Certains morceaux méritent réellement d’être passés en radio.
Christophe Rippert.
« L’été dernier, quand je suis parti en vacances avec Bruno Le Millin, nous avions évoqué l’idée de signer un texte ensemble. Ça s’est tellement bien passé que nous avons décidé de coécrire tout l’album. Au mois d’août, Bruno arrivait tous les matins avec des croissants et nous nous installions pour travailler. Quand je suis seul, j’écris plutôt par terre, adossé au canapé. Avec Bruno nous nous mettions sur la table avec un stock de papier et des stylos. Et quand le texte nous convenait, je le saisissais par ordinateur. » [1]
Voilà comment Christophe Rippert présente son troisième album à la presse lors de sa sortie en 1996. Avec la collaboration du célèbre Monsieur Girard, qui avait déjà écrit pour François Rocquelin l’inoubliable « Toutes folles de mon corps », Christophe souhaite offrir à ses fans, qui le suivent depuis quatre ans déjà, l’album de la maturité.
« Bruno Le Millin a beaucoup de rigueur. On a appris à se connaître, à rechercher le côté poétique, les mots les plus justes. Nous avons retravaillé chaque phrase, chaque texte »
Son complice lui apporte en effet l’expérience et le professionnalisme nécessaire à la réalisation de cet opus, baptisé simplement Juste ces Mots : « On avait décidé de tout se dire. De ne pas se satisfaire de l’à-peu-près. Bruno a beaucoup de rigueur. On a appris à se connaître, à rechercher le côté poétique, les mots les plus justes. Nous avons retravaillé chaque phrase, chaque texte. Les premiers textes n’ont plus rien à voir avec l’album tel qu’il a été enregistré. Par exemple, « Pourquoi » a été écrit quatre fois avant de nous plaire. Ça nous a pris deux mois et demi. Et ça en valait la peine ! »
Christophe est donc un acharné du travail. Contrairement aux apparences, il y a beaucoup de labeur derrière cette nouvelle fournée made in AB Productions. Pour mieux comprendre l’obstination de Christophe dans le secteur de la chanson, il est nécessaire de revenir en arrière, avant même l’enregistrement de son premier tube « Un Amour de Vacances ». C’est Fabien Remblier dans ses Années Sitcom qui raconte les débuts les ambitions du Christophe apprenti chanteur : « Christophe n’avait qu’un rêve depuis le début de Premiers Baisers : chanter. Et depuis qu’Hélène avait enregistré un album, Christophe aurait fait n’importe quoi pour en faire autant. Nous en discutions souvent en allant dîner le soir après les tournages. Il faisait preuve d’une motivation sans limites, écrivant même des textes qu’il voulait soumettre le plus vite possible à Jean-Luc. » [2]
Néanmoins, à ce moment, le producteur n’avait pas encore envisagé que ses comédiens puissent devenir eux-mêmes chanteurs : « Christophe en avait parlé à plusieurs reprises au cours de dîners de prod, mais jamais Jean-Luc Azoulay n’avait relevé ses propos (…), au cours de l’un de ces dîners, peut-être grisé par le succès d’Hélène, et alors que Christophe renouvelait sa demande, Jean-Luc lança à la cantonade un « Qui serait intéressé par l’enregistrement d’un disque? » Avec les autres, je levais la main comme à l’école. Jean-Luc, comme à son habitude, lorsque quelque chose l’intéresse, changea de sujet après nous avoir brièvement laissé entendre que nous allions rencontrer le compositeur maison, Gérard Salesses. Il était l’incontournable compositeur des chansons de Dorothée, d’Hélène, des Musclés, et de tous les génériques des séries. Ses compositions me laissaient froid. En fait, elles me faisaient plutôt froid dans le dos. »
