En plein succès des années AB, le magazine Télérama avait trouvé un surnom à Hélène et les Garçons : « L’Odyssée du lisse ». Si l’expression « Odyssée du vice » aurait été sûrement plus pertinente, il est indéniable que l’ère des sitcoms AB a été une grande épopée mouvementée. AB c’est d’abord un nombre ébouriffant de séries, de chansons, de personnages, de scènes cultes et d’anecdotes. Un univers labyrinthique, la création d’un seul homme, sorte de « Homère » de la fin du XX° siècle : Jean-Luc Azoulay.
Le groupe AB Productions reste à jamais associé à des succès qui paraissent inconcevables aujourd’hui : l’audimat record d’Hélène et les Garçons, des disques d’or à la pelle pour des chanteurs débutants et un merchandising faramineux de goodies « AB ». Le groupe a en outre produit des nouvelles « stars », devenues en quelques mois les idoles de toute une génération : Hélène, Christophe, Sébastien et les autres… « J’étais les Beatles à moi tout seul » , résumera une dizaine d’années après son succès la coqueluche de Premiers Baisers Anthony Dupray.
Mais l’Odyssée d’AB, c’est aussi le récit d’échecs fracassants et de destins brisés. Des sitcoms que personne n’a voulu voir à l’époque, et des quantités d’obscures chansons renvoyées aux oubliettes de l’histoire. En outre, les protagonistes de l’aventure AB ont vécu avec plus ou moins de bonheur ce succès aussi brutal qu’éphémère. On ainsi pu voir nombre des « stars AB » péter les plombs ou prendre la grosse tête, notamment ceux de la bande à Hélène et les Garçons. Quelques années plus tard, ce sera au tour des Lofteurs de l’univers de la télé-réalité de connaître ce type d’expérience traumatisante… D’autres comédiens ont été néanmoins simplement lessivés par le rouleur compresseur de la machine AB, telle Hélène Rollès, véritable pompe à fric qui a tourné et chanté jusqu’à épuisement total
Il faut aussi se souvenir que ces jeunes gens ont pris en pleine face le flot intarissable de critiques, de moqueries et de mépris de la part des gens du « milieu », au point qu’on a pu parler d’une « étiquette AB » accolée à leur front. Travailler pour AB, c’était alors être considéré comme un « pestiféré » selon Fabien Remblier dans son autobiographie qui devait s’appeler au départ « Gueule de sitcom ». Christophe Rippert, qui fut hué aux Victoires de la Musique en 1996 par la profession, ne dira sûrement pas le contraire.
Sébastien Roch persuadé de pouvoir « faire carrière » dans le cinéma alors qu’il était et qu’il restera à jamais le « Cri-cri d’amour », acquiescera sans doute. L’image, l’étiquette, le label sitcom AB va ainsi demeurer à jamais une marque au fer rouge pour la plupart des protagonistes d’AB. La dure loi du métier.