Tous les enfants qui ont regardé Hélène et les garçons partagent cette même sensation de s’être fait léser par AB vis-à-vis de l’image qu’ils s’étaient forgés de l’université. Dans leur immense majorité, les enfants ont naïvement cru à cette faculté fictive et à ses chambres universitaires grossièrement belles et spacieuses. Car l’université dans AB Productions, c’est le mensonge permanent.
D’abord, les cours sont les grands absents à l’écran : jamais on ne verra un amphithéâtre, jamais on ne parlera sérieusement des cours, des profs, des galères propres à la vie estudiantine. Certes, on sait que les filles sont en « socio », et les garçons en « lettres ». On voit de temps à autre un décor représentant le hall de la fac. Et c’est à peu près tout. En outre, à de très rares exceptions, on ne révise pas chez AB, car le temps est principalement consacré à trois uniques activités majeures : blablater en buvant des pots à la cafète, s’exercer à la salle de sport et répéter du rock dans un garage.
Pire, l’université semble ici ne pas avoir franchi le cap des sixties : a priori, Mai 68 n’a pas existé dans l’univers parallèle d’AB puisque les garçons et les filles sont séparés au sein du campus universitaire. Tous les protagonistes sont en effet obligés – au péril de leurs vies – d’escalader les murs pour accéder à la chambre universitaire du sexe opposé (avec un effet sitcom-gag garanti).
La sitcom des « Années Fac » diffusée en 1995 aurait pu nous faire croire que les sitcoms AB allaient enfin traiter réellement le monde universitaire. Que nenni ! Il y a encore une fois tromperie sur la marchandise puisque le décor de l’université n’apparaît qu’au bout d’une bonne centaine d’épisodes. Et encore, on ne peut voir que l’extérieur des bâtiments, un vague hall et le bureau… du journal de la fac.
L’idée aurait pu être intéressante, mais on découvre que le journal est dirigé par Virginie, dont le personnage n’est pas vraiment crédible dans son rôle de super étudiante en économie. Pire, le journal de la fac devient rapidement un nouvel alibi pour les intrigues « gossip » de la sitcom, quand la diabolique Sandra prend son contrôle et décide d’en faire un « Closer ».
Le journal de la fac devient alors un « torchon », où les premières pages traitent exclusivement de la vie sexuelle d’Anthony et Luc (qui ne sont même pas étudiants, mais ça, c’est une incohérence dont se moquent les scénaristes!).
L’utilisation de l’université comme un décor pour des intrigues légères a longtemps cristallisé à juste titre les critiques sur l’invraisemblance des scénarios et l’absence de crédibilité des personnages, évoluant en quelque sorte dans un cadre « hors-sol ».
En outre, les sitcoms AB ont donné une image totalement déconnectée et faussée de la vie étudiante à toute une génération. Celle-ci aurait sans doute largement préférer s’inscrire à Paris XIV plutôt dans les facultés délabrées qu’elle connaîtra par la suite, dans la « vraie vie ».