La vie ne se comprend que par un retour en arrière, mais on ne la vit qu’en avant.
Sören Kierkegaard.
2011 devait être l’année de Christophe Rippert. L’année du come-back le plus fou, le plus improbable. Et l’idole des 90’s n’a prévenu personne à l’époque, avec deux titres, deux hits offerts à la plèbe sur l’internet: I’m Back et Another Someone. En ce début des 10’s, le revival AB ne pouvait connaître meilleur perspective qu’un retour de Christophe Rippert dans nos cages à miel.
« Christophe est toujours le mégalo-romantico-lover que l’on a tant aimé dans les 90’s »
I’m Back est à ce moment déjà connue de ceux qui suivent l’actualité AB, puisque Christophe l’a présenté en exclusivité aux spectateurs présents à Bercy, dans le fabuleux concert réunissant toute la clique des ex idoles AB. Le ton est donné dès le titre : en plus d’être un événement en soi, Christophe est toujours le mégalo-romantico-lover que l’on a tant aimé dans les 90’s. Christophe est de retour, et il tient à nous le faire savoir. Il prévient d’emblée qu’il n’est « plus le même que celui qu’il a été« .
Christophe est en effet plus fort que jamais, qu’il est revenu de l’enfer. Finies les années de galère post-AB, Christophe est un self-made man qui a cru à ses rêves et qui a réussi sa vie. Ce disque doit être en quelque sorte la preuve que le chanteur est un homme nouveau, fier de ce qu’il est devenu. Non, Christophe n’est pas un has-been resté bloqué dans les 90’s.
La production de la chanson est en outre de très bonne facture. Le son est travaillé et Christophe semble avoir eu une entière liberté artistique puisque ses chansons sont sorties directement sur le label Happy End (sa propre boite de production). On reconnaît bien la voix de celui qui a marqué toute une génération de pucelles dans les années 90. Mais désormais Christophe chante dans la langue de la Perfide Albion. Les orchestrations, déjà entraperçues dans son album Juste ces Mots, prennent ici une toute autre ampleur. Piano, voix douce et refrain très accrocheur, le nouveau « tube » de Christophe est une vraie bonne surprise.
Dans le clip en HD, on peut admirer les coulisses de la préparation du grand show de Christophe à Bercy. Premier constat : Christophe semble avoir pris très au sérieux ce « retour ». Plus beau gosse que jamais, vêtu d’une veste en cuir de bon goût loin des affreux costards des 90’s, l’ex idole répète avec ses choristes (c’est important, les choristes), et surtout, avec son ancien collaborateur Gérard Salesses.
Mais Christophe n’oublie pas de mettre en scène sa vie sentimentale avec sa nouvelle girlfriend, une jolie Brésilienne. On peut admirer les deux tourtereaux s’enlacer, se tripoter et se donner de tendres baisers. Christophe est un éternel amoureux. On peut dire sans risque que c’est l’essence même de sa créativité musicale.
« Free c’est la liberté, la liberté de ne plus faire ce que Jean-Luc Azoulay et la clique de AB Productions désiraient pour lui »
On notera dès à présent les nouvelles influences de Christophe : finies les références moisies à Patrick Bruel ou Joe Dassin, dorénavant ce sera George Michael et plus généralement la soul américaine. Christophe est un amoureux de la vraie bonne musique et il désire ardemment nous le montrer.
Another Someone, est le deuxième titre que Christophe Rippert offre gracieusement à ses admirateurs sur internet. Un bon morceau, moins accrocheur, mais qui se révèle assez agréable à l’écoute. On remarque très vite à quel point Christophe a acquis une véritable maturité musicale et une justesse dans sa production. On est définitivement loin des sonorités cheap de Gérard Salesses ! Un clip a été réalisé tardivement. Le background et l’artworking du nouvel univers musical de Christophe est travaillé et cohérent. De bon goût.
