Dans la vie, enfin dans les souvenirs que j’ai d’elle, elle avait 18 ans je crois, c’était comme un chat, un fauve, un félin. Elle était tout le temps en train de bondir, avec les mots, avec les yeux. Quelqu’un dont a toujours l’impression qu’elle brille, comme une étoile de feu. C’est quelqu’un de flamme (sic), avec une âme de flamme…
Francis Lalanne, à propos de Manuela Lopez. Direct 8, 2006.
Un an après les débuts fracassants d’Hélène et les Garçons, la venue de nouveaux visages semble inévitable. Le succès de la sitcom a été foudroyant, et plusieurs membres du casting n’ont pas tenu le choc. Les néo-comédiens Cathy Andrieu et David Proux, remplacés par Laly Meignan et Sébastien Courivaud, ont les premiers quitté l’aventure. Leurs remplaçants ont été immédiatement appréciés par les fans, visiblement avides de chair fraîche.
Partant de ce constat, les producteurs de la sitcom numéro un d’AB ont décidé d’ajouter régulièrement de nouvelles têtes au sein de la bande. C’est le cas d’une quasi anonyme, une certaine Manuela Lopez, qui apparaît pour la première fois à l’épisode n°157 « Malentendus ». Après des débuts hésitants, c’est pour elle le début d’une irrésistible ascension dans l’univers AB. En interprétant le personnage d’Adeline, Manuela obtient vite la reconnaissance du public, devenant une nouvelle « star AB », qui ira jusqu’à concurrencer Hélène sur le plan musical.
Issue des classes laborieuses, avec son joli minois et sa grande gueule, Manuela représente la success-story made in AB Productions. A l’instar de son alter ego Anthony Dupray, Manuela a tout connu avec AB : gloire immédiate, carrière de chanteuse créée ex nihilo et un après-AB bien difficile.
« Manuela s’affirme comme une sorte d’Hélène 2.0 »
Manuela Lopez demeure un cas d’école dans l’histoire des sitcoms AB Productions. Elle débute son épopée par un personnage a priori insignifiant, mais qui devient rapidement la nouvelle coqueluche des jeunes filles. De par son caractère d’abord, celui d’une jeune fille sauvage qui ne se laisse pas marcher dessus, notamment avec les garçons. Puis Manuela s’affirme comme une sorte d’Hélène 2.0, une fille qui elle aussi aime afficher sa passion pour la nature, les animaux et surtout, vénère sa maman. En outre, la presse va vite s’intéresser à son histoire personnelle, son enfance difficile, ses galères dans la capitale. A première vue, la figure de Manuela semble être une totale réussite médiatique. Toutefois, un événement resté fameux entachera à jamais le parcours de la comédienne. On y reviendra.
Un autre aspect, moins connu, est la nature réelle de son personnage. Adeline est en effet une véritable peste, une manipulatrice, celle qu’on surnomme aujourd’hui affectueusement « Manuela Lopeste ». Dans les sitcoms, les faits le prouvent.
Enfin, il sera impossible de ne pas parler de la Manuela chanteuse, celle qui a gazouillé l’amour sur des textes d’une mièvrerie absolue. Un unique album, Romantique, sortira à l’apogée de sa gloire, en 1995.
« Je voulais absolument bosser en tant que comédienne, et, au début, il a fallu survivre, faire l’usine en travaillant à des heures pas possibles »
« Je suis née en France, à Valenciennes exactement, de parents espagnols. J’ai habité et suivi une scolarité en Belgique. A 14 ans, je suis arrivée à Paris pour préparer un BEP, tout en acceptant des petits boulots pour vivre. Mon ambition était de devenir comédienne, un rêve d’enfant. » [1] C’est ainsi que se présente Manuela à la presse, dès Juillet 1993. D’origine modeste, la jeune néo-comédienne colle parfaitement avec la politique de recrutement de Jean-Luc Azoulay. Voilà pourquoi, n’importe quelle petite fille de province peut s’identifier à cette jeune femme, entrée dans le moule AB sans connexion, guidée par une seule et unique ambition : devenir une star de télévision.
Pourtant, le rêve a failli tourner au cauchemar pour Manuela, partie sans doute trop vite et trop tôt dans la capitale, comme elle le confie à l’époque : « Les débuts dans ce métier ont été plutôt durs ! Je suis arrivée toute seule avec mon sac à dos… il a fallu survivre. J’ai fait plein de petits boulots, mais comme je n’étais pas majeure, je ne gagnais pas grand-chose. Puis j’ai été vendeuse dans la journée et la nuit je travaillais dans une boîte. C’était dur-dur ! » [2]
En quittant prématurément la sphère familiale en pleine adolescence, Manuela a en effet pris de gros risques : « On m’a fait miroiter plein de choses. J’avais 14 ans et j’étais plutôt naïve. A cet-âge-là, on prend un claque, on recommence et on se prend une autre claque. C’est vrai que maintenant, je suis hargneuse ! » Et quand on demande à Manuela pourquoi un tel choix, pourquoi avoir quitté la Belgique, on peut lire un certain malaise, comme l’explique le magazine Star Club : « Il y a une période dont Manuela refuse systématiquement de parler : il s’agit de son enfance, à propos de laquelle elle se contente de dire qu’il y a eu des moments difficiles. » Peu prolixe sur son enfance et cette délicate période à Paris, Manuela confesse à demi-mot ses galères : « Disons qu’il s’est passé des choses… Je voulais absolument bosser en tant que comédienne, et, au début, il a fallu survivre, faire l’usine en travaillant à des heures pas possibles. » [3]
« Pendant mes cours d’art dramatique, j’avais un trac fou. Je devais sortir des choses insoupçonnées de moi-même, casser les barrières, comme une palette dont tu sors une couleur sur commande »
Ce rêve de jouer la comédie, Manuela affirme l’avoir vécu depuis qu’elle est enfant : « Déjà toute petite, je faisais des mimiques et des grimaces devant la glace. Je rêvais de passer à la télé, d’être comédienne. » Sa propre mère, Patou, le confirme à Télé Club Plus : « Quand elle était petite, je lui disais tout le temps, « comédienne va » ! Ça devait être un pressentiment. » [4] Manuela a beau tenter une formation pour acquérir les bases du métier, ses débuts dans le milieu sont terriblement compliqués : « Pendant mes cours d’art dramatique, j’avais un trac fou. Je devais sortir des choses insoupçonnées de moi-même, casser les barrières, comme une palette dont tu sors une couleur sur commande. C’était étonnant. J’y ai appris à me connaître et j’y ai appris mon métier. »
Durant ces années galères, Manuela obtient quand même un BEP de comptabilité (« pour assurer ses arrières », dit-elle), et surtout, finit par décrocher un job de mannequin au sein de l’agence Rebecca. [5] Elle pose alors pour des catalogues et tourne dans des spots commerciaux. Comme nombre de ses futurs collègues comédiens, elle est finalement repérée par AB Productions. On est en 1993. La carrière tant rêvée peut démarrer. Les débuts de Manuela s’avèrent ardus. Elle fait une première apparition dans la sitcom du Collège des Cœurs Brisés, dans un rôle fantaisiste d’une espagnole jouant des castagnettes… En parallèle, elle tourne quelques épisodes de la série nanardesque Extrêmes Limites. Ce n’est donc qu’en apparaissant dans la sitcom d’Hélène et les Garçons que les choses sérieuses commencent.
Adeline, la cousine de Cri-cri
Dans le premier article consacré à Manuela dans la presse, elle présente le rôle qui va bouleverser sa vie. [6] Dans la plus pure tradition scénaristique AB, la nouvelle est tout simplement une cousine d’un personnage principal : « Je suis Adeline, la cousine de Cri-cri, et Bénédicte va avoir fort à faire pour conserver pour elle toute seule les faveurs de José car, entre nous deux, son cœur balance. »
Manuela provoque en effet une sacrée pagaille au sein de la petite troupe. Tous les garçons sont sous son charme lors de sa première apparition au garage :
Sébastien : – « Eh ben dis donc, celle-là elle est différente des autres.
Nicolas : –Faut avouer qu’elle est superbe.
José : –Pincez-moi je rêve, c’est la femme de ma vie.
Christophe : –J’ai le souffle coupé. »
Mais c’est bien évidemment José, le macho par excellence, qui craque littéralement pour la cousine du Cri-cri d’amour. Il est pourtant officiellement avec Bénédicte, l’éternelle cocue. Mais Adeline se révèle être une fille de caractère, loin des potiches que José a l’habitude de rencontrer.
