L’humour « banania » des Katoochwa dans les Nouvelles Filles d’à Côté

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C’est en 1995 avec la sitcom des Nouvelles Filles d’à Côté que l’univers AB franchit un pallier dans la mise en scène des pires stéréotypes vis-à-vis des noirs. Durant pas moins de huit épisodes est introduit un peuple imaginaire des Caraïbes, l’ethnie Katoochwa. Dans l’épisode n°103 intitulé « Fleur des îles » (tout un programme), le truculent Marc présente une certaine Sémoulette, une domestique dont il est tombé amoureux et qui travaillait dans la maison de luxe des Pichardeau aux Bahamas.

« Il faut l’excuser, elle n’est jamais sortie de son village »

Sous couvert de l’humour surréaliste si caractéristique de la sitcom (et celle du génial Thierry Redler), l’introduction de la nouvelle petite amie de Marc, une jolie noire ne parlant ni le français, ni même une langue occidentale (!), rend immédiatement le téléspectateur mal-à-l’aise. Comment en effet ne pas ressentir une honte absolue quand la comédienne qui incarne Sémoulette – surnommée Bibiche par Marc – se met à parler sa pseudo langue native ? De sa bouche sort alors des phrases improbables et ridicules, que l’on peut tenter ici de rendre compte phonétiquement : « Papoui Gatawa Tgou Tzawa… »

Débarque Sémoulette, la première Katoochwaze officielle de l'histoire.
Débarque Sémoulette, la première Katoochwaze officielle de l’histoire.

Bien évidemment, Sémoulette ne connaît rien à la culture occidentale. On se croirait alors revenu au XIX° siècle, dans la pire tradition de la vision colonialiste française du noir sauvage et ignorant, vivant encore dans sa forêt et portant un pagne pour seul habit. Quand Sémoulette découvre cet objet fascinant qu’est le téléphone, on lui explique que c’est « un peu comme le tam-tam », Marc précisant qu’il faut l’excuser car « elle n’est jamais sortie de son village. » Heureusement, le petit ami de Claire du moment, Théo, parle la langue de Sémoulette et réussit à faire communiquer Marc avec sa petite amie.

Bond’chanze

Loin d’être un simple « one shot », l’épisode suivant « Bond’chanze » confirme que les scénaristes ont décidé de faire des Katoochwazes le principal sujet de blagues, plus douteuses les unes que les autres. Dès la première scène, on remarque que la comédienne de l’épisode d’avant a changé : Sémoulette est remplacée par sa cousine, Farinette. L’atmosphère « y a bon banania » ne se tarit pas, loin de là. Tandis que Marc tente de communiquer à coups de « ah dou dou di donc » (littéralement dans la texte), on apprend qu’il existe une pittoresque coutume dans le village de cette tribu : étant donné que Sémoulette a du quitter Paris pour voir sa tante, elle a envoyé sa cousine la remplacer ! Le scénario de l’épisode est tellement lamentable qu’il est difficile de le raconter encore aujourd’hui. Marc découvre en effet que Sémoulette a disparu. En pleine dépression, il ne comprend pas pourquoi sa douce l’a subitement quitté.

Farinette, la cousine, est à la recherche d'un objet précieux. Monsieur Ramirez tente bien évidemment sa chance, sans succès.
Farinette, la cousine, est à la recherche d’un objet précieux. Monsieur Ramirez tente bien évidemment sa chance, sans succès.

Toutefois, débarque dans l’immeuble cette fameuse remplaçante, Farinette, qui ne cesse de répéter « Bond’chanze ». Tout le monde pense qu’elle tente de dire « Bonne chance », mais non. Comme Théo l’explique à la fin de l’épisode, quand Farinette disait « Bond’chanze », elle voulait dire en français « Bon d’échange ». Car pour sortir avec Marc et remplacer sa cousine, il lui fallait en échange la statuette que Marc avait reçu peu avant des mains de Sémoulette. Ainsi, quand Marc fait enfin la rencontre de la nouvelle, il se jette impunément sur Farinette. Celle-ci le repousse, à son grand désespoir, mais quand il prend la statuette pour se consoler, Farinette se jette sur lui et l’embrasse !

