clip, particulièrement en phase avec la chanson : une succession de gros plans sur Christophe, agrémentés d’images de Luc de Premiers Baisers, de couvertures de presse ou d’extraits de ses différentes tournées, le tout à un rythme effréné qui donne littéralement la nausée.
La vie sans toi
L’amour, c’est apprendre à ne plus être égoïste
Deuxième chanson concernant Linda Hardy, Christophe nous offre une jolie balade qui parle de l’après, quand l’amour ne se conjugue plus au présent : « C’est comme un long chemin ».
Cette douloureuse expérience d’amoureux transi est ainsi l’occasion pour Christophe de définir l’amour: « L’amour, c’est apprendre à ne plus être égoïste. Pour moi, il est synonyme de générosité. C’est le don de soi à l’autre, un regard attentif à ses envies et ses espérances. C’est aussi s’oublier et s’effacer, pour ne voir que l’être aimé. L’amour doit sans cesse être nourri d’attentions, petites et grandes, pour éviter qu’il ne meure. Rien n’est jamais acquis en ce domaine. »
Sous le soleil
Une chanson à écouter sur un transat, cocktail alcoolisé à la main
Sous ce titre Obisponien, sa cache un potentiel petit tube de l’été 1994, qui n’aura malheureusement pas marché. Christophe se fait plaisir avec un thème estival qui lui a réussi auparavant. Une chanson à écouter sur un transat, cocktail alcoolisé à la main.
A noter qu’un clip psychédélique a été tourné pour l’occasion, dans lequel on peut admirer la sublime chemise fluo de Christophe (qu’il porte aussi fièrement dans Premiers Baisers, lors de sa « période mannequin »), ainsi qu’une certaine Manon Saidini…
Réapprendre à s’aimer
Tout y respire ici le romantisme kitsch et recyclé
Sans doute la chanson la plus remarquable de l’album. Véritable hommage/pompage à Joe Dassin et son « été indien », Christophe Rippert, avec un premier degré hautement respectable, redéfinit la notion du slow. Le clip, tourné à Paris, en noir et blanc, montre un Christophe badass, vêtu d’un blouson de cuir. Tout y ici respire le romantisme kitsch et recyclé.
Lors du live à Bercy, avant d’interpréter ce tube, Christophe expliquera à son public ce qu’il entend par l’idée de réapprendre à s’aimer : « Vous savez, il y a une chose formidable en amour, c’est que, même quand deux êtres qui s’aiment se séparent, même quand on croit que c’est terminé, il est toujours possible de reconquérir le cœur de l’autre, il suffit simplement pour ça, de, réapprendre à s’aimer. »
L’optimisme de Christophe est salutaire en ces temps de crise et de peur de l’avenir.
Et l’amour dans tout ça ?
- Chant : 4/5
Le Rip a considérablement progressé pour son deuxième opus. Les fausses notes règnent encore, mais elles sont désormais parfaitement intégrées à la production du reste de l’album. Quand Christophe chante l’amour ou balance un « Oh », on est littéralement transporté.
Musique : 4/5
Un album Salessien pure souche (ce synthé…), une production ancrée dans son époque. On regrette peut être un manque de diversité, compensé heureusement par des chansons toutes mythiques. Même le vol du tube de Joe Dassin ne choque pas, c’est dire l’ampleur du phénomène Rippert.
Paroles : 4/5
Christophe a beaucoup participé à l’écriture de l’album, et cela se ressent. L’amour, Linda Hardy, la société, le temps qui file à toute vitesse, la tristesse, l’été…etc. Bref tout y passe.
Prestation & Esprit AB : 4/5
Avec le hit intemporel « Tu m’fais vraiment craquer », Christophe a su rendre le générique de fin de Premiers Baisers culte. Rien que pour ça, l’album entre dans le panthéon de la culture AB.
Total : 16/20
1- REMBLIER Fabien, Les Années Sitcom, Médiacom, Paris, 2006
2- Christophe Rippert et la musique : Dorothée Magazine n°266, 25 Octobre 1994
3- Rappelons que Christophe Rippert est l’auteur d’une reprise de « il est né le divin enfant » en 1993.
4- Christophe Rippert et les filles: Télé Club + n°31 , Mars 1995
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A noter que la chanson « Tu m’fais vraiment craquer » a été diffusée, dans sa version en public, sur France Inter en mai 2013 dans l’émission de Philippe Meyer « La prochaine fois je vous le chanterai » dans la rubrique « La chanson Hôn ». Christophe Rippert n’avait plus dû être diffusé en radios depuis au moins 1995. La diffusion d’une de ses chansons (dont il est en plus l’auteur) sur France Inter aurait pu être un honneur pour lui, mais au vu de la rubrique de l’émission dans laquelle elle a été diffusée, cela n’a pas été le cas ! Et je ne sais pas comment il a pris cette diffusion de sa chanson. Au moins, cela lui aura fait percevoir quelques droits d’auteur supplémentaires !
En fait, j’avais vu cet album en CD en vide-greniers il y a quelques années, et j’avais hésité à l’acheter. A l’époque, je ne savais pas que Christophe Rippert lui-même en avait écrit les paroles de toutes les chansons. Dommage car j’aurais ainsi pu posséder en bonne qualité ces chansons dont les textes sont des chef-d’oeuvre de littérature et de poésie contemporaines. Heureusement que Youtube existe pour pouvoir y écouter toutes ces merveilles. Mais bon, si je le trouve à nouveau en vide-greniers, je l’achète sans hésiter cette fois-ci !
J’écoute cet album sur Deezer. Je rajouterais une chose : La chanson « A tous ceux qui me disent » ressemble beaucoup mélodiquement à la chanson de la chanteuse Stone (Ancienne moitié du duo à succès des années 70 Stone et Eric Charden) « J’ai toujours chanté des chansons d’amour » sortie en 1981. Encore un plagiat inconscient de Jean-Luc Azoulay et Gérard Salesses ? Je vous laisse juge : http://www.youtube.com/watch?v=NtFyzErZISY