« Au niveau de la carrosserie, elle est pas mal, elle a des lignes et tout. Mais je la connais, c’est une gamine, elle a un sale caractère »
Alors qu’il essaye de l’embrasser, la tigresse le gifle. Parée de ses longs cheveux frisés formant une véritable crinière, Adeline est la sauvageonne de la série, dégageant un vrai charisme à l’écran. Une sorte de Ygrid de Game of Thrones, sans les cheveux roux. Christian, avec sa finesse légendaire, décrit sa cousine dans ce sens : « Au niveau de la carrosserie (sic), elle est pas mal, elle a des lignes et tout. Mais je la connais, c’est une gamine, elle a un sale caractère. Quand on était petits, on se battait tout le temps. » José n’abandonne pas pour autant. Ce n’est pas un vulgaire coquart qui semble l’arrêter :
José : – « Moi ce que j’aime chez Cri-cri d’amour, c’est sa cousine !
Cri-cri : – Non mais lui il est maso. Plus elles lui font mal, plus il l’aime ça. Ça, c’est les cheveux longs.
José : – Non non, quand elles sont aussi jolies qu’Adeline, il n’y a pas de problèmes. Elles peuvent me taper dessus autant qu’elles veulent, du moment qu’elles me font un bisous après, c’est bon ! »
Adeline finit par se laisser séduire : « Je le trouve trop mignon pour mériter ce que je lui ai fait. » Elle accepte de sortir avec lui, malgré quelques tergiversations. Béné, comme toujours, accepte avec fatalité la situation. Femme soumise par excellence, elle propose à Adeline un pathétique marché : « Voilà, comme tu le sais, José est fou amoureux de toi. Alors s’il me trompe, je préférerais que ce soit avec ma meilleure amie. » C’est l’amorce pour Manuela Lopez d’une période assez glauque de l’histoire de son personnage : le triangle amoureux José-Béné-Adeline.
« José sort le grand jeu : il masse les pieds d’Adeline, l’invite au restaurant puis parvient à la forniquer dans le garage, sur le fameux canapé baignant dans les MST du reste de la bande »
Pendant quelques épisodes, Béné abandonne son José pour Adeline. José sort le grand jeu : il masse les pieds d’Adeline, l’invite au restaurant puis parvient à la forniquer dans le garage, sur le fameux canapé baignant dans les MST du reste de la bande. José tombe même amoureux de sa sauvageonne : « J’aurais jamais imaginé être avec une fille comme toi. Tu es trop belle pour moi. Adeline… je t’aime. » Mais pour Adeline, le doute subsiste : « J’ai peur que ça aille trop vite. » En outre, elle évoque quelques remords pour son « amie » Béné. Toutefois, le naturel machiste de José revient vite au galop. Adeline se sent alors trahie, et demande à Béné des explications :
Adeline : – « Béné, t’es une sainte femme. Combien de temps t’as supporté José ?
Béné : – Bah… un an, je crois. Qu’est-ce qu’il t’a fait ?
Adeline : – Oh rien… figure-toi qu’il m’a invité à dîner hier soir, et que cet imbécile… cet imbécile, a passé sa soirée à regarder une autre fille au restaurant.
Béné : – Parce que tu ne savais pas que c’était sa spécialité…
Adeline : – Non, mais maintenant je le sais. »
Adeline décide de donner une leçon à José. Elle lui arrache le dos avec ses ongles, lacère son visage puis l’achève en lui lançant une assiette dans la tronche. Cette conversation de femmes bafouées a cependant une conséquence importante, car elle provoque chez Béné une inconcevable envie de retourner avec José. Elle propose alors à ce dernier de choisir une fois pour toute entre elle et Adeline. Un brin pervers, José préfère une troisième voie, c’est-à-dire prendre les deux et s’engager dans un ménage à trois. C’est le début officiel du triolisme version AB, la version potache d’un threesome ouvertement dégueulasse.
Adeline, Béné et José, le triolisme version AB
En décalage complet avec l’ambiance de la sitcom, la relation déviante entre José et ses deux copines est toutefois traitée avec légèreté. Pendant pas moins de sept épisodes, les gags s’enchaînent, avec plus ou moins de bonheur. On imagine à l’époque, la douleur des parents devant leur poste de télévision, sommés d’expliquer à leurs enfants pourquoi le garçon batifolait avec deux filles en même temps. Heureusement, le ressort comique de José atténue la situation. Surtout, le macho se sent paradoxalement humilié par la situation. Il n’aime pas en effet l’idée d’être « partagé en deux » et a peur de « passer pour un idiot. » Son camarade Sébastien enfonce le clou en se moquant ouvertement de lui, le comparant à un simple « objet sexuel ».
Production AB oblige, la morale est sauve. Béné (nous) rassure sur le côté pratique de cette partouze qui ne dit pas son nom : « Ne vous inquiétez pas, il y a deux chambres. » José finit en effet par dormir dans la baignoire. Il tente chaque jour d’échapper à ses copines hystériques, faisant le douloureux constat : « J’ai l’impression d’être un gâteau, que deux chipies se partagent (…) C’est effroyable, un vrai cauchemar. C’est du délire. Elles se mettent à côté de la baignoire et me regardent dormir. C’est insupportable, j’ai l’impression de régresser. »
Le délire du threesome s’arrête brutalement quand José prend une initiative radicale : il met lâchement à la porte ses deux copines en changeant la serrure. Vexées, Béné et Adeline se réfugient dans la chambre universitaire des filles et font mine d’accepter les sages paroles d’Hélène : « Vous l’avez bien cherché. » Mais la morale d’Hélène a ses limites. Loin d’avoir compris la leçon, elles se mettent en tête de trouver un autre garçon afin de trouver un nouveau toit.
« Dans une scène digne du Bachelor, José hésite, puis jette son dévolu sur Béné. Adeline est célibataire et retrouve une situation normale »
Ce sera d’abord un certain Charles, puis un autre loser, Gérard. José se montre jaloux : « Il a un l’air d’un vicieux. » Il décide d’aller personnellement chez Gérard pour lui casser la gueule. Il propose en définitive aux filles de revenir chez lui, mais celles-ci exigent qu’il en choisisse une. Dans une scène digne du Bachelor, José hésite, puis jette son dévolu sur Béné. Adeline est célibataire et retrouve une situation « normale ».
Un nouveau chapitre s’écrit dorénavant pour Manuela et son personnage Adeline. Solidement installée au sein de la troupe d’Hélène, il faut maintenant lui trouver un petit ami, élément indispensable pour avoir un quelconque intérêt dans une sitcom articulée autour des amourettes de jeunes adultes. Le seul célibataire du groupe des garçons étant Christophe, le batteur qui remplace définitivement Christian quand celui-ci abandonne lâchement ses amis, c’est tout naturellement vers lui que les scénaristes dirigent Adeline. Après un refus poli, Adeline accepte sa proposition de vivre avec lui, d’abord « en copains ». Quand Johanna revient d’Amérique, elle décide de s’occuper de vie sentimentale d’Adeline en jouant les cupidons : « Vous êtes vraiment faits l’un pour l’autre. » Mais Adeline n’a (déjà) pas l’air très emballée : « Je peux quand même pas tomber amoureuse sur commande. »
Pourtant, la rouquine insiste, développe une vraie propagande pour Christophe, allant jusqu’à tapisser le mur d’Adeline de posters de Christophe. L’action de Johanna, dans la veine de ce que réalise régulièrement Annette dans Premiers Baisers, finit par payer. Adeline finit par lâcher un petit bisou à un Christophe visiblement ravi. De son côté, la perfide Nathalie se mêle pour ma première fois des affaires d’Adeline et sème, en grande spécialiste, la zizanie : « Les garçons se moquent de vous. Christophe est petit, il s’habille mal, il n’a rien à dire. Il est complètement insignifiant ce garçon. Quand on vient de se faire jeter par José, c’est difficile de retrouver quelqu’un comme lui. » Pire, elle tente de séduire Christophe en lui présentant des photos d’elle entièrement nue…
Adeline et Christophe, le couple insipide
Mais le petit jeu de Nathalie est un échec. Après avoir réglé les problèmes d’argent de son cousin Cricri, et dans le contexte de l’accident de moto qui frappe Linda (enceinte), Adeline passe enfin la nuit avec Christophe. Officiellement ensemble, Adeline et Christophe sont sans conteste le couple le plus insipide de la sitcom. On y décèle aucune flamme, aucune passion.
« Dans la série, on est tous copains. Nicolas et moi, c’est pareil : on est très complices. Mais on ne fait aucune confusion avec le rôle qu’on interprète. On est simplement amis »
En outre, pas même un flirt entre les deux comédiens n’est à recenser. Manuela a toujours été clair sur la question : « Dans la série, on est tous copains. Nicolas et moi, c’est pareil : on est très complices. Mais on ne fait aucune confusion avec le rôle qu’on interprète. On est simplement amis. » Ainsi, au bout d’une poignée d’épisodes, le couple sombre déjà dans l’ennui et la routine. Un dialogue révèle la vraie personnalité d’Adeline, et son mépris envers celui qu’elle est censée aimer :
Béné : – « Je suis passée à au garage tout à l’heure. Christophe t’embrasse…
Adeline : – Ah ouais, super.
