Mais Monsieur Girard, dans votre état.
Annette.
Annette et Monsieur Girard. Annette et les petits-déjeuners. Annette et ses couettes. Comment ne pas parler d’un tel phénomène, qui a marqué toute une génération. Annette Lampion est la meilleure amie de Justine, celle qui squattait la maison des Girard. L’amoureuse transi de Roch Voisine, de François mais surtout de Monsieur Girard. Les sitcomologues ont eu l’honneur d’interviewer Magalie Madison, la comédienne qui a su incarner un personnage aussi loufoque que génial.
« Quoi que tu dises ou fasses, quand les gens ont envie d’être cons ou jaloux »
Les Sitcomologues : Tu es née à Longjumeau, ville célèbre grâce aux 2be3. As-tu fréquenté toi aussi la mythique MJC dans ta jeunesse ?
Magalie Madison : J’y suis née mais n’y ai pas vécu, donc je n’ai pas eu la chance de croiser les 2B3 avant les plateaux d’AB !
LS : Tu as commencé par une pub pour des corn-flakes. Le début d’une grande aventure dans l’univers des petits-déjeuners. C’était comment la vie d’une jeune apprentie comédienne qui fait des pubs ?
MM : (rires) Comme quoi rien n’arrive par hasard ! Eh bien, ma vie était plutôt cool mais à cette époque. Je ne voulais pas être comédienne, je prenais ça comme un plus dans ma vie, c’est plus sympa de partir au Kenya ou autres pays pour faire des photos, que de sortir le chien de la voisine pour gagner dix balles (je parle en « balles » comme en ce temps-là !).
LS : Tu as fait des études dans un grand établissement d’art graphique, pourquoi avoir arrêté pour rejoindre l’univers AB ? L’influence de ta mère, elle-même comédienne ?
MM : Je n’ai pas vraiment arrêté : pendant le tournage, je continuais mes études et ensuite j’ai bossé à Télé Poche, dans un magazine de surf, à Télé Club plus (journal d’AB), et j’ai fait des pochettes de CD. Après, j’ai arrêté car je gagnais suffisamment ma vie avec la série et que l’on tournait 4 jours par semaine, donc j’avais peu de temps pour honorer un autre boulot correctement. Et puis j’avoue qu’être enfermée dans un bureau derrière un ordi, ce n’est pas trop mon truc, finalement.
LS : Lors du casting AB pour le personnage d’Annette, tu as eu le coup de génie ultime. Tu as en effet proposé à Jean-Luc Azoulay de ne pas zozoter comme prévu, mais de parler avec une toute petite voix. Aujourd’hui encor, on te demande à chaque apparition télévisée de faire « la voix d’Annette ». Tu le regrettes ce coup de génie au final ?
MM : Pas du tout !!! Sinon je n’aurais jamais fais la série. Je n’ai juste pas tout le temps envie de « la » faire, quand on me le demande. Mais je sais que ça intrigue, surprend et fait plaisir aux nostalgiques, alors…
LS : Comment as-tu vécu la première diffusion de Premiers Baisers ? Fabien Remblier affirme dans son autobiographie que « jamais il n’avait été autant stressé », notamment vis-à-vis de son entourage. Et toi ?
MM : Franchement je ne sais plus trop, je me souviens surtout de mon retour au lycée (diffusion pendant les vacances scolaires). Les « ah ! Regarde, elle se la pète ! », « Ah trop bien ! », les : « Mais pourquoi tu m’as rien dis ? » etc… Résultat : quoi que tu dises ou fasses, quand les gens ont envie d’être cons ou jaloux, tout est bon ! J’ai un peu souffert du regard des autres, car c’est bien le regard des gens qui change et pas l’inverse, en tout cas pour ma part.
LS : Les débuts de Premiers Baisers sont très enfantins. Mais sur le tournage, quelle était l’ambiance ? Apparemment il y avait quelques soucis avec Boris Haguenauer, qui jouait François ?
MM : Il est vrai que Boris était un garçon un peu particulier, un peu coincé. Mais bon ! On a le droit d’être différent non ? Même si je pense qu’à l’époque j’ai dû me moquer de lui parfois… Sinon niveau ambiance, je m’amusais bien. Pour moi, c’était la découverte totale du métier de comédienne, j’étais curieuse de tout et ravie d’apprendre. Et comme je suis plutôt sociable, bien que je ne me laisse pas marcher sur les pieds, j’avais des relations plutôt chouettes avec les autres. Quand je dis « autres », je parle aussi du staff : make-up, habillage, techniciens, production. Faudrait pas les oublier.