« Un rendez-vous fût fixé. Christophe et moi nous sommes donc retrouvés un matin dans le bureau de JLA, afin de faire des essais de voix. Je n’avais rien préparé, contrairement à Christophe qui aurait pu chanter le répertoire complet de Cabrel et Bruel réunis »
Si Fabien reste circonspect devant une possible collaboration avec le duo infernal Porry-Salesses, Christophe lui s’engouffre dans la brèche : « Un rendez-vous fût fixé. Christophe et moi nous sommes donc retrouvés un matin dans le bureau de JLA, afin de faire des essais de voix. Je n’avais rien préparé, contrairement à Christophe qui aurait pu chanter le répertoire complet de Cabrel et Bruel réunis. Il fût donc le premier à chanter, tandis que Gérard était au synthé, et que Jean-Luc, assis derrière son bureau, ne perdait pas une miette de ce qu’il entendait et voyait. Christophe mit tout son cœur dans les paroles qu’il chantait. J’étais beaucoup moins enthousiaste que lui, lorsque vint mon tour de chanter « Qui a le droit ? » de Bruel, dont je ne connaissais que très vaguement les paroles (…). Christophe lui était déjà sur une autre planète (…) Le lendemain, JLA pris la peine de me téléphoner lui-même. Il m’annonça que ma voix l’intéressait beaucoup plus que celle de Christophe, et qu’il était prêt à me faire chanter. La condition était d’accepter de chanter ses textes et de subir les compositions de Gérard Salesses. Le lendemain, Christophe arriva sur le tournage tout sourire : JLA l’avait appelé afin de lui annoncer qu’il allait chanter. Il me demanda fièrement si JLA m’avait également appelé, mais j’ai préféré le laisser à son rêve en lui répondant par la négative. Christophe en tira une fierté qui aurait pu être légitime… Les semaines qui suivirent passèrent dans l’euphorie, Christophe ne touchait plus terre. »
Deux albums à succès, des lives à Bercy et quelques tournées foireuses en compagnie de son acolyte Anthony plus tard, Christophe croit plus que jamais en son carrière de chanteur. Certes, l’année 1996 marque la fin de l’apogée des sitcoms AB. Hélène vit son premier échec commercial avec son Toi…Emois (1995). Mais ce contexte difficile ne semble pas perturber Christophe. Pourtant le milieu de la chanson est violent, surtout quand on est marqué au fer rouge par l’étiquette AB. Christophe en fait d’ailleurs les frais lors d’une cérémonie des Victoires de la Musique dans laquelle l’ensemble de la profession l’a honteusement sifflé.
« Les orchestrations sont somptueuses. Exactement comme je les voulais. Il y a quelques introductions à la guitare sèche ou au piano qui sont tellement simples, tellement belles »
Humilié mais pas abattu, Christophe espère toujours surfer sur son succès télévisuel. Il croit dur comme fer à sa nouvelle galette, comme il le déclare à Télé Club Plus : « Les orchestrations sont somptueuses. Exactement comme je les voulais. Il y a quelques introductions à la guitare sèche ou au piano qui sont tellement simples, tellement belles… » De plus, Christophe s’investit personnellement dans son projet, et en profite pour exorciser ses démons, comme il le dit lui-même : « J’ai mis beaucoup de moi dans les textes. Je me suis inspiré de ce que je vivais cet été, de mes sentiments, de mes expériences. Avec le temps, on mûrit forcément. On a plus de choses à raconter, plus d’émotions à faire passer. » Juste ces Mots sera donc l’album de la sincérité, du labeur et au son (enfin) plus travaillé.