Béné : – Bah qu’est-ce qu’il y a ? Ça se passe pas bien entre Christophe et toi ?
Adeline : – Si si, très bien. Christophe est très gentil, très prévenant, très amoureux, mais…
Béné : – Quand une fille dit ça d’un garçon, c’est pas terrible. Tu devrais faire un stage avec José.
Adeline : – J’ai l’impression de m’ennuyer avec lui. Il est trop parfait, trop gentil, trop amoureux, enfin ça lasse. J’en ai assez qu’il fasse toujours ce que je veux, qu’il me regarde comment si j’étais la réincarnation de Bouddha sur terre (…) J’ai plus l’impression d’être avec un garçon, mais avec un écho. J’ai envie qu’on me réponde, qu’on m’envoie balader de temps en temps… »
Dans le même épisode, Nathalie débarque à la cafète. Elle a été agressée par trois types. Toute la bande s’indigne, Adeline trouve ça horrible. Christophe acquiesce, sous le regard réprobateur de sa copine. Pire, elle doute que son homme puisse avoir le courage d’aller se battre contre les violeurs. Alors que les garçons se préparent à aller jouer les justiciers, Christophe s’annonce de la partie, à la grande surprise d’Adeline. « Même toi ? », ose-t-elle, d’un ton glacial et méprisant.
« La scène de réconciliation du couple résume à la perfection l’insignifiance d’une relation qui ne restera pas dans les annales de la série »
Christophe n’est pas au bout de ses peines sentimentales. Quelques épisodes plus tard, Adeline invite à boire au Nelly’s un inconnu qui la drague depuis une semaine. Ce type, c’est Olivier, dont on apprend rapidement qu’il est, ô hasard, un pote d’enfance toulousain de Christophe. Adeline décide de se confier à Hélène, qui lui demande naïvement si elle aime toujours Christophe : « Je crois que oui », répond-elle, sans conviction. Adeline finit par s’excuser platement, tout se termine bien, tout le monde reste bons amis. La scène de réconciliation du couple résume à la perfection l’insignifiance d’une relation qui ne restera pas dans les annales de la série :
Adeline : – « C’est toi que j’ai choisi. Si tu veux bien me pardonner.
Christophe : – Ouais ! »
Après ce passage à vide, le couple continue sa petite vie sans histoire. Adeline, en bonne dominatrice, décide quand même de relooker son homme. Il est désormais dépossédé de sa fameuse casquette et de ses chemises à carreaux qu’Adeline juge à raison « ringardes ». Son couple n’ayant plus beaucoup d’importance dans le scénario, Adeline ne reste pas pour autant en retrait. Son personnage devient en quelque sorte la bonne copine, celle qui aide et conseille les autres. Mais en donnant son avis sur tout, en se posant en donneuse de leçon attitrée, le personnage d’Adeline devient vite insupportable, loin du registre de la grande sœur employée par Hélène. Car derrière son grand sourire carnassier, Adeline humilie constamment Laly sur son poids et se moque ouvertement de ses attitudes excentriques.
Vraie langue de pute de la bande, Adeline en profite pour semer la zizanie entre le trio informel composé de Laly, Sébastien et Linda. Tandis que Sébastien vit une histoire d’amour compliquée avec Laly, Adeline n’hésite pas à raconter à son ex, Linda, ce qu’elle pense de Laly : « Elle le martyrise (…) Séb me fait de la peine. » Linda de son côté n’en perd pas une miette, et en profite pour flirter immédiatement avec Sébastien. Quelques épisodes plus tard, quand Sébastien finit par céder à la tentation australienne, Adeline fustige sans vergogne les doutes de Laly. Finalement, Laly a raison : Sébastien avoue tout et la largue. Après des échanges verbaux houleux, Adeline doit reconnaître s’être trompée sur toute la ligne : « Quelle idiote j’ai été. »
« Comme Adeline, je suis mi-griffe, mi-câlin. L’image que je donne me correspond vraiment »
Le personnage d’Adeline a donc bien évolué depuis ses débuts. La sauvageonne fait place à une fille plus posée, mais pas forcément plus sympathique. Manuela Lopez elle-même reconnaît dans la presse de l’époque avoir beaucoup de liens avec l’ambivalence de son personnage : « Comme Adeline, je suis mi-griffe, mi-câlins (…) L’image que je donne me correspond vraiment. » [7]
« Oui je crois qu’il était effectivement écrit que je devais chanter. J’en rêve depuis très longtemps. La musique est vitale pour moi. Sans elle, je ne suis rien. Dès que j’arrive chez moi, je branche la chaîne. »
Il est vrai que la distinction entre Manuela Lopez et son personnage s’effrite peu à peu. Un classique pour qui connaît l’univers AB. Deux événements vont faire rentrer pleinement Manuela dans une nouvelle dimension, en consacrant sa nouvelle notoriété médiatique : la sortie d’un album produit par AB et l’affaire Penthouse. A partir de maintenant, Manuela peut être considérée pour l’éternité comme une « star AB ».
Si Manuela a toujours rêvé de devenir comédienne, la chanson est son autre passion affichée. Dès 1994, elle déclare dans la presse ses envies de pousser à son tour la chansonnette : « Oui je crois qu’il était effectivement écrit que je devais chanter. J’en rêve depuis très longtemps. Presque aussi longtemps que mon envie de devenir comédienne (…) La musique est vitale pour moi. Sans elle, je ne suis rien. Dès que j’arrive chez moi, je branche la chaîne. » [8]
L’inénarrable duo Jean-Luc Azoulay & Gérard Saleses, toujours à la recherche d’un comédien intéressé à l’idée de chanter leurs compositions, donne sa chance à Manuela pour l’enregistrement d’un single. Le mythique « Parce que c’était écrit comme ça. » Le succès est immédiatement au rendez-vous. En quelques semaines, Manuela devient une « valeur montante de l’écurie AB Productions », comme le proclame l’organe officiel Télé Club Plus. La chanson, d’une niaiserie absolue, est un énorme tube AB. Mais Manuela n’a absolument pas envie de s’arrêter là : « J’aimerais beaucoup sortir un album. J’écris des textes depuis longtemps. Ils sont tous plutôt autobiographiques, ils parlent de mes voyages, de mes passions. Ils racontent à chaque fois un morceau de ma vie. J’aimerais aussi composer des mélodies. »
Manuela, la chanson et sa maman
Le souhait de Manuela est exaucé en 1995, avec la sortie de l’album Romantique. Un album composé d’une dizaine de chansons, toutes ayant pour thème l’amour. Une galette dans la plus pure tradition du son produit par Gérard Salesses. A sa sortie, Manuela est visiblement très fière du résultat : « C’est vraiment le genre de musique qui m’émeut et elle correspond parfaitement à ma voix. D’ailleurs je n’ai envie de la changer ni même de devenir la Castafiore pour plaire à un plus grand nombre de personnes. Je pense qu’à travers mes chansons, les jeunes de mon âge se reconnaîtront. » Album avant tout destiné aux (très) jeunes filles, Manuela y chante ses envies d’aimer, ses peines de cœur, les difficultés de vivre avec ses sentiments (« La bataille de l’amour »). Néanmoins, force est de constater qu’elle n’a finalement pas pu imposer ses propres textes : tous sont crédités JLA, à l’exception d’un titre, signé Jean-Paul Césari.
« Regarde Maman, un titre pompeux, presque émouvant, sur lequel se construit toute la communication autour de Manuela »
L’album ne détient pas de single aussi marquant que celui de l’année précédente. Le très suave « Faire l’amour une dernière fois » a tout de même un relatif succès. Mais la chanson qui retient l’attention est celle dédiée pour sa mère : « Regarde Maman ». Un titre pompeux, presque émouvant, sur lequel se construit toute la communication autour de Manuela. Il est vrai que le sujet traité est original et porteur vis-à-vis du public d’AB : la relation freudienne mère-fille. En chantant son amour pour sa mère qu’elle a pourtant quittée très jeune, en lui dédiant ce succès qu’elle n’avait pu atteindre, Manuela et son parolier-producteur visent juste. Par ce titre, la jeune chanteuse est le trait d’union rêvé entre les deux générations, rassemblées pour la première fois devant la même série, comme l’a si bien décrit la sociologue Dominique Pasquier.