La barbare a forcément des coutumes sexuelles débridées...
La barbare katoochwaze a forcément des coutumes sexuelles débridées…
Même ce pauvre Gérard y passe...
Même ce pauvre Gérard y passe…

L’épisode « Esprit de famille » voit Théo, sorte d’anthropologue tout droit issu des conquêtes coloniales, nous expliquer le comportent des filles katoochwazes. En effet Farinette tente d’embrasser le neveu de Marc, Benoît interprété par Cyril Aubin. Marc pète les plombs mais finit par se laisser convaincre par la grande connaissance que Théo possède de ce peuple aux étranges coutumes : « Farinette a cru bien faire. Elle vient d’un pays où les préceptes de savoir-vivre où la femme se partage entre tous les hommes de la famille. Lorsqu’elle a compris que Benoît était votre neveu, elle s’est dit qu’elle manquerait à la plus élémentaire des politesses si elle ne respectait pas le rituel avec lui. Voilà. »

Théo donne aussi des cours de Katoochwa...
Théo donne aussi des cours de Katoochwa…

« Comme elle possède une maîtrise en économie et un doctorat en psychologie, elle hésitait un peu. Alors elle a fait une étude de marché et puis elle décidé d’ouvrir un cabinet de marabout conseil »

L’épisode « La danse du soleil » marque pour la troisième fois un changement de casting pour la comédienne noire qui doit s’humilier à interpréter le rôle de la Katoochwaze. Par respect pour la dignité de ces femmes, nous ne nous abaisserons pas à citer leur noms (encore faut-il qu’elles soient créditées dans le générique). Néanmoins, on se contentera de préciser que le changement de comédienne s’accompagne d’un changement de personnage, puisque Farinette est remplacée par… Farinette II ! Cette dernière est présente dans 5 épisodes, qui accumulent tous les clichés sur les noirs :

– Dans « La danse du soleil », Farinette 2.0 exécute un rite pseudo africain, à travers une chorégraphie qui finit par mettre en transe tous les babtous de l’immeuble…

Avec Farinette II, le rire post-colonial du trip Katoochwa prend une nouvelle dimension.
Avec Farinette II, le rire post-colonial du trip Katoochwa prend une nouvelle dimension.

– Dans l’épisode « Refroidissement », la Katoochwaze concocte une potion de force qui décuple les capacités sexuelles de l’homme blanc…

– Dans l’épisode « La lettre d’amour », Théo aide Marc à apprendre la langue katoochwaze. Autant dire que les scénaristes n’ont pas été chercher bien loin, puisque le dialecte tourne autour de quelques expressions à base de « Gouzou gouzou ». Et si Farinette finit par plus ou moins bien maîtriser le français, son élocution et ses phrases tiennent davantage du « petit nègre » qu’autre chose…

Ils auront poussé le délire jusqu'à inventer un dico franco-katoochwa !
Ils auront poussé le délire jusqu’à inventer un dico franco-katoochwa !

– Dans l’épisode « Les factures sonnent toujours deux fois », la boucle est bouclée avec le lancement d’un cabinet de marabout. Histoire d’enfoncer le clou, Théo explique aux autres la véritable raison de l’inauguration du « Farinette Marabout conseil » : « Comme elle possède une maîtrise en économie et un doctorat en psychologie, elle hésitait un peu. Alors elle a fait une étude de marché et puis elle décidé d’ouvrir un cabinet de marabout conseil. »

Pour achever les téléspectateurs, l'aventure katoochwze se termine par le lancement d'un cabinet de marabout.
Pour achever les téléspectateurs, l’aventure katoochawze se termine par le lancement d’un cabinet de marabout.

Il faut attendre l’épisode n°113 pour que la blague katoochwaze cesse enfin avec le départ de Farinette qui rentre définitivement dans son pays, signant par la même occasion celui de Marc qui quitte la France pour la suivre (et donc la sitcom par la même occasion).

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