Pour Christophe, il doit marquer une nouvelle étape dans sa carrière de chanteur : « Je trouve que j’ai fait pas mal de progrès (…) encore trois ou quatre ans de cours et j’aurai la voix parfaitement placée. » Même son de cloche du côté de sa nouvelle muse, Manon Saidini, qui fait quelques apparitions dans les Années Fac : « Son dernier album est celui que je préfère. Il est plus abouti, meilleur que les précédents. Christophe a mûri et les textes qu’il a écrit sont très beaux. Ces chansons racontent toujours de belles histoires d’amour et c’est tant mieux. C’est un garçon très romantique et ce disque reflète parfaitement ses sentiments et sa façon de voir l’amour. »
Pourtant, cet album reste dans l’histoire comme le plus grand échec dans la jeune carrière de Christophe Rippert. Emporté lui aussi par le déclin généralisé des « produits AB », Christophe voit sa carrière de chanteur mise entre parenthèses, avant sa disparition quasi-totale des radars télévisuels. Il faudra attendre le début des 10’s pour qu’un modeste album voit enfin le jour dans la discographie rippertienne, dans un style et un langage bien différents.
J’étouffe sans toi
« Je suis du genre maniaque, je fais des efforts surhumains mais je ne supporte pas le fouillis ! D’où la difficulté de vivre en couple. Les filles sont tellement désordonnées.. »
Une intro austère et sombre. Une ligne de basse batcave, concoctée par l’inévitable Rémy des Musclés. Le troisième opus de Christophe Rippert sera donc goth ou ne sera pas. Christophe a en effet le blues : « Sommes-nous passés à côté, pour n’avoir jamais osé ». C’est certainement l’album de la spirale descendante pour cette figure charismatique des années 90. L’amour n’est plus provisoirement au rendez-vous : « Je regarde les autres s’aimer autour de moi, ils ont l’air heureux pourtant je ne comprends pas, pourquoi eux, pourquoi pas moi, est-ce si difficile que ça ? »
Christophe envoie de véritables signaux de détresse, que personne à l’époque n’a su voir : « Si tu m’entends, si tu tiens encore à moi, viens me chercher sauve moi, le bonheur est tout prêt il nous attend… »
La quête du bonheur, de l’amour. Christophe cherche, mais encore et toujours, mais ne (se) trouve pas. Peut-être que l’une des raisons de son échec répété avec le genre féminin se cache finalement derrière cette petite phrase, lâchée en toute innocence à Télé Club Plus : « Je suis du genre maniaque (…), je fais des efforts surhumains mais je ne supporte pas le fouillis ! D’où la difficulté de vivre en couple. Les filles sont tellement désordonnées… »
Pourquoi
Un morceau innovant dans la galaxie rippertienne
La traversée du désert se poursuit pour Christophe, dans une chanson où les questions foisonnent : « Pourquoi de tout le temps se lasse (…) pourquoi faut-il qu’il nous remplace (…), pourquoi faut-il que tout s’efface ? »
Rippert fait encore une fois référence à l’amour et à la problématique de sa temporalité. Il constate que l’amour ne peut survivre au temps, qui est « indifférent au cri du cœur ». Saloperie de temps. Mais n’oublierait-il pas qu’un amour se construit aussi dans la continuité ? Le débat reste désespérément ouvert.
Quoi qu’il en soit, musicalement le morceau innove dans la galaxie rippertienne. Les fameuses « orchestrations magnifiques » donnent un aspect épique au titre. Par contre, certaines parties de claviers sont légèrement de mauvais goût. Au final, une bonne chanson dans le « rippertoire » de Rippert, et une bonne occasion de débattre sur le temps et l’amour.
Tu es tout ce que j’aime
Ses yeux
Ont le bleu
Des rêves merveilleux
Où je plonge pour être heureux
Quand elle me sourit
Et qu’elle m’étourdit
Moi je n’ai plus d’alibi
Certes, il est manifeste que ce texte ressemble plus à de la poésie de sixième qu’à autre chose, mais bon dieu que c’est beau. Surtout que surgit rapidement une incroyable boîte à rythmes, toute droit sortie des années 80.