« Je suis très proche de ma mère et je suis fier d’elle. Quand elle était plus jeune, elle chantait dans un orchestre. Elle a arrêté sa carrière très tôt. Pourtant, elle avait une voix superbe »
On aurait pu espérer quelques chansons sur les années galères de Manuela, dans sa fameuse période noire parisienne. Mais chez AB, le réalisme n’est pas de mise. Pas question de faire du Zola dans les textes de J-F Porry. Par contre, quand Manuela chante sur sa mère, elle dévoile enfin ses cicatrices : « Oui, c’est un texte entièrement autobiographique. Je suis très proche de ma mère et je suis fier d’elle. Quand elle était plus jeune, elle chantait dans un orchestre. Elle a arrêté sa carrière très tôt. Pourtant, elle avait une voix superbe. Je l’ai toujours entendu dire qu’elle aurait aimé continuer. D’ailleurs, quand je lui ai dit que je voulais devenir chanteuse, elle a tout fait pour m’aider. Alors j’avais très envie de lui dédier une chanson. La première fois que j’ai entendu « Regarde Maman », j’en ai pleuré. » [9]
Le story-telling de la chanson ne s’arrête pas là, puisque Manuela raconte avoir eu la bonne idée de cacher la chanson jusqu’au dernier moment à sa mère. Attention, sortez les mouchoirs : « Elle aussi a beaucoup pleuré. D’autant que je lui ai fait une surprise. Je lui ai caché la sortie de mon album jusqu’à la première de Bercy. Je lui ai fait écouter juste avant de monter sur scène. »
Manuela, fort de son succès commercial, a l’immense honneur de participer au show de Bercy en tant que première partie d’Hélène. Elle est aussi partie prenante au sein des multiples tournées des acteurs-chanteurs d’AB : en province, dans sa Belgique natale, ou encore en Norvège. En outre, comme sa rivale Hélène, Manuela s’offre une belle publicité au sein même de la sitcom. Ainsi, le téléspectateur a la chance d’assister à un remake de la genèse de son premier single, ici composé par Nicolas et écrit (« en une matinée ») par Adeline.
Pendant plusieurs épisodes, on peut admirer Manuela chanter, félicitée par tous ses collègues (« C’est un vrai tube cette chanson, la mélodie reste vraiment dans la tête » ; « Tu as un timbre plein de charme »), à la manière de ce qui est pratiqué dans les Mystères de l’Amour avec la nouvelle chouchoute Elsa Esnoult, sorte de Manuela 2.0.
Toutefois, la série n’ayant pas été renommée « Adeline et les Garçons », Manuela rentre vite dans le rang. Les affaires reprennent pour Hélène et son producteur véreux Thomas Fava. Passé l’euphorie, la dure réalité rattrape le destin de Manuela/Adeline.
Manuela et l’affaire Penthouse : « Je me suis sentie salie »
La dernière partie de la sitcom Hélène et les Garçons se révèle être en effet assez compliqué pour Manuela Lopez et son personnage. Après avoir lâchement plaqué au téléphone son petit ami Christophe (qui quitte temporairement la série par la même occasion), Adeline connaît dans la série un scandale, mêlant réalité et fiction. Comme souvent chez AB, les deux sont liés, mais avec Manuela, l’histoire prend une dimension tragi-comique.
« J’avais 16 ans et j’ai fait le salon du prêt-à-porter. J’avais une nécessité absolue de gagner de l’argent pour vivre. La femme d’un photographe m’a proposé de poser en maillot. Présente à toutes les séances, elle m’a mise en confiance, m’a rassuré avec la promesse d’une diffusion uniquement à l’étranger… »
L’affaire fait grand bruit en 1994, lorsqu’en avril sont publiées des photos de Manuela Lopez entièrement nue dans la célèbre revue Penthouse. Ces photos ne sont pas l’objet de vulgaires paparazzades, mais issues d’un vieux dossier que la comédienne pensait être à jamais oublié de tous. En effet, durant ses années de galère, Manuela, jeune et naïve, s’était laissée manipuler par un couple de photographes. Face à l’ampleur prise par ce tapage médiatique, Manuela est dans l’obligation de s’expliquer publiquement, non sans courage : « J’avais 16 ans et j’ai fait le salon du prêt-à-porter. J’avais une nécessité absolue de gagner de l’argent pour vivre. La femme d’un photographe m’a proposé de poser en maillot. Présente à toutes les séances, elle m’a mise en confiance, m’a rassuré avec la promesse d’une diffusion uniquement à l’étranger. (…) J’ai touché 5000 francs : pour moi c’était beaucoup… » [10]
L’article de Télé Poche, dans lequel la jeune comédienne se défend, semble alors se délecter de cette affaire sordide du « photographe indélicat de Manuela » : « La naïve jeune fille ne perçoit pas la machiavélique manipulation, d’autant qu’à chaque morceau de peau qu’elle dénude, son cachet augmente. » Pour Manuela, cette histoire est avant tout un traumatisme personnel qu’elle a logiquement préféré effacer de sa mémoire, sans se douter que la gloire acquise sur TF1 pourrait un jour se retourner contre elle : « Bien sûr, en y repensant, je n’avais pas la conscience tranquille. Alors, j’ai oublié. Je n’ai jamais vu les photos, et plus de nouvelles du couple. Je me suis sentie salie. Ensuite, j’ai ressenti une bouffée de haine ! Ces gens n’ont trouvé que ça pour se faire de l’argent. Ils auraient pu briser ma carrière, ma vie. Ce sont des monstres ! Parce que six années se sont écoulées et qu’ils ont profité de la célébrité naissante de Manuela ! »
Manuela en profite alors pour donner une leçon aux jeunes filles, qui pourraient elles aussi être manipulées par les requins de la profession : « On dit toujours que ça n’arrive qu’aux autres, mais non ! De nombreuses adolescentes sont confrontées à ce délicat problème. »
« Aujourd’hui, j’assume et j’espère que les quatre épisodes de la série relatant ma triste expérience serviront d’exemple à d’autres jeunes femmes. »
L’affaire aurait pu en rester là. Mais avec AB, tout était possible et imaginable à l’époque. Avec l’accord de Manuela, Jean-Luc Azoulay décide d’incorporer les malheurs de Manuela dans la série. Celle-ci y voit un moyen de faire passer un massage : « Aujourd’hui, j’assume et j’espère que les quatre épisodes de la série relatant ma triste expérience serviront d’exemple à d’autres jeunes femmes. »
Véritable coup de génie de l’auteur, ce ne sont pas moins de quatre épisodes, subtilement intitulés « Passé compliqué » ; « La honte » ; « Salé » ; « Rédemption », qui dépeignent sous un format préhistorique d’émission de télé-réalité ce qu’a pu vivre Manuela. Mais surtout, un quatuor d’épisodes vécu comme une catharsis par la comédienne : « Toute l’équipe d’AB Productions m’a soutenue, en particulier Jean-Luc Azoulay qui a pris les choses en main sur le plan juridique… Ça fait un bien immense de lire les messages comme « Courage, on sait bien que t’es pas comme ça ». Pour ces épisodes, pas besoin de larmes artificielles, elles coulaient toutes seules. Ça a été dur, mais quel soulagement après ! » Philosophe, Manuela a aussi tenu à relativiser cette histoire : « Ça ne sert à rien de fuir la réalité. C’est fait, c’est fait : il n’y pas eu mort d’homme. » [11]
Dans la sitcom, le cas est traité sans ménagement pour la comédienne. Dès le lendemain du grand show d’Adeline au Nelly’s pour la célébration de son tube, quelques figurants, visiblement abonnés aux magazines de charme, lancent les premières hostilités : « Je te reconnais toi. T’as de beaux seins malgré tes airs de sainte-nitouche. Je voudrais quand même te féliciter (…) Tu nous les montres en vrai ? »
Mais Adeline et ses amies ne comprennent rien. C’est José le premier qui découvre les photos, en achetant « Rêves », le magazine de cul de l’univers AB. Visiblement choqué et émoustillé, il les montre à ses collègues, ébahis. C’est la consternation pour la petite troupe, peu habitué à ce genre de chose. « Elle avait l’air d’une fille bien », réagit dans un premier temps le réac Olivier. « Le milieu de la photo c’est pourri », martèle sans rire José. Seul Nicolas reste digne : « On ne doit pas la juger. »
« Je ne veux pas que tu penses que je suis une perverse. Tu dois penser que je suis une salope (…) Je pourrais plus regarder les garçons en face, j’ai trop honte »
Les garçons sont surtout inquiets pour Bruno, le nouveau copain d’Adeline. Celle-ci est finalement prévenue par Hélène. Adeline, en larmes, tombe des nues, dans une scène dont la confusion entre fiction et réalité atteint son paroxysme : « Je ne veux pas que tu penses que je suis une perverse. Tu dois penser que je suis une salope (…) Je pourrais plus regarder les garçons en face, j’ai trop honte. » La tentative de justification de son personnage se superpose alors aux explications de Manuela dans la « vraie vie » : « Avec cet argent, j’ai donné la moitié à ma mère, et je me suis acheté un blouson pour l’hiver (…) Et puis, on m’avait dit que c’était que pour les pays nordiques. »
Cette situation pathétique ne s’achève pas pour cette pauvre Adeline, qui tente de se suicider dans l’épisode suivant. Elle se jette dans le canal, mais est repêchée par « Super Nico », décidément bien inspiré de se trouver au même moment, et au même endroit qu’elle. « Je me sentais sale, j’ai voulu me laver à tout jamais. », dit-elle pour justifier son acte. Finalement, tout se termine bien. Après quelques vannes sur le fait que l’eau, ça mouille, les garçons vengent l’honneur de leur amie en allant fracasser quelques figurants-provocateurs de la cafète.