LS : Pour Fabien Remblier, ton personnage connaît une « grande révolution » lorsqu’il se coupe ses immondes tresses et abaisse le volume de sa voix suraiguë. D’après Fabien, c’est toi-même qui a décidé ce changement de look. Tu avais réellement une telle marge de manœuvre, un rapport privilégié avec Jean-Luc Azoulay ?
MM : Eh bien, cela s’est décidé d’un accord commun avec Jean-Luc, mais je n’avais pas de relation privilégiée, non, ou alors je ne m’en suis pas rendue compte… Il avait compris, je pense, que j’avais besoin de faire évoluer mon personnage car je suis comme ça : quand je m’ennuie, je me barre ! Et puis, ça faisait un thème pour un épisode car je me suis coupé les cheveux pendant la journée de tournage. Une des raisons aussi, c’est que je n’en pouvais plus des nattes !!! Ça fait mal au crâne !!!!!
« Joël, si tu veux rester ne dis rien, sinon c’est sûr que tu disparais de la série »
LS : Parlons maintenant du cas Joël Cresson. Selon la légende, c’est au cours d’une soirée alcoolisée que ton petit ami de l’époque a séduit Jean-Luc Azoulay, en se présentant comme un braqueur de banque. Au départ simple figurant, Joël a finit par devenir « Joël », le petit ami d’Annette. Comment as-tu vécu cette situation ?
MM : Ce n’est pas une légende, ça c’est passé comme ça ! Et sur le tournage, c’était cool d’être ensemble.
LS : Toujours pour Fabien Remblier, vous formiez un couple rock’n’roll. D’après lui, « Joël n’était pas comédien et ses premières heures sur le plateau furent difficiles. Mais il compensait par son humour, sa sympathie et aussi par son inénarrable imitation d’Animal, le batteur du Muppet Show. » Quant à toi, il te décrit comme « la plus bohème. [Celle] qui n’aimait guère l’ambiance show-biz et vivait à des années lumières de ce métier et de ce qu’était son personnage. » Alors c’était qui Magalie Madison dans les années sitcoms ?
MM : Assez bonne description, merci Fabien !! Que dire de plus…?
LS : Par contre la fin de Joël dans la sitcom marque aussi la fin de votre histoire. La rupture a été difficile ?
MM : Non ! C’est la fin de notre histoire qui marque la fin de Joël dans la série. Je lui avais dis : « Si tu veux rester ne dis rien, sinon c’est sûr que tu disparais de la série »… Il n’a pas voulu m’écouter. Et oui rupture difficile, comme souvent dans les histoires d’amours, mais je ne m’étale pas, cela ne regarde que Joël et moi.
LS : Tu étais présentée dans la presse comme la « meilleure amie » de Camille Raymond, dans la série comme dans la vie…
MM : Avec Camille, on s’entendait bien, de là à dire « meilleures amies », c’est un peu fort, mais vous connaissez la presse !?
LS : Nous avons longuement disserté sur les clans qui se sont formés au sein de l’équipe de Premiers Baisers. Mauvaise ambiance, coups bas, bagarres. La vie du tournage semble loin de l’image lisse de la sitcom, n’est-ce pas ?
MM : Franchement, je pense que je suis passée à côté de tout ça, ou j’ai oublié… ça me parait vraiment loin… bien sur, c’était pas la teuf tous les jours et on ne peut pas s’entendre avec tout le monde tout le temps, mais enfin quand même, c’était pas le goulag. Remarque… j’avais tellement de scène et de texte que j’avais moins de temps que certains pour baver sur les collègues. Ça doit être ça !
LS : Dans les Années Fac, ton personnage part en vrille. Tu deviens animatrice sur « radio fac », puis tu as une boutique. Sur le plan sexuel, tu passes de « sœur Annette » à la fille totalement dévergondée, qui se dépucelle avec le premier venu. Considérant que JLA s’appuie sur la « vraie » vie de ses comédiens pour ses personnages de sitcoms, ta vie à cette époque était à ce point bordélique ?
MM : Je n’étais ni sœur Annette, ni totale dévergondée, plutôt du genre entre les deux, normale quoi ! Mais il est vrai que ma vie sentimentale n’était pas des plus heureuses. En même temps, pas facile de construire une relation quand tu bosses non-stop. Et puis il faut bien tester pour savoir ce que l’on veut. Mais je pense aussi que l’imaginaire de Jean-Luc fonctionne très bien, et qu’il n’avait pas toujours besoin de nos histoires pour écrire.
LS : Par ailleurs, une question nous taraude. Ton plat préféré en 1995 était apparemment les tomates farcies. Est-ce vrai ou bien la Pravda d’AB productions (Télé Club Plus), nous a encore menti éhontément ?
MM : Je suis ravie que tu me poses cette question, (rires) ! Pour une fois qu’un journaliste ne dit pas n’importe quoi, c’est important de le souligner : eh bien oui j’aime les tomates farcies !