« Des personnes ont dû transpirer à l’écoute de ce titre dans les campings lors du fameux été 96 »
C’est clairement le tube dance-floor de l’album ! Le (la) beat de Rippert est implacable. Solo de guitare, break, grosse caisse, échos… tout y passe. Et qui n’a jamais chanté en chœur ce refrain : « Tu es tout ce que j’aime, je t’aime à perdre haleine, emmène-moi dans ton Eden, Eden ». Des personnes ont dû transpirer à l’écoute de ce titre dans les campings lors du fameux été 96.
Par ailleurs, cette chanson est non pas dédiée aux beaux yeux de Virginie comme certains ont pu le croire, mais bien à Manon Saidini, la petite amie de Christophe à l’époque.
Probablement écrite pour devenir un tube inoubliable, la chanson n’a jamais vraiment cartonné. Le clip est a beau être diffusé dans le Club Dorothée, rien n’y fait. Il faudra attendre les années 2000 et les rediffusions de Premiers Baisers sur AB1 pour entendre à nouveau la chanson, dans le générique de fin…
Mourir d’amour
L’éternel seum de Christophe en amour…
Une intro directement empruntée au thème lyrique de la musique de la sitcom de l’École des Passions. Encore une chanson triste, dans laquelle Christophe Rippert se dit prêt à mourir. Rippert est comme ça, c’est un amoureux transi.
Et comme il l’avait déjà chanté auparavant, il n’a plus envie de « faire semblant ». Pourtant, il en a « pris des coups, mais il s’est toujours relevé ». Heureusement, jusqu’à ce jour, Rippert est toujours bien vivant. Ouf.
Je t’ai laissé t’en aller
« J’ai peur, j’ai froid, j’suis fatigué »
C’est une des trois chansons de l’album où Christophe ne se fait pas aider par Monsieur Girard. Et Monsieur Girard, il est vachement doué pour l’aide aux devoirs. De là à dire que sa présence manque ici, il y a un pas qu’on ne franchira pas. Car la ligne de basse de la chanson est entraînante. Mais on sent que Chris’ est moins en forme. En même temps, il le dit lui-même : « J’ai peur, j’ai froid, j’suis fatigué ». Un vrai coup de mou pour notre rock star.
Pire, Christophe se lâche : « Pleurer ne servirait à rien ». Pourtant pleurer doit pouvoir servir, car, comme il le chantait sur son précédent opus, « les garçons se cachent pour pleurer ». De quoi rendre perplexe l’auditeur assidu. Heureusement, le live-clip sauve la chanson : Rippert nous transmet beaucoup d’émotion en secouant intensément la tête pour bien faire comprendre son désarroi, tout en n’oubliant pas de tripoter des gamines au passage. Il est donc quand même loin d’être en perte de vitesse.
Tant pis pour moi
« Christophe et Manon ont vécu une idylle amoureuse lors du tournage des Années Fac »
C’est un titre très particulier, puisque c’est la chanson que Christophe a composé à l’intention de l’exquise Manon Saidini. Christophe joue à la perfection son personnage romantique, timide et humble. On apprend que Manon « savait », et que Rippert lui, « savait qu’elle savait ». Mais nous autres pauvres auditeurs, « savions nous qu’ils savaient ? »
Christophe et Manon ont vécu une idylle amoureuse lors du tournage des Années Fac. Manon jouait le rôle de Karine, qui, au côté de Virginie Caren, devait être une sorte de pot de colle un tantinet nymphomane.