« Il y a dans ce métier des gens qui ne veulent qu’une chose : vous détruire »
L’expérience restera traumatique pour Manuela, mais la rendra plus forte. Elle résumera la sale affaire à la presse avec un certain optimisme, tout à son honneur : « J’ai vécu des histoires pas marrantes, pas drôles. Mes années de galère m’ont appris à ne retenir que le côté positif des événements. Je ne regrette rien de ce que j’ai vécu. Cela m’a beaucoup apporté. Je suis devenue plus forte, je me suis fait une carapace. Je ne me laisse plus atteindre par des bêtises. Je suis mon chemin sans me laisser influencer. Il y a dans ce métier des gens qui ne veulent qu’une chose : vous détruire. C’est pour cela qu’il faut se battre et faire valoir ses droits. »
Après une telle mésaventure, le personnage d’Adeline ne pouvait que rentrer dans le rang pour les derniers épisodes de la sitcom. Elle poursuit son histoire d’amour bancale avec son Bruno, le roi de la disquette, et laisse à Hélène les joies de la prise de substances hallucinogènes au sein de l’impitoyable univers de l’industrie musicale.
Alors que la sitcom Hélène et les Garçons s’achève dans un bain de sang, on retrouve la mythique bande dans une suite, baptisée le Miracle de l’Amour. Tout le monde ou presque a rempilé, à la notable exception de son petit ami. Bruno disparaît ainsi du casting, sans qu’une aucune mention ne soit faite de son absence brutale. Adeline se retrouve encore célibataire, sans avoir pu jouer une seule scène de rupture. Car déjà, la fin de l’histoire avec Christophe avait été reléguée au second plan des intrigues. Pas une scène intense de déchirement, de pleurs, à se mettre sous la dent pour Lopez. Décidément, force est de constater que les scénaristes ont des difficultés à mettre en valeur le personnage incarné par Manuela.
« Manuela Lopeste »
Son grand amour avec Bruno effacé de l’histoire, Adeline retrouve le train-train quotidien de sa vie de « bonne copine » de la bande. Elle déverse sa frustration sur sa victime expiatoire préférée, Laly. A la limite du harcèlement moral, Adeline s’emploie à rabaisser son « amie » à chaque épisode, notamment dans la salle de sport. Tradition longtemps exercée sur Johanna par Cathy, Laly est le souffre-douleur patenté d’une Adeline qui offre un bel aperçu de ce que peut être la cruauté féminine. Ici, c’est avant tout la question du corps qui est en jeu. Car le personnage de Laly est censé représenter une grassouillette dans le monde inflexible d’AB. Adeline ne manque pas une seule occasion de rappeler à Laly comment elle doit se comporter, ce qu’elle doit manger ou ne pas manger, qu’elle est dans l’obligation de faire du sport et ne pas se laisser aller à la paresse.
De son côté, Christophe étant revenu peu avant la fin de Hélène et les Garçons, on a pu craindre à un moment à une reformation de son couple avec Adeline dans le Miracle. Mais rien n’y fera, elle ne l’aime toujours pas. Christophe, convoqué par Adeline, entend son message et se résigne. Il déclare ainsi à ses amis : « C’est est une fille géniale. Elle m’a simplement fait comprendre que ça ne sert à rien de s’accrocher à un rêve qui ne voulait pas se réaliser. Donc qu’il fallait vivre. Et que peut être un jour, comme ça, ce rêve se réalisera tout seul. »
« En prenant son vrai nom, la comédienne franchit un palier dans la confusion qui est souvent faite entre le comédien et son personnage »
Au bout d’une vingtaine d’épisodes, alors qu’il ne se passe désespérément rien pour Adeline, Linda fait son grand « rwetour ». Elle propose alors à Adeline de devenir à son tour mannequin, elle qui rêve tant de voyager dans des destinations exotiques. Adeline hésite, ne se trouve pas assez belle ni assez grande, mais se laisse finalement convaincre. Elle annonce joyeusement à ses amis qu’elle part au Mexique, « pour faire tout un catalogue. » Elle explique aussi que, le nom d’Adeline étant déjà pris à sa nouvelle agence, elle a été dans l’obligation d’en choisir un autre. Ce sera Manuela. Ainsi, en prenant son vrai nom, la comédienne franchit un palier dans la confusion qui est souvent faite entre le comédien et son personnage. Dans la série, la justification de ce choix peut prêter à sourire : « C’est le nom d’une tante que j’adorais. »
Toutefois, la vraie raison de ce départ du Miracle est à chercher du côté de l’autre carrière que mène en parallèle Manuela, celle de chanteuse. A l’image de ses collègues Christophe Rippert ou Anthony Dupray, elle s’offre la possibilité d’abandonner temporairement les tournages pour partir en tournée.
33 épisodes plus tard, Manuela fait son grand retour dans l’équipe du Miracle. Mais au départ, tout le monde l’appelle encore Adeline :
Tout le monde : – « Salut Adeline !
Manuela : – Ça fait bizarre que vous m’appeliez comme ça.
Laly : – Bah c’est ton nom pourtant. »
Manuela en profite pour faire des cadeaux aux filles et semble ravie d’être de retour dans la grande maison. Elle a fait pourtant la rencontre d’un photographe psychotique tombé fou amoureux d’elle. Le type l’a suivi jusqu’à chez elle et se montre très expressif dans ses multiples déclarations d’amour envers la néo-mannequin. C’est le début d’une longue succession de problèmes que va accumuler Manuela vis-à-vis de la gente masculine…
Du côté des garçons, c’est l’éternel José, toujours officiellement avec Béné, qui retombe à la surprise générale sous le charme de Manuela. Comme par le passé, il rêve à nouveau d’une relation endiablée avec elle : « Quand je l’ai revu, bronzée et superbe, je suis tombé amoureux. » Au même moment, Christophe, qui s’était consolé avec le boulet Nathalie, hésite à son tour à replonger. Heureusement, la raison ne se partage qu’entre couilles chez AB. Les deux lascars ont donc la bonne idée de lâcher l’affaire et décident de laisser Manuela tranquille. Un nouveau drame est évité.
Toujours seule, Manuela en profite pour continuer son travail de sape sur Laly. Quand son couple avec Sébastien vacille une fois de plus au moment où elle craque pour le producteur Bertrand Lelièvre, Manuela fait (enfin) tomber le masque : « Laly, je veux plus la voir, elle me dégoûte. C’est pas mon amie, c’est une… »
« Une fois de plus, le personnage de Manuela montre son vrai visage, celui d’une garce égocentrique et perfide »
Quelques épisodes plus tard, on assiste à un autre retour, celui de Manu, le petit frère de Nathalie. Ayant fait de la prison à cause d’une stupide histoire de drogue, il intègre la maison et tente sa chance avec Manuela, sans succès. Encore une fois, l’attitude de Manuela est ambiguë. Ayant conscience de la faiblesse psychologique et mentale de ce brave Manu, Manuela n’aurait jamais dû lui laisser une quelconque chance d’espérer quoi que ce soit.
Or, si Manuela aime tant donner des leçons de morale à Laly, elle n’est pas pour autant une Hélène. Parce que contrairement à la « sainte » de la bande, Manuela finit par trahir ses amies. Nathalie, passée du côté des « gentils » dans le Miracle de l’Amour, a un nouveau petit ami, Greg. Mais Manuela ne semble pas avoir beaucoup de scrupules au moment où elle se lance dans une relation cachée avec cet horrible blondinet tout droit sorti des années 80.