Avec le relatif succès de ces deux titres, la fusée Rippert peut enfin être mise sur orbite. Beaucoup de fans ont accroché à ce nouveau style, même si certains restent toutefois sceptiques sur le résultat final. Comme souvent, ce sont les fans de Dorothée sont les plus moqueurs, comme un certain Fivestar qui prophétise : « Mon dieu. Do avait vendu environ 10 000 titres (au moins 600 albums de 17 titres) j’ai peur pour Rippert. Je mise sur 100 maximum. En plus c’est très mauvais. » Un autre fan, le bien connu JFD, enfonce le clou en tapant là où ça fait mal : « Moi je dirais que son forum compte 11 à 12 personnes alors je tablerais sur 30 téléchargements… »
Finalement, il faut attendre 2012 pour que l’album voit officiellement le jour, sur un superbe site dédié. Le titre tient en un mot, anglais forcément : Free. Dès la première écoute, il est clair qu’il sera difficile de reconnaître le Christophe Rippert de l’époque AB dans cette production. Il est certain que Christophe a toujours pris très au sérieux sa carrière musicale, dans un premier degré à faire frissonner même Dario Argento. Avec Free, Christophe réalise pour la première fois son véritable rêve artistique. Free c’est la liberté. La liberté de ne plus faire ce que Jean-Luc Azoulay et la clique de AB Productions désiraient pour lui. Pas de label, pas de promo, pas d’ami influent dans le milieu de la musique. Rippert sort son album dans l’autonomie la plus totale. Il est seul au monde certes, mais son disque est réalisé de la manière la plus honnête possible.
« Avec Auto-tune et un bon Mac, Rippert peut enfin se permettre toutes les excentricités »
Un premier avertissement néanmoins pour ceux qui voudraient se foutre de la gueule de l’ex-Premiers Baisers : passez votre chemin, la musique de Rippert n’est pas ridicule objectivement parlant. A la rigueur, celui qui semble avoir raté une marche c’est Dupray avec la chanson postée sur son twitter : son acolyte des Années Fac semble être resté musicalement bloqué en 1995, pour notre plus grand bonheur par ailleurs.
Le néo-Rippert a donc bien changé depuis l’époque du lyrisme « porryesque » des 90’s. Christophe est un homme de son temps. Il a changé, et sa musique aussi. Plus besoin d’un studio de millionnaire, plus besoin de réellement savoir chanter. Avec Auto-tune et un bon Mac, Rippert peut enfin se permettre toutes les excentricités. C’est la chanson éponyme de l’album, Free, qui caractérise le mieux ce nouvel état d’esprit : il est en effet difficile de reconnaître la voix de Rippert. Trafiquée comme la majorité des chansons que l’on peut écouter sur NRJ ou sur la bande son d’Hollywood Girls, le nouveau son « rippertiste » est désormais typique des productions actuelles. Hérésie totale pour certains, on peut même y entendre un rappeur !
Toutefois, Rippert a d’autres cordes à son arc. Avec des chansons comme Make it right ou I Can give, il montre qu’il est aussi branché pop-rock. Avec The Sinner, Christophe pousse même jusqu’à des influences hard-rock typiques des 80’s. Christophe Rippert et Axl Rose même combat ? Cela parait fou mais c’est dorénavant une réalité. Le son dans sa globalité est néanmoins assez lisse, les guitares restent toujours trop polies. Il manque clairement un peu de folie. Ainsi, les divers titres se digèrent aussitôt écouté. Il est indéniable à cet égard que Christophe a beaucoup écouté ces dernières années des groupes tels que Coldplay ou Maroon5. Cela transpire dans de nombreux morceaux, tels que A way to fly, Contract killer ou encore Forgive me. Pas franchement ce que Christophe a fait de mieux, il faut l’avouer. Mention spéciale au morceau rock I can give you, porté par une guitare énergique, que n’aurait pas renié l’infernal Bon Jovi.
« Le chant a toujours été le talon d’Achille de Rippert. Le choix de l’anglais n’est donc pas très heureux »
Et le chant de Rippert dans tout ça ? Question épineuse qui a fait couler beaucoup d’encre par le passé. Pas de langue de bois ici, le chant a toujours été le talon d’Achille de Rippert. Le problème s’est doublé d’une autre problématique : le chant en anglais. Parce que oui, Rippert a définitivement abandonné le français dans ses lyrics. Pourquoi pas, mais le french accent est difficile à supporter.