Leur complicité transpire vite à l’écran, par des petits mots doux (« ma puce ») ou par des discrètes mains au derrière. Leur collaboration se poursuit par la participation de Manon à divers clip de Christophe, comme celui de « Tu es tout ce que j’aime ». Dans la chanson sous forme de déclaration d’amour, Christophe raconte sa version de la rencontre entre les deux tourtereaux :
Je connaissais d’elle son prénom
Elle s’appelait Manon
Elle ne connaissait rien de moi
Normal on s’parlait pas
Je la croisais tous les matins
Rue Saint Augustin
Elle prenait son air ingénu
Du style je t’ai pas vu
Mais moi j’t’avais dans la tête
Et je savais qu’tu savais
J’allais pas jouer les poètes
Pour te dire que tu m’plaisais
C’était une excuse en fait
Non, c’est pas malin, je sais
Tant pis pour moi
Pourtant, à en croire Manon, c’est lors du tournage du clip du tube « Tu es tout ce que j’aime » que la véritable rencontre à eu lieu. Et lorsqu’elle en parle, c’est une tout autre histoire : « Sans dire que cela s’est mal passé, on ne peut pas dire que c’était l’idéal ! Je l’ai trouvé froid et distant. Puis on a cherché à mieux se connaître et nous avons fini par devenir de très bons amis ! » [3] Christophe a donc, pour les besoins de la chanson, quelque peu inversé les rôles. Mais ce n’est pas grave, car Manon a su séduire le bellâtre par ses charmes.
« Lorsqu’il écrit, il s’isole et il ne doit y avoir aucun bruit dans la maison. Alors je préfère passer le voir quand il a terminé ! »
L’apothéose de leur aventure entre dans la postérité à travers un article de Télé Club Plus. On y apprend qu’elle est en totale admiration devant lui et dresse un portrait flatteur : « Il s’investit à fond dans tout ce qu’il fait et il est très présent sur le tournage du clip. Il s’est par exemple intéressé aux tenues que je porte, à ma coiffure… Avant de commencer le tournage, il m’a précisé ce qu’il voulait exactement, que je sois parfois très femme, parfois plus jeune, toujours glamour, douce, amoureuse, tendre… Travailler avec lui est très agréable car il donne beaucoup de conseils, s’inquiète de savoir si tout va bien. Il est complice, donne son avis… Et visiblement il est content de mon travail. Tant mieux ! »
On découvre à cette occasion que Manon a participé à l’écriture de l’album. Elle dépeint ainsi un Christophe bosseur à la limite du supportable pour son entourage, mais à l’écoute des autres : « Il me fait souvent lire ce qu’il écrit. Il aime bien avoir un avis extérieur, qu’on lui fasse des critiques. Parfois je lui dit qu’il n’est pas allé assez loin, qu’il ressent des choses encore plus profondes et je suis sûre qu’il est capable de les exprimer avec des mots. Alors il se remet au travail ! Lorsqu’il écrit, il s’isole et il ne doit y avoir aucun bruit dans la maison. Alors je préfère passer le voir quand il a terminé ! »
Mais c’est surtout le mental de Christophe que Manon admire : « C’est avant tout quelqu’un de très perfectionniste et qui se donne les moyens d’arriver à son but et de faire du bon travail. Christophe est un professionnel, c’est une grande qualité pour moi. »
Ne m’en veux pas
« Les paroles sont soit énigmatiques, soit sans queue ni tête, c’est selon »
Guitare sèche, chœur féminin, refrain lancinant : « Ne m’en veux pas, ne m’en veux paaaaaaaaaaaas ». On tient là un titre peu connu mais ô combien majeur de la discographie de l’artiste. Du coup, comme dit si bien Rippert : « On ne sait même plus à qui jeter la pierre ? »
Dans cette chanson, Christophe a peur de la nana. Il a selon ses dires : « peur de toi, peur de tout ça ». Les paroles sont soit énigmatiques, soit sans queue ni tête, c’est selon :
Y’a trop de mensonges derrière les vérités
Tell’ment d’aveux pour mieux se retourner
De larmes versées pour plus vite s’en aller
De souvenirs amers qui s’revendent aux enchères
Partir Ailleurs
« On sent que Rippert comprend exactement ce que ressentent les enfants qui crèvent dans les bidonvilles au Brésil »
Après toute une série de chansons larmoyantes, ayant pour unique thème l’amour, on retrouve enfin une chanson engagée de la part de Christophe, à l’instar de l’inoubliable « Oh, laissez-nous rêver ». Mais ici c’est sur fond de bossa nova que l’artiste dépeint les malheurs des enfants de Favelas. On sent que Rippert comprend exactement ce que ressentent les enfants qui crèvent dans les bidonvilles au Brésil.
