Es ist nicht alles Gold, was glänzt.
Proverbe allemand.
Arrivée dans la dernière partie du Miracle de l’Amour en 1995, Annette Schreiber est pourtant un visage déjà connu dans l’underground d’AB. Après une brève apparition dans Hélène et les Garçons et une participation au remake teuton de la sitcom culte, la jeune comédienne allemande intègre le groupe de rock des Garçons.
Avec une bonne place dans le générique, un rôle de bassiste taillé sur mesure, et un look totalement singulier, Annette frappe fort. Son personnage, Cynthia, détonne : c’est la première nana qui entre officiellement dans le rock band (Laly a joué du piano pour eux, mais ce fut « pour rendre service »). Mais surtout, Cynthia a un parcours et un destin très particulier : c’est une droguée, une ex-taularde, une femme à la personnalité torturée, qui en outre ne parle pas très bien français.
« Laly fait tout pour dégager cette nouvelle rivale. Mais les garçons tiennent absolument à garder cette nana aux pantalons cosmiques »
Quand la bande des filles apprend qu’une nouvelle musicienne a fait son entrée dans le groupe, c’est la consternation. Laly fait tout pour dégager cette nouvelle « rivale ». Mais les garçons tiennent absolument à garder cette nana aux pantalons cosmiques et à la coupe de cheveux plus que douteuse. José tente évidemment de se la faire, mais c’est un autre nouveau, le Suédois Jimmy, qui finira par séduire l’Allemande.
Cynthia est considérée par les garçons comme un véritable canon et beaucoup craquent pour ses beaux yeux bleus. Elle profite d’ailleurs largement de la situation. Elle fait croire à Olivier qu’une histoire d’amour serait possible entre eux.
Mais Cynthia est irrémédiablement attirée par Jimmy. Olivier, déçu de son comportement, en vient ainsi à se bourrer la gueule et la traiter de « salope ». Heureusement, ses amis l’empêchent de commettre l’irréparable quand il tente de la frapper. Cynthia, pas rancunière, « comprend » Olivier, et l’histoire est aussitôt oubliée.
Cynthia s’intègre progressivement au sein de la petite équipe, finissant même par squatter au sein de la grande maison, au grand dam de Laly. De même, quand la bande apprend que Cynthia-la-junkie a fait de la prison par le passé, quand son ex-petit copain, sorti de taule également, est venu casser les instruments du groupe, ils l’acceptent malgré tout, préférant ne pas « juger le passé des autres ». C’est beau et certainement en partie à cause du fameux « miracle de l’amour ».
Mais qui est vraiment cette Annette ? Comment diable une Allemande a-t-elle pu oser intégrer Bonheur City ? Certes, elle est loin d’être la première étrangère à participer aux années sitcom, l’idée de Jean-Luc Azoulay étant même de constituer une sorte de grande Internationale de l’univers AB.
« Je voulais travailler la pierre, restaurer des immeubles. Mais je n’ai pas supportée l’idée de me retrouver encore enfermée dans une école »
Dans les rares éléments que l’on obtient à la lecture des différents articles de presse sur Annette (un journaliste explique que la comédienne préfère garder le contrôle sur ce qu’on raconte à propos de sa vie, préférant avoir une sorte de « biographie officielle »), [1] on sait que la comédienne est une fille unique, élevée par une maman mère au foyer, à Berlin-Ouest.
Lycéenne, elle est envoyée dans un internat au nord de la ville, où l’on découvre qu’elle a grandit dans un cadre campagnard, apprenant à entretenir un potager et à « élever des moutons ».
Après le bac en poche, la Teutonne, passionnée de génétique, chercher à embrasser une carrière de scientifique. Toutefois, cette aventure est vite avortée, comme le raconte un journaliste d’AB : « Mais lorsqu’elle réalise que les chercheurs et autres laborantins en blouse blanche effectuent leurs expérimentations sur des rats, des souris ou des singes, l’idée ne la séduit plus du tout. »
Il valait mieux en effet s’arrêter là pour Annette. Celle qui est présentée sans rire comme une « baroudeuse en collants » gagne alors la douce ville de Cologne, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, où loge son petit ami de l’époque. Annette semble à ce moment assez désemparée, incapable de choisir une voie professionnelle : « Je voulais travailler la pierre, restaurer des immeubles. Mais je n’ai pas supportée l’idée de me retrouver encore enfermée dans une école. » De mieux en mieux donc.
