Jean-Luc Azoulay m’annonça que ma voix l’intéressait beaucoup plus que celle de Christophe, et qu’il était prêt à me faire chanter. La condition était d’accepter de chanter ses textes et de subir les compositions de Gérard Salesses.
Fabien Remblier, les Années sitcom, 2006.
Quand Christophe Rippert et Fabien Remblier sortent de leur entretien avec le producteur Jean-Luc Azoulay, deux aventures musicales naissent mais divergent aussitôt. Christophe Rippert se lance « à corps perdu » dans la production musicale AB de l’époque. De son côté, Fabien Remblier choisit sa propre voie, mais contrairement à son collègue, sa carrière de chanteur ne fera pas de lui la star de toute une génération.
Fabien est un vrai passionné de musique. Il a grandi dans les années 80 avec Bowie, les Cure et le reste de la scène new-wave. Pas vraiment emballé à l’idée de chanter sur des textes de Jean-François Porry, ni d’endurer les synthétiseurs de Gérard Salesses, le jeune comédien décide que ce sera à lui de se démerder pour faire de la musique. Le Do it yourself versus AB Prod en quelque sorte. Dans son autobiographie parue en 2006, il raconte la genèse de cet obscur projet de disque : « Daniel, un ami suisse, me présenta Eric Lee, grand gaillard chauve au look très personnel. Eric était musicien. Nous avons donc parlé musique toute la soirée, échangeant nos opinions et parlant de nos goûts musicaux. J’appris le lendemain, qu’Eric était à la recherche de quelqu’un à produire et Daniel, connaissant le succès de Premiers Baisers, lui avait parlé de moi. Le feeling avait été bon. Eric demanda à me revoir pour me proposer de travailler avec lui. »
« Le défi : utiliser la ligne de basse de Premiers Baisers pour chanter une chanson… plus qu’osée ! »
Attitude courageuse, à des années lumières des comédiens-chanteurs d’AB couvés par JLA, Fabien et sa connexion suisse s’éclatent et écrivent plusieurs chansons. Mais l’univers AB n’est jamais loin encore à cette époque : « Le premier titre, intitulé Poopetipoo, était un défi : utiliser la ligne de basse de Premiers Baisers pour chanter une chanson… plus qu’osée ! »
Le nom de l’album est lui-même inspiré des désillusions de Fabien vis-à-vis de ses employeurs : « L’album était nommé Sign Here, suite à une soirée assez arrosée durant laquelle nous imaginions Eric entrer, tel Zorro, dans le bureau de Jean-Luc Azoulay avec les contrats de distribution et lui crier SIGN HERE ! »
Car oui, Fabien est bien conscient que son album ne rentrera pas dans l’univers acidulé et imaginé par Jean-Luc Azoulay. Pourtant, il se donne à 100% dans la réalisation de cet album : « Afin de préparer les rendez-vous avec les maisons de disque, un pré-clip fût même tourné sur l’un des titres les plus « rock » que les autres. Il me mettait en scène aux prises avec une jeune femme particulièrement hystérique qui me foutait dehors. Je partais alors tel un poor lonesome cowboy sur ma Harley arpenter les routes suisses. Un grand moment de télévision que je sors de temps en temps pour donner un fou rire à mes amis. »
Mais comme prévu, l’album laisse perplexe Jean-Luc Azoulay, contrarié de voir un de ses poulains s’écarter de la ligne dictée par le maître : « De retour à Paris, je pris rendez-vous avec Jean-Luc afin de lui faire écouter les titres. Chantés en anglais, dans un style très différent de ce qu’il se faisait chez AB, ils ne collaient pas avec l’image que Jean-Luc avait de moi, toujours trop proche à mon goût de l’image de Jérôme. Il me dit qu’il préférerait m’entendre chanter en français, ce à quoi je rétorquais que je n’étais pas de son avis. Ces titres avaient une consonance anglo-saxonne, pas française du tout. »
« Je me demande même si ce n’est pas encore plus ringard qu’un Amour de Vacances »
Fabien et JLA restent donc sur leurs positions. Devant l’impossibilité de trouver un consensus, Fabien tente de démarcher d’autres maisons de disque. Mais il semble qu’à cette époque, personne ne souhaite ou n’ose s’occuper d’un comédien marqué du fer AB : « Personne ne voulait prendre le risque de distribuer un artiste AB de peur des réactions de Jean-Luc et Claude Berda. L’influence du groupe AB était telle que tenter de sortir de la sphère était pratiquement impossible. »
Fabien tente une dernière fois de convaincre les producteurs d’AB, sans véritable espoir : « Jean-Michel Fava du label Pense à Moi, ne me montra pas un débordement d’enthousiasme à l’idée de distribuer mon album. Un début de discussion s’engagea, mais aucun accord n’en sorti. Il resta très vague quant à la possibilité de distribuer Sign Here. » Ce nouvel échec signe la mort de ce projet mort-né. Malgré une petite promo dans Télé Club Plus, personne à l’époque ne connaîtra cet album : « Je préférais ne rien sortir plutôt que de risquer de me planter. Je n’avais pas envie, comme nombre de mes camarades des séries, de sortir un titre juste pour le plaisir de le sortir. »
Et l’album au final, que vaut-il ? C’est en 2005, sur son forum officiel, que Fabien déballe ses vieux cartons. Il nous donne la possibilité d’écouter (enfin !) SIGN HERE. Et quel bonheur ! Certes, le son est daté, l’accent de Fabien catastrophique, mais quelle fraîcheur, quelle sincérité ! Il a fait ce qu’il aimait, sans se soucier du marketing AB. Fabien ne sera décidément « pas dans le moule » comme il le dit lui-même.