Heureusement que le soleil et le rythme chaud des maracas sont là pour leur rendre leur sourire. En effet, Rippert tente de se mettre à place de ces pauvres gamins : dans les 90’s, on commence à prendre conscience de la misère des taudis brésiliens et de l’écart des richesses grandissant entre riches et pauvres. Il faut aussi rappeler que Christophe, en tant que tennisman, a connu le Brésil lors d’une compétition dans ce pays.
Serait-ce en définitive le « Heal The World » de Rippert ? En tout cas il est certain que depuis le temps, le président Lula a dû finir par l’entendre et entreprendre une active politique socialiste. Parce que comme le chante si bien Christophe (dommage que cruzeiros ne rime pas avec Rio mais tant pis) :
Pour une poignée de cruzeiros
Tu chantes dans les rues de Rio
Au rythme chaud des maracas
Oh toi l’enfant des favelas
Quand on te parle d’avenir
Tu as la pudeur de sourire
Comme pour te cacher tes angoisses
Oh toi l’enfant des favelas
Partir ailleurs
Vers d’autres devenirs
Où tes malheurs
Ne seront plus que souvenirs
Hasta la revolucion siempre, commandante Rippert !
Toutes ces images
« Le morceau devient épique, ressemblant (presque) à du Led Zeppelin »
Après avoir dénoncé les malheurs des petits brésiliens, Christophe passe au cas des petits enfants bosniaques. Sur fond de géopolitique, Christophe surprend donc son monde avec ses textes engagés. Ici c’est la guerre qui est dénoncée. Une chanson qui envoie direct « en plein cœur ».
Après avoir probablement vu au Journal Télévisé de TF1 un reportage sur la guerre en Bosnie, Christophe monte au créneau. Il n’est vraiment pas content. Pour l’accompagner, Gérard Salesses sort les violons et les grosses guitares. Le morceau devient épique, ressemblant (presque) à du Led Zeppelin. Christophe évoque de ce fait la souffrance de ces pauvres enfants, impliqués malgré eux dans un conflit sanglant. Quand il évoque les combats, on se croirait presque à Srebrenica, où eut lieu un terrible massacre en juillet 1995 qui choqua les européens :
T’entends encore le sifflement des balles
Déchirant le silence’ en rafales
Venir arracher les vies
Au hasard d’une rue, d’un abri
T’entends encore le froid des cris de douleurs
Où l’innocence, touchée en plein cœur
Paye sans le vouloir la folie
De ceux qui croient avoir compris
Mais notre chanteur engagé ne s’arrête pas là. Nous assistons à un véritable réquisitoire contre ces guerres qui traumatisent des générations entières, contre ces hommes qui n’apprennent rien de l’histoire, qui au nom de la liberté commettent des crimes intolérables :
T’entends encore le bruit des machines de fer
Surgir jusqu’à faire trembler la terre
Comme pour accuser l’histoire
De nouvelles pages de désespoir
T’entends encore ces hommes d’un autre ailleurs
Oser clamer que pour un monde meilleur
Il n’est pas de vraie liberté
Qui s’gagne sans rançon à payer
Avec AB, c’est donc comme ça. On n’a pas peur de chanter contre la pauvreté, contre la guerre. C’est peut être naïf, mais ça a le mérite d’être dit et fait. Au moins, notre génération des années 90 ne pourra pas dire qu’elle n’aura pas été prévenue.