« Je suis très attachée au chiffre 3. C’est marrant, quand j’achète des pommes ou des avocats, je les prends toujours par trois… »
En outre, la mentalité de son mec hérisse les quelques poils qu’elle a sur le cailloux : « Il se voyait déjà marié, le plan de l’appartement était déjà bien établi… je n’ai eu aucun problème pour le quitter. » C’est ce qu’on appelle être cash dans le jargon. La vie d’Annette devient par la suite quelque peu abracadabrante, un peu comme celle de Cynthia, son futur personnage du Miracle.
En bonne hippie, faisant de l’auto-stop en France, elle rencontre un automobiliste, qui devient son ami. Plus tard, elle quitte le pays de la saucisse pour la France, plus particulièrement à Menton, où elle crèche chez la sœur du type rencontré sur la route. Afin de gagner proprement sa vie, elle devient baby-sitter, par « amour pour les enfants ».
D’ailleurs, elle dit à la presse les aimer tellement qu’elle en voudrait trois, ce chiffre étant « spécial » dans sa vie : « Je suis très attachée à ce chiffre. C’est marrant (ou pas, ndlr), quand j’achète des pommes ou des avocats, je les prends toujours par trois… »
Traînant ses guêtres sur la Côte d’Azur avec des bambins, elle les accompagne un jour dans une agence de pubs. Mais ô hasard divin, c’est elle qui est choisie pour faire des photos. Elle devient alors mannequin, faisant la navette entre Paris et Nice. Et un beau jour, Annette finit attrapée dans les mailles des filets d’un casting AB Productions. Sa folle aventure de « sitcomédienne » peut enfin démarrer.
« Elle offre au passage une des pires coupes de cheveux d’AB »
Sa première apparition télévisuelle est dans l’inévitable sitcom « Salut les Musclés », le piège à jeunes comédiennes en herbe par excellence (Ingrid Chauvin et tant d’autres y ont fait leur « dépucelage » de sitcom).
La teutonne monte en gamme dans le giron AB avec une participation au sein de la sitcom Hélène et les Garçons, où elle joue le rôle sans intérêt d’une énième nana de Christian. Elle offre au passage une des pires coupes de cheveux d’AB. Déjà.
Ensuite, Annette peut croire à son destin. Elle a été effectivement choisie pour participer au remake allemand d’Hélène, rebaptisé « Alle Lieben ». Elle a le rôle de Liz, ce qui ne nous aide pas vraiment à savoir qui elle joue (Julia étant la « nouvelle Hélène », il est probable qu’elle soit une Laly ou une Béné). Une sombre expérience qui aurait pu définitivement la griller. Mais Annette est pleine de ressources mentales.
Il faut attendre en effet l’année 1995, avec son entrée dans le garage des garçons du Miracle de l’Amour, pour que la carrière AB d’Annette franchisse la dernière étape de maturation. L’Allemande est enfin au pinacle du rêve de tout « sitcomédien » de l’époque qui se respecte : une place au chaud dans le générique, et un rôle en or, celui de remplacer dans un premier temps Nicolas à la guitare, puis Sébastien à la basse, l’ex-petit ami de Laly étant parti sous d’autres cieux « sitco-théâtreux ».
« C’est son élocution et sa manie de tout ponctuer de « eh », « hein », « ho », et ces « meuh » à la place du « mais », qui donnent envie de l’ensevelir sous les derniers parpaings du Mur de Berlin »
Si Annette Schreiber a touché le jackpot, elle n’en reste pas moins de l’avis de tous une comédienne catastrophique. Plus que son accent germanique relativement agaçant, c’est son élocution et sa manie de tout ponctuer de « eh », « hein », « ho », et ces « meuh » à la place du « mais », qui donnent envie de l’ensevelir sous les derniers parpaings du Mur de Berlin.
Le fait qu’elle soit allemande est d’ailleurs un atout pour elle, dans la promo Téléplusienne que tout comédien doit effectuer en parallèle des tournages.
Avec Annette, l’occasion pour les magazines est trop belle pour ne pas renvoyer la comédienne dans son cher pays natal, lui faire visiter le pays afin qu’elle puisse narrer leurs étranges coutumes.
En actrice désormais incontournable du couple franco-allemand, Annette transporte ses lecteurs à Berlin, en profite pour raconter sa jeunesse de petite berlinoise sous l’époque soviétique, tout en n’oubliant pas de faire un tour à la fameuse Love Parade. Du pain béni pour Télé Club Plus, qui peut enfin offrir quelques frissons à un lectorat fatalement lassé par les aventures passionnantes d’Hélène et de ses chevaux, ou d’Hélène partant à la cueillette des champignons dans une forêt près du Mans.