Laly, toujours à la pointe quand il s’agit d’observer ses amis, a l’intuition qu’il se passe quelque chose entre Manuela et Greg. Elle a même la certitude de les avoir vu ensemble chez Alfredo’s. Pour en avoir le cœur net, elle demande directement à Manuela la vérité. Cette dernière nie alors effrontément les faits et s’enferme dans la spirale du mensonge. Finalement, le Greg en question se révèle être « un drôle de coco », un mythomane, n’ayant qu’une idée en tête : se taper un maximum de nanas. Fin de l’histoire, mais une fois de plus, le personnage de Manuela montre son vrai visage, celui d’une garce égocentrique et perfide.
Puis les épisodes s’enchaînent. Manuela a toujours une importance minime dans une sitcom dont la tonalité générale s’affirme de plus en plus légère, principalement articulée autour des gags récurrents du duo comique Laly & José. Manuela s’éprend quand même d’un garçon, un médecin, Patrick. Prince charmant en apparence, il est en réalité un homme marié. Toujours aussi lose en amour, Manuela le largue sans se poser de questions.
« J’ai fait découvrir à Anthony les plaisirs du chocolat et du jus d’ananas. En échange, il m’a initiée à la ciboulette »
Tandis que son personnage apparaît largement en retrait dans le Miracle, Manuela continue pourtant d’alimenter les pages de la presse et apparaît souvent dans les diverses émissions du Club Dorothée. En véritable starlette AB, Manuela et ses passions pour les chevaux font vendre du papier. Son producteur en a largement conscience et se lance dans un projet farfelu. A la manière de ce qui se pratiquait dans la presse pour adolescents des sixties, il s’essaye à un nouveau petit jeu : monter de vrais-faux couples entre les diverses stars maisons à travers son journal Télé Club Plus, la version 90’s de Salut les Copains. Il lance alors l’idée d’un couple improbable mais potentiellement vendeur : Manuela Lopez et Anthony Dupray. Dans l’article surréaliste « Une tendre complicité », paru durant l’été 1995, Anthony et Manuela dévoilent à leurs fans ébahis les sentiments qu’ils affichent l’un pour l’autre. [12]
C’est Anthony qui ouvre les festivités : « Tomber amoureux ? Bien sûr que je le pourrais. C’est bien simple, Manuela, c’est la femme idéale. Douce, d’humeur égale, disponible. Le genre de fille capable de tout lâcher pour t’écouter si tu as besoin de parler. En fait, elle doit beaucoup ressembler à ma mère pour que je me sente aussi en confiance avec elle ! » Mais Manuela, qui n’a pas forcément envie de se farcir un type qui a le complexe d’Œdipe, est là pour tempérer la situation : « Justement, nous sommes trop complices. Anthony, c’est l’ami idéal. Quelque chose qu’il ne faut pas gâcher. »
« Oui, nous nous apprécions. Non, nous ne vous en dirons pas plus. Quand on est aussi complices, c’est encore plus piquant de laisser derrière soi un léger parfum de mystère »
Anthony pour sa part semble au contraire complètement sous le charme de sa collègue de tournée, et joue à fond sa partition : « Il y a un moment que j’avais envie de faire la connaissance de Manuela. Je l’avais croisée plusieurs fois dans les couloirs en sortant du plateau de tournage. J’ai flashé tout de suite sur sa beauté et j’ai été agréablement surpris par sa nature, à l’inverse de son image de beauté parfaite. Bizarrement, on a tendance à fuir les filles très belles. Elles font un peu peur et on ne veut pas prendre le risque de se faire envoyer promener. »
De son côté, Manuela dresse un portrait assez flatteur de l’Elvis du Havre : « Lui, il jouait un peu les rockers. Mais je sentais qu’il y avait quelque chose d’intéressant derrière sa façade de petit dur. Quelque chose d’assez doux, de sincère, de vrai. Anthony c’est quelqu’un qui se découvre quand il en a envie. On s’est croisé pendant des mois, juste bonjour bonsoir. On a commencé à sympathiser pendant un gala. A ces moments-là, on est assez vulnérables. Le trac, les longues séances de dédicace, c’est passionnant et en même temps très éprouvant. Ça donne envie de se parler, pour se rassurer mutuellement. » En outre, le pseudo couple semble posséder d’incroyables passions et points communs : « J’ai fait découvrir à Anthony les plaisirs du chocolat et du jus d’ananas. En échange, il m’a initiée à la ciboulette. »
Afin de faire fantasmer durablement les lecteurs, Manuela et Anthony achèvent cette rencontre avec Télé Club Plus en laissant ouvertement planer le doute quant à leur hypothétique relation : « Oui, nous nous apprécions. Non, nous ne vous en dirons pas plus. Quand on est aussi complices, c’est encore plus piquant de laisser derrière soi un léger parfum de mystère. » Ce coup marketing, bricolé ad hoc par le service de presse d’AB, peut prêter aujourd’hui à sourire. Mais dans le contexte de l’époque, faire croire aux fans que ces stars puissent tomber amoureux était vital pour alimenter les innombrables articles consacrés aux sitcoms AB.
Manuela et le viol
Du côté du Miracle, alors que Nicolas quitte sèchement la série, son remplaçant est un certain Jimmy, le musculeux Tom Schacht, découvert avec la sitcom des Garçons de la Plage. Manuela est immédiatement sous le charme du suédois. Guitariste dans la série, Jimmy prend naturellement la place de Nicolas au sein du groupe. Manuela lui parle alors de sa môman et de sa passion pour le chant. Jimmy lui propose d’écrire une chanson pour elle.
C’est l’occasion pour les producteurs, alors que sort au même moment « Pour toi Maman » en single, de relancer la carrière musicale de Manuela Lopez. Ainsi, comme toujours, les sitcoms permettent sans frais de réaliser la promotion d’une artiste maison. Dans un vibrant épisode, on peut alors admirer Jimmy chanter en VF, avec quelques difficultés, le tube de Manuela : « Ma mère chantait dans un orchestre, nananananana… » Manuela finit néanmoins par interpréter elle-même sa chanson. Ce sera la dernière fois qu’elle le fera à l’écran dans une sitcom.
Cependant le flirt entre Manuela et Jimmy n’ira pas plus loin. Obligée de quitter la maison pour réaliser un shooting aux Caraïbes, Manuela laisse Jimmy seul. Ce dernier ne perd pas de temps et retourne avec son ex, Cynthia, elle aussi adoptée par la bande. Quand Manuela revient, c’est la déception. Jimmy lui avoue être « amoureux d’une autre » et dit la considérer comme sa « petite sœur. » L’affront est de taille pour Manuela qui connaît son premier véritable râteau en « direct ».
« Je suis assez grande pour savoir ce que j’ai à faire »
Dès l’épisode suivant, nommé « La descente », Manuela accuse le coup. Elle décide d’aller en boite de nuit et s’entiche de trois blaireaux : Bob, Arnaud et Xavier. Des fils à papa, dont un qui a ouvertement tenté de se farcir Linda quelques minutes auparavant. Manuela ne voit pas où est le problème et réalise par la même occasion sa première crise existentielle. Elle, qui a à longueur de temps offert des leçons de vie à ses amies, refuse d’entendre les recommandations des autres : « Je suis assez grande pour savoir ce que j’ai à faire. »
Après une nuit passée avec les trois affreux garçons, on découvre le lendemain Manuela dans une posture effroyable : oui, elle a été violée ! Ce sont José et Jimmy qui aperçoivent, abasourdis, la jeune fille en position fœtale sur le sol du garage, les habits déchirés, gémissante de colère et de douleur. Fous de rage, les garçons exigent une explication : « Il faut que tu nous dises ce qu’il s’est passé. » Manuela hurle d’abord un déchirant « JE VEUX PLUS QU’ON ME TOUCHE », puis retrouve ses esprits et raconte non sans peine son viol. Ayant trop bu au Nelly’s, elle a demandé à ses nouveaux amis de la raccompagner, puis elle est montée dans leur van. Et les trois types ont fini évidement par lui sauter dessus. Étrangement, la première réaction des deux garçons est d’abord l’incompréhension, voire la négation de l’acte. Puis José reprend ses esprits : « Je vais les tuer. » Seul cet abruti d’Olivier, débarqué peu après, ne semble pas prendre la mesure de la gravité de la situation. Du côté des filles, Laly, peu rancunière, est bien la seule à s’inquiéter pour Manuela.
Comme dans toute situation de ce genre, l’heure est à la vengeance. Le cas du viol de Manuela ne fait pas exception à la règle biblique de l’univers AB. Les garçons partent virilement casser la gueule des trois violeurs, ce qui leur vaut cette fois un petit séjour au commissariat. Manuela, toujours inconsolable, est prise en charge par ses amies. Quant à Linda, elle trouve un avocat pour éviter la prison aux garçons. Mais chez AB, on ne fait pas confiance à la justice de son pays.