Aimer pour aimer
« Oh, que c’est beau d’aimer, d’aimer pour aimer, de tout donner sans compter, oui que c’est beau d’aimer »
Sans transition, retour aux fondamentaux pour Rippert. Car son fonds de commerce reste l’amour. Alors qu’il en soit ainsi : « Oh, que c’est beau d’aimer, d’aimer pour aimer, de tout donner sans compter, oui que c’est beau d’aimer (…) » Mais à force de disserter sur l’amour, Christophe finit vite par dire n’importe quoi :
L’amour est insolent
Rien ne l’retient
Pas même les discours
Un peu comme le vent
Il va, il vient
Vit comme un troubadour
Il donne et il reprend
Ainsi sans fin
Nous en tout cas, on aime Christophe en tant que troubadour.
Ange de la nuit
Quand Christophe chantait l’histoire d’un travelo
Attention, ovni dans la discographie de Christophe Rippert : l’Ange de la nuit raconte l’histoire d’un travelo ! Quand on sait que le public qui achète les disques de Christophe est très, très jeune, ça fait peur. Mais heureusement, la morale est sauve. Pour Christophe, le travelo trompe les autres, et trompe surtout lui-même. C’est pas bien de s’habiller en fille la nuit, m’enfin :
Ange de la nuit
Tu brûles ton âme
Sur toute la gamme des interdits
Ange de la nuit
Tu joues les femmes
Charmes et désarmes
Quand vient minuit
A toujours fuir la vie
A faire semblant aussi
C’est toi que tu trahis
Cette chanson hautement dansante, probablement destinée aux soirées/afters glauques organisées par AB, connaît à la surprise générale une seconde jeunesse en 2005 avec la reprise d’un certain Thierry Leprince, un personnage haut en couleur.
Juste ces mots
Les Années Goth
La chanson éponyme de l’album. La plus glauque aussi. Christophe a peut-être aussi écouté Bauhaus avant d’écrire ce titre. Clavecin, ligne de basse gothique (encore le bassiste des Musclés qui fait des siennes), solo de guitare déchirant : Christophe est plus que jamais ténébreux, envoûtant et désespéré.
C’est une chanson qui traite encore de la rupture amoureuse, mais nulle part ailleurs Christophe avait réussi à être aussi tranchant :
Non t’avais pas l’droit
Moi dans tout ça
Je deviens quoi
Non t’avais pas l’droit
De me faire ça
J’suis rien sans toi
Comment ne pas rester insensible devant ce « NON » d’une puissance rare. Puis Rippert enfonce le clou lors du final, tout en retenu :
J’ai si mal
Pourtant je n’arrive pas à t’en vouloir
Même si je sais
Que ça t’es égal…
- Chant : 4/5
Christophe est à l’apogée de son œuvre. L’homme qui aime « réussir tout ce qu’il entreprend » a su subjuguer son chant, lyrique au possible.
Musique : 5/5
Les orchestrations magnifiques qu’a voulu Christophe ont su pénétrer l’âme des rares auditeurs qui ont suivi Christophe à l’époque.
Paroles : 4/5
Avec Bruno le Millin, Christophe a su prendre un allié de choix. Christophe écrit de nouvelles chansons d’amour, mais pas que, puisqu’il traite aussi de la misère au Brésil, de la guerre en Bosnie ou encore d’une histoire de travelo.
Prestation & Esprit AB : 5/5
Un album composé avec Monsieur Girard, c’est déjà tout un programme. Et la chanson à propos de Manon donne une saveur 100 % AB à cet album. Christophe en 1996 est le dernier à avoir continué le trip AB jusqu’au bout.
Total : 18/20
Le triptyque rippertien s’achève avec un album aussi fantastique qu’oublié de tous à l’époque. C’est seulement depuis les années 2000 que l’album commence à être reconnu à sa juste mesure.
1- Toutes les citations de Christophe Rippert sont issues de l’interview par Télé Club Plus, consultable sur le forum de la sitcomologie, ici
2- Toutes les citations de Fabien Remblier proviennent des Années Sitcom, 2005, Mediacom
3- Toutes les citations de Manon Saidini sont issues de l’interview par Télé Club Plus, consultable sur le forum de la sitcomologie.