Aujourd’hui, on a encore la possibilité d’écouter quelques titres sur le myspace officiel de SIGN HERE. Toutefois, Fabien reste lucide sur ce projet qu’il qualifie de « premier projet raté » : « Moi maintenant j’ai du mal à les écouter tant le son a vieilli… Je me demande même si ce n’est pas encore plus ringard qu’un Amour de Vacances… »
Pour écouter l’album cliquer ici
One Way Friendship
Ouverture de l’album. Immédiatement, on a envie de taper des pieds. Ça swingue, la basse jazzy résonne et les solos de guitares et de synthés s’enchaînent pour notre plus grand plaisir. La voix de Fabien est ouvertement reconnaissable, accent so frenchy en prime.
Mama Never Told Me
Chanson de rocker. Fabien a la fièvre, il est énervé. Grosses guitares, voix d’écorché vif. Fabien voudrait tout plaquer : AB, Premiers Baisers, Justine, toutes ces conneries et avoir une vie de rock’n’roller.
Poopetipoo
Comme Fabien l’explique, cette chanson est le gros foutage de gueule de l’album. La basse de Premiers Baisers, la voix suave et sensuelle de Fabien nous entraîne dans ce slow improbable. A la fois kitch et irrésistible, l’apothéose reste le « I looooooooooooooove you » balancé en fin de morceau. Merci Fabien.
Came Down To See You
Notre David Bowie hexagonal tient son véritable « hit » ici. D’ailleurs c’est la fameuse chanson dont le clip fut tourné en Suisse. Il y avait de quoi faire un succès, dommage que JLA n’ait pas cru en lui. Pourtant, « To always do it wraïte » comme le chantait si bien Fabien. Parce que les sitcomologues le martèleront jusqu’à leur mort : ça groove bien SIGN HERE.
Mistery
Mistery… Mistery. Fabien susurre ces mots, à la manière d’un Prince. La talent en moins. Cette ballade est mièvre, ringarde, semblant tout droit sortir des 80’s. Niveau anglais, c’est la catastrophe pour Fab, ainsi qu’un taux de fausses notes largement supérieure à la moyenne. Heureusement qu’un beau solo de guitare à la fin du morceau vient quelque peu rehausser le niveau.
Sign Here
Encore une fois, l’influence « Princiesque » est évidente dans ce petit tube, totalement funky. Fabien se lâche, demande qu’on lui signe ce putain de contrat. « Oh yeah« . Autant dire que c’est une petite perle groovy, qui a moins vieillie que la plupart des autres titres.
Get Away
Au moment d’arriver à ce titre, on commence à se dire que l’album aurait largement pu s’arrêter avant. On peut encore s’extasier sur l’accent et le chant en perdition de Fabien.
No Money To Pay
La chanson la plus mal chantée par Fabien (et Eric Lee). Mais on s’en fout, car la magie de SIGN HERE marche toujours, Fabien est un putain de rockeur incompris. Et tant pis s’il n’avait pris que Anglais en LV2.
Turn On The Love
Final de l’album sur une nouvelle ballade pop-rock. Fabien aurait pu être dans une autre vie le Axxl Rose des années AB. Il avait déjà la veste en jean. Manquait le foulard, dommage.
- Musique : 3/5
Globalement, le son de l’album a vieilli, beaucoup vieilli. Les influences sont facilement détectables : Prince et Bowie en tête, ainsi que toute la décennie 80, de la new-wave au bon vieux hard rock FM. Parfois, quelques moments de grâce détonnent. Sûrement parce que Fabien a su s’entourer de bons zicos.
Paroles : 2/5
Fabien a eu le mérite d’aller au bout de ses principes, en chantant en anglais. Et comme avec les artistes anglo-saxons, on préférera ne pas trop se pencher sur la véritable teneur des lyrics.
Chant : 1/5
Le point faible de l’album. Si le chant de Fabien peut fait sourire les vieux fans de « Jérôme » (on reconnaît parfaitement sa voix), son accent s’avère catastrophique. De quoi donner quelques fous rires. Combiné à un nombre hallucinant de fausses notes, c’est le jackpot !
Esprit AB & Prestation : 4/5
Un titre parodiant le générique de Premiers Baisers. Sign Here en référence direct au producteur de Fabien. L’esprit AB est bien présent dans cet opus. Et surtout, on a un clip exceptionnel, tourné en Suisse. Voir Fabien sur sa Harley, vénère comme jamais à cause d’une meuf, c’est un bonheur sans fin. On mettra 5 points quand on pourra enfin voir une prestation live du groupe. A ce propos, il parait qu’une VHS traîne encore dans les cartons de Fabien…
Total : 10/20
Il faut répondre à une seule et unique question : Sign Here est-il encore plus ringard que la galette de Christophe Rippert, Un Amour de Vacances ? Notre réponse est sans équivoque : oui. Mais Sign Here suinte l’honnêteté, l’esprit punk et la passion de la musique. Et ça, c’est incomparable.