Voire même catastrophique par moment, gâchant la plupart des morceaux. La chanson Mary, la véritable pépite du disque, résume la tonalité du disque. La voix modulée de Rippert ne peut couvrir en effet son outrageant accent frenchy sur ce titre directement inspiré de la soul de « Everybody’s Got a Song to Sing », vieille chanson des Chairmen of The Board.
L’aspect romantico-kitsch est finalement ce qui est le plus appréciable pour un amateur des sucreries musicales de Christophe Rippert. Parce que oui, quand on écoute du Rippert, on est irrémédiablement, qu’on le veuille ou non, possédé par l’esprit d’une adolescente de douze ans, celle qui vient d’avoir ses premières règles et qui utilise sa brosse à cheveux pour se masturber frénétiquement. Et le vrai-faux tube Mary en est la preuve la plus manifeste : on se laisse irrémédiablement porté par la fougue de Rippert. A corps perdu !
« Il y a du génie dans la démarche de Christophe, le seul qui a véritablement osé revisiter un vieux tube AB, plus de vingt après »
Enfin, le dernier titre de l’album n’est pas le plus anodin : My summertime. Les fans auront évidemment compris la référence au plus grand tube de Christophe Rippert, Un Amour de Vacances. C’est une cover totalement revisitée, en anglais, de la plus belle balade estivale de l’an de grâce 1992. Une magnifique transition entre les deux ères de l’art rippertiste, qui montre en outre que la mélodie légendaire de son vieux tube raisonne avec toujours autant de force dans nos esgourdes. De quoi tirer quelques larmes aux plus nostalgiques d’entre nous.
Afin de pousser le concept jusqu’au bout, Christophe se lâche et réalise un clip basé sur ses propres films de vacances pour son « Amour de Summertime ». Il y a du génie dans la démarche de Christophe, le seul qui a véritablement osé revisiter un vieux tube AB, plus de vingt après.
- Chant : 2/5
Le gros point noir du disque. C’est dommage, avec la technologie de 2012, on aurait pu évité un tel naufrage. Il faut dire qu’une maîtrise parfaite de l’anglais est essentielle quand on abandonne la langue de Molière. Et le fort accent de Christophe, aussi charmant qu’il puisse être par ailleurs, pèse lourdement sur la production de l’album. D’autant plus que Christophe n’a jamais été une « voix », ni par le passé ni maintenant.
Musique : 4/5
Globalement, le disque est bien foutu. Christophe a bossé, c’est indéniable. Les influences sont multiples. Christophe ne surfe pas sur ses vieux succès et a le courage d’offrir du neuf.
Paroles : 2/5
Le choix de l’anglais est louable, mais on a aimé Christophe pour ses chansons mythiques en français. Au moins, le choix d’une langue étrangère permet que l’on ne s’attarde pas sur la qualité des lyrics. Pas con.
Prestation & Esprit AB : 3/5
Peu de références directes à son passé de star AB. C’est bien dommage. Heureusement, la cover d’Un Amour de Vacances vient nous rappeler à quel point Christophe a pu être le chanteur-romantique par excellence des nineties. Et l’interprétation du tube « I’m back », chanté devant un Bercy médusé, a été sans aucun doute l’un des plus beaux moments d’émotion de l’histoire récente d’AB.
Total : 11/20
Un come-back raté ? Oui et non. Oui car Christophe a sorti son album dans une indifférence quasi générale. Sans promotion dans les médias ni « buzz », il était perdu d’avance que le disque puisse être écouté du plus grand nombre. C’est d’autant plus vrai que Christophe a eu les couilles de pondre un opus sans surfer sur son passé de star AB. Libre de réaliser l’album qu’il voulait, sans aucune concession. Voilà le message que Christophe a voulu donner à ses auditeurs. Malheureusement, nous n’avons pas eu l’occasion de voir un concert (un Olympia était pourtant envisagé) dans lequel Christophe aurait pu, avec son style caractéristique, tester et défendre ses titres.