Laly prend les choses en main et échafaude une stratégie rocambolesque pour que la police coince les violeurs sur le fait. Elle convainc Manuela de revoir ses violeurs dans leur fameuse camionnette digne des frères Jourdain, et leur proposer une nouvelle orgie. Celle-ci finit par accepter, ce qui donne la possibilité à Laly de menacer les types avec un faux flingue. Ces derniers tombent bêtement dans le panneau et signent sous la contrainte un papier attestant qu’ils ont bien violé Manuela. Cette tragique histoire s’achève donc par ce scénario surréaliste made in AB. Les violeurs vont en prison et les garçons sont relâchés !
Manuela, la bad girl
Après ce nouvel épisode bouleversant de la vie de Manuela, on aurait pu penser que celle-ci rentrerait dans le rang. Mais non. L’affaire du viol a de terribles répercussions sur la psyché de Manuela. Au bout de quelques épisodes, cette dernière se remet à sortir au Nelly’s. Cette fois, elle traîne avec deux types, Ben et Franck. Laly joue une nouvelle fois son rôle d’amie protectrice et s’inquiète : « On te reconnaît plus. »
« Je ne veux plus vous supporter, pauvres abrutis (…) José, tu me touches, je te tue »
L’histoire bégaye et Manuela refuse encore d’écouter ses amis, notamment José qui décide de s’occuper de son cas. Il condamne fermement ce qu’il pratiquait à l’époque, c’est-à-dire la relation à trois que Manuela développe avec ces deux types, dont le comportement est ostensiblement pervers. Excédée par le comportement moralisateur de ses amis, Manuela pète alors littéralement les plombs lorsque José se met en tête de la ramener de force à la maison tout en cassant la gueule des deux types : « J’en ai maaaaarre (…) Je ne veux plus vous supporter, pauvres abrutis (…) José, tu me touches, je te tue. »
Dans les derniers épisodes de la série, cette scène marque le début de la « bad » Manuela, la « Lopeste » enfin assumée au grand jour. Elle crache alors toute sa haine au visage de ses amis. C’est bien sur Laly qui en prend le plus pour son grade. Quand les deux jeunes femmes se croisent à la cafète, Manuela sort la kalachnikov : « Tiens manquait plus que celle-là (…) Je peux plus la voir, je me casse d’ici. »
« J’ai pas à me justifier, c’est comme ça et c’est tout (…) Les garçons, je les prends pour ce qu’ils sont : des jouets qui m’amusent »
Totalement sourde aux conseils de ses ex-copines, Manuela décide de faire sa valise et de se casser de la maison. Dans l’épisode suivant, « Fracture », c’est la consternation. Selon Linda, le constat est sans appel : « J’ai l’impression qu’on l’a perdue… » Pour la naïve Bénédicte, Manuela est devenue « quelqu’un d’autre. » Dans sa crise, Manuela est déterminée dans son nouveau choix de vie : « J’ai pas à me justifier, c’est comme ça et c’est tout (…) Les garçons, je les prends pour ce qu’ils sont : des jouets qui m’amusent. »
A la manière de la grande crise d’identité de Virginie dans les Années Fac, le comportement de Manuela est à juger au prisme de la douleur qu’elle ressent. Sauf que cette fois, il n’est pas provoqué par une simple déception sentimentale, mais par l’horreur d’une agression sexuelle. Le malaise est alors prégnant pour le téléspectateur. Car il est difficile de ressentir une réelle compassion pour un personnage aussi froid et ambivalent que celui de Manuela.
Heureusement, tout va rentrer dans l’ordre, dès lors que Laly décrète à son tour qu’elle prendra la même voie que son amie. Elle aussi décide de boire et de se vautrer dans la luxure au Nelly’s, au côté des deux connards gravitant autour de Manuela. Ravis, les deux complices souhaitent se lancer dorénavant dans une partie à quatre. En observant le comportement ridicule de Laly, consternée par la perversité absolue de ses deux partenaires sexuels, Manuela comprend la gravité de la situation. Elle met fin à ses bêtises, s’excuse platement et accepte de revenir à la maison. Tous ses amis lui pardonnent et la vie normale reprend, comme si de rien n’était.
L’exil de l’Amour
La fin du Miracle en 1996 semble arriver au bon moment pour Manuela et son personnage. Le grand départ de la bande pour les Caraïbes offre la possibilité de vivre de nouvelles aventures. Fan absolue de ces îles, le début des tournages des Vacances de l’Amour semble l’occasion rêvée pour Manuela de concilier son travail et son goût de l’exotisme. En outre, pour la première fois, Jean-Luc Azoulay offre à sa protégée l’honneur de chanter le générique de la nouvelle série. Hélène n’étant plus là, c’est Manuela que l’on retrouve pour la chanson « Les Vacances de l’amour », qui sortira même en single.
Dans la série, Manuela trouve parfaitement sa place dans la nouvelle ambiance bronzage et maillot de bain. Néanmoins, l’aventure paradisiaque s’achève brutalement pour Manuela, dans des conditions qui restent malheureusement obscures. L’hypothèse la plus vraisemblable est que Manuela a décidé de claquer la porte d’AB. Peut-être moins en phase avec le reste de la bande, dans des conditions de tournages très précaires pour cette première saison, Manuela quitte par la petite porte la série après quelques épisodes.
« J’ai appris il y a peu de temps que Manuela arrêtait sa carrière pour être vendeuse dans une boutique de fringues. Si c’est vrai je n’arrive pas à la comprendre, elle qui ne semblait vivre qu’en étant chanteuse »
Toujours perturbé par son viol, son personnage a juste le temps de rencontrer un type, un certain Roland, auquel elle confie ses angoisses. Mais ce type est un menteur pathologique, car il est marié et joue un double jeu. Encore une fois, c’est Laly qui vole à son secours et révèle le pot aux roses à son amie. Roland se transforme alors en vrai psychopathe de l’amour, et va jusqu’à tenter de se suicider. Manuela arrive cependant à le raisonner, mais refuse ses avances : « J’ai pas envie d’un trip comme ça (…) et puis tu as une petite fille. » Cette énième histoire de taré flirtant avec Manuela est malheureusement complètement bâclée, car on aura plus jamais de nouvelles de Roland, ni même de Manuela…
Dans le courrier des lecteurs de Télé Club Plus, une fan s’affirmant « fidèle lectrice » s’émeut de cette disparition et demande des nouvelles de Manuela : « J’ai appris il y a peu de temps que Manuela arrêtait sa carrière pour être vendeuse dans une boutique de fringues. Si c’est vrai je n’arrive pas à la comprendre, elle qui ne semblait vivre qu’en étant chanteuse. » La réponse laconique du journal officiel d’AB Productions laisse alors planer une part de mystère sur ce départ : « Il est vrai que Manuela a décidé de changer de métier. Elle travaille dans la boutique d’un ami. Elle a peut-être eu envie de vivre autre chose. Dans la vie, il arrive que des circonstances font changer d’avis. Peut-être que nous la retrouverons un jour. » [13]
Burn out, simple ras-le-bol ou divergence artistique et professionnelle avec AB. On ne saura peut-être jamais ce qu’il s’est passé dans la tête de Manuela à ce moment clé de sa carrière. Certes, il est clair que l’année 1996 marque une étape difficile pour nombre de ces jeunes comédiens glorifiés par le show-biz. Le fait que Manuela soit passée de l’état de star à un modeste boulot de vendeuse n’est pas un cas isolé pour les comédiennes AB. D’autres figures, à l’instar de Laly Meignan, raconteront plus tard avoir du exercer ce genre de boulots pour survivre. En outre, dès 1995, Manuela admettait dans la presse qu’elle ne serait pas contre de nouveaux défis : « Bien sûr, la série ce n’est pas vraiment de la grande comédie. Mais je pense un jour reprendre des cours et changer ainsi d’horizon. En fait je suis très curieuse dans ce métier et j’aimerais faire plein de choses. »
« J’ai fait aussi une grande découverte : la peinture. Je faisais des aquarelles, mais je n’avais jamais osé me mettre à l’huile. Et puis, un matin, ça m’a pris. En un an, j’ai exécuté une trentaine de toiles. Je peins surtout la nuit. Le résultat est plutôt abstrait »
Malgré cette sortie, la carrière de Manuela Lopez ne s’achève pour autant. Dans un article de Télé star de 2000, Manuela revient sur ce fameux après-AB : « Lorsque j’ai arrêté, je me suis d’abord offert une année de repos ! J’ai réalisé un rêve : acheter une maison en Normandie pour ma mère. J’ai voyagé, j’ai pris le temps de vivre. Et puis j’ai passé mon brevet de plongée, et depuis je pars une fois par an aux Maldives (…) J’ai surtout voulu profiter d’une année sabbatique pour faire le point. » [14] Comme de nombreux ex-AB, Manuela a alors deux possibilités : se reconvertir ou persévérer coûte que coûte dans le métier.