LS : Au milieu des Années Fac, tu pars à Katmandou avec un joueur de poker. Dans ton dernier épisode, on peut clairement ressentir la tristesse que tu ressens, surtout dans la scène avec Monsieur Girard. Sur IDF1 dernièrement, on a pu comprendre que vous aviez une vraie complicité. Il était quoi pour toi ce Monsieur Le Millin ?
MM : Bruno, ou Mr Girard dans la série, fut un super partenaire de jeu, toujours à l’écoute, présent, de bonne humeur. J’étais ravie de jouer avec lui car avant la série j’étais fan de lui dans le théâtre de Bouvard, et c’est vrai que, malgré les années, on est toujours content de se croiser : même si on se voit rarement, c’est comme si on s’était quitté la veille. Et si un jour je pouvais retravailler avec lui, ça me ferait super plaisir.
« Jeanne Mas m’avait proposé une chanson, mais avec la voix d’Annette »
LS : En 1997, tu ne participes pas aux Années Bleues. Puis on ne te voit pas dans Les Vacances de l’Amour. Tu as décidé d’en finir une bonne fois pour toutes avec l’Univers AB ?
MM : En septembre 1996, je commençais à ne plus m’amuser. J’en avais marre, j’avais envie de partir. Pour moi, il n’est pas concevable de faire ce métier sans plaisir. Alors j’ai prévenu la production qu’il fallait penser à faire partir mon personnage, que je ne les planterais pas du jour au lendemain mais que mon envie était réelle. Alors en décembre j’ai tourné mon dernier épisode des « Années Fac ». C’est donc pour cela que l’on ne me voit pas dans les séries suivantes. Ayant décidé de partir, je n’allais pas revenir trois mois plus tard ! Même si c’était ma décision, j’avoue que quitter tout le monde au bout de 5 ans ½, ce ne fut pas facile, mais bon il faut savoir partir quand il est temps.
LS : En 2006 on a eu la chance de te revoir sur le plateau de Delarue. Bon, on t’a refait le coup de la voix d’Annette, mais tu as pu prouver qu’il y avait une vie après AB et qu’une fois les impôts payés, on pouvait passer à autre chose. Depuis, tu as tourné dans plusieurs films, notamment avec Jean Rollin, que tu qualifies de « grand réalisateur français ». Les sitcomologues étant tous nanardeurs, on attend une explication sur ces propos…
MM : Mais je le pense ! C’est un grand réalisateur dans son « genre ». Au moins dans ses films, il y a des rôles pour les femmes ! De plus je me suis vraiment éclatée sur ce tournage, même si on a eu super froid, En plein mois de novembre en chemise de nuit, les pieds dans l’eau sur une plage de Normandie ! Ça vaut le détour…
LS : Aujourd’hui tu vas sortir un disque, « pop », selon tes dires. Mais à l’époque d’AB, tu n’avais pas eu de propositions de la part de JLA ? Un disque de hard rock avec Gérard Salesses, ça aurait eu de la gueule, non ?
MM : Plus ou moins… En fait Jeanne Mas m’avait proposé une chanson, mais avec la voix d’Annette !! J’ai dit non, évidemment. La musique tient une place trop importante dans ma vie pour faire un truc qui ne me plaisait pas. Déjà à cette époque, je faisais des chansons. Bruno m’avait d’ailleurs écrit plusieurs textes. Mais je pense que je n’étais pas prête. Il m’aura fallu toutes ces années pour enfin oser aller en studio avec des musiciens et enregistrer mes chansons. Aujourd’hui, j’ai hâte que l’album sorte sur les plate-formes de téléchargement, ce qui ne devrait plus tarder. Et en ce moment je répète pour me préparer à la scène avec une version plus acoustique des morceaux, afin de pouvoir chanter partout. Sans avoir besoin d’un semi-remorque pour le matos !!
LS : Dans un article de Télé Club Plus, on peut te voir avec François Rocquelin faire un improbable road movie en CV2… en pleine Bourgogne. Si tu veux, je t’invite faire une petite tournée dans le Chablisien… quand tu veux.
MM : Mais pourquoi pas, je suis sûre que c’est magnifique, et le Chablis, c’est pas dégueu !!! Et puis il doit bien y avoir deux trois lieux sympas pour venir chanter ?
LS : Bien, pour finir, c’est quoi cette coupe de cheveux dans Pour Être Libre, d’autant que c’est censé être toi (pas Annette !!) hors tournage ?
MM : Euh… sûrement une lubie du moment ! Bon ok, c’est ridicule ! Mais pas pire que de mettre des salopettes de toutes les couleurs !