D’abord un tube éternel de Dorothée, cette formule est aussi censée représenter l’univers imaginaire d’AB Productions. Pour preuve, le clip est réalisé en travelling, la caméra parcourant les tournages des différentes sitcoms. Tout le monde est joyeux, tout le monde sourie. « Bonheur City » c’est sans aucun doute la magie d’AB à son apogée. De même, les paroles de la chanson décrivent ce monde utopique qu’a créé Jean-Luc Azoulay. Un univers acidulé, où la pluie n’existe pas et dans lequel tous les habitants vivent heureux. Un poil plus extrémiste que la planète des Bisounours, Bonheur City est une « Utopia », au sein duquel « l’amour est presque une loi ».
Dorothée incarne comme personne cette « religion » du bonheur made in AB. Les membres de culte informel sont surnommés les « Dorautistes ». Il est censé souligner par ce jeu de mots douteux une forme d’autisme de ces fans envers leur « idole », et leurs réactions vis-à-vis des autres « artistes » de l’univers AB. Dans le cerveau d’un Dorautiste, rien ne pourra jamais égaliser la grande prêtresse Dorothée, pour laquelle est vouée un véritable adulation à travers un premier degré saisissant.
Dans le viseur des adeptes de « Do », se trouve plus particulièrement « l’autre », une certaine Hélène Rollès, jugée comme une vulgaire copie sans talent qui n’a rien à faire au côté de « Do », même à un concert revival AB. Le fan de Dorothée est en quelque sorte un extrémiste. Il ne jure que par Dorothée. Il écoute religieusement ses vieux disques, ce qui le pousse à acheter le DVD du concert de 2010 de Dorothée, un show qu’il avait trouvé « excellent, avec une Dorothée qui ne fait pas son âge et qui chante toujours aussi bien ». Enfin, et c’est peut-être le plus terrifiant, le fan pense sérieusement que les enfants d’aujourd’hui seraient plus heureux s’ils avaient une émission présentée par « une vraie humaine, comme Dorothée. » Glaçant.
Néanmoins, s’il a été possible un temps de croire que « Bonheur City » pouvait être réellement à l’image de la chanson, la réalité est toute autre. En effet dès 1995 apparaissent des premières fissures dans l’édifice AB. L’intarissable flot de critiques a laissé des cicatrices indélébiles chez les membres de la « famille AB ». Certaines stars maisons ont pété les plombs et pris la grosse tête, ou ont simplement claqué la porte. Quant aux dirigeants du Groupe, ils se divisent sur la stratégie à adopter. Le courant « Berdiste » préfère ainsi déjà diriger la manne financière de l’entreprise vers le satellite plutôt que dans la production de nouvelles sitcoms. Apogée ou début de fin cycle pour AB, l’année marque quoi qu’il en soit le début du grand déclin. Bonheur City explosera deux ans plus tard, suite au clash définitif avec son diffuseur TF1 entraînant la mort du Club Do et la disparition brutale des dernières sitcoms. En outre, la découverte de ce qui se déroulait réellement dans les coulisses d’AB a progressivement dévoilé un « envers du décor » fort éloigné du message joyeux et bon enfant prôné par le tube de Dorothée.