Dans un premier temps, la sitcomédienne se découvre de nouveaux talents : « Depuis près de dix ans que je suis sur les plateaux, que j’observe la façon dont une série se fabrique, j’ai eu envie d’écrire un scénario et de tourner un court-métrage (…) J’ai fait aussi une grande découverte : la peinture. Je faisais des aquarelles, mais je n’avais jamais osé me mettre à l’huile. Et puis, un matin, ça m’a pris. En un an, j’ai exécuté une trentaine de toiles. Je peins surtout la nuit. Le résultat est plutôt abstrait. » Le résultat est en effet tellement abstrait que personne n’aura la chance de profiter de ses divers talents. Le salut passera ainsi par un retour à la comédie.
L’heure est en effet au besoin de travailler, et comme tant d’autres (Christophe Rippert, Mallaury Nataf…), la roue de secours est à chercher dans une nouvelle série de TF1, Sous le Soleil, véritable usine de recyclage d’anciennes gloires AB : « L’auteur de Sous le Soleil m’a écrit un rôle sur mesure. Je m’amuse bien dans ce personnage quelque peu loufoque. » Ainsi, pendant pas moins de six ans, Manuela joue le rôle de Marion dans cette série à succès de la première chaîne. SLS donne alors un peu plus de visibilité que les Vacances de l’Amour, mais demeure une production bas de gamme. En outre, grâce à la relative froideur qu’elle dégage, et à un physique de plus en plus androgyne, Manuela collectionnera d’autres petits rôles dans la galaxie des séries françaises policières, comme Les Cordier Juge et Flic, District ou encore la Crim’.
Manuela, le grand retour raté
L’année 2006 marque un grand tournant dans la carrière de Manuela Lopez. La comédienne réapparaît à la télévision dans une série de… Jean-Luc Azoulay : SOS 18. Et surtout, Manuela sort à la surprise générale un nouvel album, Sans Dessus Dessous, annoncé en grande pompe sur la plate-forme Myspace. Mais la grande cohorte de fans des années 90 n’est plus au rendez-vous, même si une poignée de fidèles reste active sur internet. Au final l’album est un bide monumental, et ne sera pas distribué cette fois par une major. Manuela elle-même a conscience que le train est déjà passé. La musique sera désormais, comme ce fut le cas pour sa mère, un hobby, rien de plus : « Comme il est devenu difficile de signer avec une maison de disque, en ce qui me concerne, c’est plutôt un loisir de chanter. » [15]
« C’est quelqu’un dans la vie qui est toujours en train de donner de sa personne. Dans les regards, dans les sourires, dans les gestes, c’est quelqu’un de très physique »
L’unique promotion à la télévision pour le disque, dans la toute nouvelle chaîne Direct 8, ne parvient pas à faire décoller les ventes. Pas vraiment aidée par la présence sur le même plateau de l’inénarrable Francis Lalanne, Manuela paraît empruntée voire effacée. Le malaise atteint son paroxysme quand le chanteur fantasque se lance dans une apologie de la chanteuse : « J’ai toujours connu Manu avec une énorme énergie. Quand elle parle de générosité, elle sait de quoi elle parle. C’est quelqu’un dans la vie qui est toujours en train de donner de sa personne. Dans les regards, dans les sourires, dans les gestes, c’est quelqu’un de très physique. » De quoi donner effectivement envie de se procurer l’album…
« J’étais très contente de retravailler avec Jean-Luc Azoulay »
Avec une telle promo, l’hypothétique revival Manuela Lopez semble alors difficilement engagé. Néanmoins, la comédienne enchaîne quelques interviews à la presse, avide d’en savoir davantage sur l’ex-idole des années 90. Mais le temps n’est pas encore au revival des anciens d’AB. Elle assume par contre publiquement son plaisir de retrouver son mentor : « J’étais très contente de retravailler avec Jean-Luc Azoulay. De plus, le rôle de Marion est assez touchant. J’aime beaucoup ce personnage. » Cette série JLA, avec tout ce que cela entraîne en terme de production, est déjà bien installée (Manuela arrive à la saison 4, présente jusqu’à la 6). Elle narre la vie quotidienne d’une caserne de pompier. On y découvre une Manuela marquée, mais physiquement impressionnante. La working girl restera jusqu’à la fin de la série, puis disparaît à nouveau de la profession. Cette fois, définitivement.
C’est que Manuela a changé totalement de vie dans les années 2000. Les rêves de gloire ont été remplacés par celui, plus modeste, de fonder une famille. Manuela affirme haut et fort que désormais, sa vie de star fait partie du passé : « Pour rien au monde je ne voudrais revenir dans le show-biz et devenir une « star Kleenex » ! Je suis trop heureuse aujourd’hui pour me laisser tenter par les miroirs aux alouettes du star system. » [16] Déjà en 1994, la jeune femme expliquait aux journalistes ses projets dans le futur : « Mon but final, c’est d’avoir une grande maison avec des chevaux, des chiens, un mari, des enfants… » Plus de dix ans après, il semble que Manuela soit parvenue à atteindre cet idéal : « J’ai épousé Dominique, le créateur du spectacle équestre des Écuries du Maréchal de Saxe ! Nous partageons le même amour pour les chevaux. Nous entretenons une relation totalement fusionnelle. Même si cela énerve certains… »
« Chez AB était comme dans un cocon, sans souci. Et puis on a été super bien payés. Avec ce que m’ont laissé les impôts, très gourmands, j’ai pu m’acheter une maison »
Contrairement au noyau dur de la bande d’Hélène, qui eux ne se sont jamais vraiment quittés depuis le début de la sitcom, Manuela semble avoir tiré définitivement un trait sur sa carrière de comédienne, et notamment son personnage de Manuela. Pourtant, elle n’a jamais craché dans la soupe, ni même dit du mal de ses anciens collègues. Manuela a semble-t-il réellement apprécié l’ambiance qui régnait au sein de l’équipe, et la paye qui allait avec : « On était comme dans un cocon, sans souci. Et puis on a été super bien payés. Avec ce que m’ont laissé les impôts, très gourmands, j’ai pu m’acheter une maison (…) On était une bande de copains, on s’amusait et on prenait des sous ! Franchement c’était la belle vie. » [17]
La question qui taraude nombre de fans est de savoir si un retour de Manuela dans les Mystères de l’Amour serait possible. On sait que Jean-Luc Azoulay, le producteur-scénariste, est friand de ce genre de come-back. Un temps annoncée partante pour le tournage de la saison 3, Manuela n’a pourtant pas été de l’aventure. La dernière apparition cathodique de Manuela date d’un reportage de l’émission Accès Privé en 2012 sur M6, au côté de Rochelle Redfield. On peut observer la nouvelle vie de Manuela au côté de son compagnon, de sa fameuse maman toujours aussi présente et fan de sa fille, ou encore sa passion pour la campagne et sa participation à des concours canins.
L’univers de la télévision semble désormais loin, très loin pour Manuela Lopez.
1- Manuela Lopez la cousine de Cri-cri, Télé 7 Jours, juillet 1993.
2- Je n’ai pas encore envie de fonder une famille, Star Club, juin 1994.
3- Les hommes sont collants, Télé Loisirs, décembre 1993.
4- L’autre vie de Manuela, Télé Club Plus, novembre 1994.
5- Fonceuse, orgueilleuse et râleuse, Star Club, 1994.
6- Manuela Lopez, la cousine de Cricri, Télé 7 jours, juillet 1993.
7- Sur les traces de sa mère, Télé Loisirs, mars 1995.
8- Qui es-tu Adeline ?, Dorothée Magazine, mai 1994.
9- Un Joli Cd dédié à sa mère, Dorothée Magazine, juin 1995.
10- Manuela déshabillée par un photographe indélicat, Télé Poche, 1994.
11- Que les filles ne fassent pas de bêtises, Télé Star, 1994.
12- Manuela et Anthony : une tendre complicité, Télé Club Plus, août 1995.
13- Télé Club Plus, avril 1997.
14- C’était la belle vie, Télé Star, avril 2000.
15- SOS 18 Manuela, une recrue qui met le feu, Télé Poche, juin 2007.
16- J’ai trois amours, France Dimanche, avril 2006.
17- Je ne suis amoureuse de personne, Star Club, 1994.
Discussion2 commentaires
Et pourtant elle est belle et bien revenue dans les mystères de l’amour.
Jean-Luc Azoulay finit toujours par obtenir ce qu’il veut. Sachez le.
en même temps l’univers de la télévision est tellement méchant qu’elle a eu raison de quitter ce milieu.