La charcuterie avec le pain ça pardonne pas.
Steve.
Ici, on ne s’intéresse pas aux « stars » de l’univers AB, mais aux petits rôles joués par des comédiens souvent talentueux, mais quasiment inconnus : les fameux guests ou « seconds couteaux » made in AB Productions. C’est le cas de Steve, un personnage tout à fait culte, incarné par Philippe Benard. Il joue le rôle du « copain attachant » de l’épisode 20 des Années Fac [1], un certain Steve. Censé être un vieux copain du Havre d’Anthony, il va vite se montrer lourd, voire dangereux pour toute la bande.
Il fallait bien manger
Sa performance n’a pas laissé indifférent les sitcomologues, partis à la recherche de Philippe Benard himself pour en savoir plus sur le comédien et espérer glaner quelques anecdotes de tournage. En effet aujourd’hui, il est possible de retrouver n’importe qui sur la toile, surtout un comédien. Et cette interface, c’est bien sûr Facebook. Tout le monde en possède un, même si on n’a rien à dire dessus. La foire à la mégalomanie sûrement. Mais c’est toutefois une excellente vitrine pour un comédien, qui a ici une possibilité de contact instantané avec un employeur, mais aussi la chance de prouver à tout le monde qu’il est « moderne. » Ainsi, avant que Facebook ne soit ringardisé [2], il a donc été primordial pour nous de l’investir afin de prendre contact avec ceux qui ont participé à la « saga des sitcoms ». On a ainsi pu retrouver ce fameux Philippe Benard ! Probablement encore plus surpris que nous de l’avoir retrouvé, il est resté très lapidaire quant à sa prestation dans les Années Fac en 1995 : « Je n’imaginais pas que cette série avait des fans ! En ce qui me concerne, il fallait bien manger. Merci quand même ! »
Les Années Fac ? Aucun souvenir…
Aie aie aie pour nos recherches. Philippe Benard n’a « aucun souvenir précis » de sa prestation dans les Années Fac. Mais alors comment est-il arrivé dans la sitcom ? C’est tout simplement par l’intermédiaire de son agent qui a donné son CV à Aude Messean. La directrice des castings d’AB Productions possède en effet, selon les dires de Fabien Remblier, « un fichier dans lequel on trouvait de tout. De la personne qui a envoyé sa photo par hasard pour tenter sa chance, au comédien en mal de rôle. Très certainement le plus gros fichier de comédiens de France. » En outre, il explique comment Jean-Luc Azoulay procédait lors des castings : « JLA avait un retour vidéo de la salle de casting directement dans son bureau, et il lui arrivait de repérer directement une gueule pour qui il allait décider d’écrire un petit ou un grand rôle. » [3]
C’est pourquoi on a pu voir tant de comédiens participer à l’épopée des sitcoms AB, ceux que dans le jargon sitcomologique nous appelons les « seconds couteaux ». C’est d’ailleurs encore aujourd’hui le sujet de nombreuses blagues et articles dans les médias. Quand une Hélène de Fougerolles passe dans les Enfants de la Télé, c’est l’occasion de lui montrer ses « débuts » dans la sitcom psychédélique Le Collège des Cœurs Brisés. Et c’est aussi la possibilité pour des magazines people-trash de réaliser un véritable marronnier sur les comédiens « passés par AB », à l’instar d’Ophélie Winter, Guillaume Canet ou Rebecca Hampton. [4]
Steve Benard, le copain pas vraiment attachant
Ça avait l’air bien ringard en tout cas
Si comme le rappelle Fabien Remblier, ces comédiens « n’ayant pas de rôles fixes, ils ne furent pas catalogués comme nous et purent, en cachant cette partie de leur CV à des professionnels hypocrites, trouver d’autres rôles et voler vers d’autres univers« , pour les autres, c’est la condition de « pestiféré » qui s’impose dans le milieu « hermétique » de la télévision.
Et pour un Philippe Benard ? Son CV est lui aussi lavé de toute trace de son court passage chez AB. Et quand on lui demande si il est toujours comédien, il nous répond: « Oui, toujours, je joue dans de l’autre côté du lit de P. Pousadoux et je travaille sur un scénario pour les États-Unis. La vie suit son cours et les Années Fac sont bien loin ! » Il ajoute au passage « qu‘il y a un court dont je suis assez fier. Tu peux aller le voir sur le site d’Alexandre Mehring. Le court s’appelle A deux sur la comète ».
Dans ce court, on voit Philippe Benard et un complice préparer un casse dans une banque. C’est drôle et bien foutu. Les fans des dialogues de Tarantino apprécieront. Et on ne manquera pas de dire encore une fois que Philippe Benard est un bon comédien.
Philippe Benard est donc une figure typique de ces comédiens qui se retrouvent chez AB par hasard, principalement pour raisons financières et qui effacent toutes traces d’un tel passage sur leurs CV. Cependant, quand on lui montre les captures d’écran de l’épisode, Philippe Benard garde le sourire : « Merci beaucoup pour ces photos. Ça fait plaisir ! Top la chemise!! Je ne me souviens pas bien de la scène mais ça avait l’air bien ringard en tout cas. »
Philippe Benard prouve ainsi qu’on peut être un bon comédien et passer par ce genre de sitcom, encore honnie par toute la profession faut-il le rappeler.
Notes :
1- Un Copain Attachant, Les Années Fac, épisode 20.
2- On pensera à Myspace, vite devenu ringard : « only stupid punks use myspace ». Bientôt Facebook sera aussi pour les ringards. Mais pour le moment, qui n’a pas de Facebook est considéré comme un ringard. Pourtant François Bayrou se vante d’avoir un Facebook…
3- REMBLIER Fabien, Les Années Sitcom, Médiacom, Paris, 2006.
4- Entrevue, Mai 2009. Titré : « Ces passages télé qu’ils voudraient effacer », le magazine considère que les premiers pas dans les sitcoms AB de ces personnalités connues sont des casseroles honteuses. On voit qu’il n’ont pas vu Rebecca Hampton jouer divinement une garce, Clarisse, dans les Années Fac.