Le « package germano-punkoïde »
Autre point fâcheux, le look décapant d’Annette. Absolument improbable, même dans une décennie d’aussi mauvais goût que furent les nineties. Cynthia se trimballe avec toute une panoplie de pantalons moulants en aluminium, de T-shirts fluo et d’un grotesque pendentif en forme de poisson.
Mais pire que ses apocalyptiques tenues en vinyles, que l’on imagine dégoulinantes de sueur sous les projecteurs de supermarché de la sitcom, c’est la coupe de cheveux d’Annette qui a traumatisé toute une génération. La coupe est courte, les rares cheveux restants teintés en blond platine.
Certes, Annette a un très beau visage, mais le « package germano-punkoïde » offert à travers le personnage de Cynthia a de quoi provoquer des cauchemars aux petits enfants qui regardaient innocemment le programme.
« Je ne me suis pas droguée et je ne joue d’aucun instrument de musique »
Le personnage qu’incarne Annette est en outre foncièrement inintéressant. Déjà, Annette tient absolument à se démarquer de l’image relativement rock’n’roll que renvoie son propre personnage : « Je ne me suis pas droguée et je ne joue d’aucun instrument de musique. » [2]
Surtout, on ne comprend pas vraiment ce que la comédienne raconte concrètement à l’écran. Le caractère de Cynthia n’est pas franchement passionnant. La jeune femme est douce, gentille, mièvre. Elle n’a pas un gramme de méchanceté, notamment vis-à-vis de ses rivales.
Les deux pestes que sont Laly et Manuela forment une sorte de ligue contre sa personne. Mais Cynthia est capable d’encaisser les pires insultes, elle s’en fiche. Elle est « gentille », elle.
Avec Jimmy, elle forme l’un des couples les plus horripilants de la sitcom. Aucun des deux comédiens ne tire l’autre vers un meilleur apprentissage du français, et leur romance ne provoque pas le moindre frisson. Néanmoins, l’infâme duo germano-suédois joue à 100% le « game » d’AB, qui consiste à laisser entendre qu’ils éprouvent de réels sentiments l’un envers l’autre. Ainsi, plusieurs dossiers de Télé Club Plus les montrent passant de chaleureux moments côte à côte.
Dans un Télé Star, Annette va jusqu’à dresser un portrait dithyrambique de Tom Schacht, laissant planer le doute quant à une pseudo attirance entre les deux comédiens : « Tom est timide, secret, pas macho pour un sou. Je ne sais pas quels sont ses vrais sentiments pour moi, mais je vous avoue qu’il me plaît beaucoup. » L’opération de com’, on le voit, est vraiment grossière. Personne n’y a cru, mais surtout, personne ne s’est fondamentalement intéressé à leur « couple ».
Enfin, on doit constater que Cynthia n’apporte pas de touche glam-rock au groupe, comme son look aurait un temps pu nous le faire croire. Au contraire, avec son Krisprolls à la guitare, José le nez dans ses disquettes et un Olivier revenu à ses ridicules congas, le groupe de rock des Garçons se transforme progressivement en bouillie infecte, tant visuelle que sonore.
On en vient même à regretter le bon vieux blues-rock version synthé casio des premières années. C’est dire l’étendue des dégâts en cette fin du Miracle de l’Amour. Et Cynthia en est la principale responsable, la basse ayant irrémédiablement pris le dessus sur la guitare dans les nouvelles « compositions ».
« Nobody’s perfect sera à jamais la pire chose que l’Allemagne a fait à la France, avec l’invasion allemande sous Hitler et Séville 1982 »
Mais un homme va en quelque sorte venir bouleverser l’équilibre de la force : un certain Gérard Salesses. Le grand manitou des « sons AB » a une idée de génie en regardant le Miracle de l’Amour : pourquoi ne pas faire chanter cette teutonne cocaïnée qui se dandine avec sa grosse basse dans le générique ?
Le résultat est sans appel : ce sera à jamais la pire chose que l’Allemagne a fait à la France, avec l’invasion allemande sous Hitler et Séville 1982. Le single Nobody’s perfect est un mélange de rap et de dance fort dommage pour la kultur germanique, déjà mise à mal par un groupe comme Scorpions et sa horde de fans vêtue de shorts et de tongues.
Heureusement, le disque, sorti en 1996, en plein marasme économique et commercial pour la firme AB, fait un flop total. Pire, l’arrivée de la troupe du Miracle dans l’île paradisiaque (ou cauchemardesque) de Love Island porte un coup fatal à la brève carrière de comédienne d’Annette. Sous la chaleur des Caraïbes, l’Allemande à la peau blanche semble cuir tel un vulgaire poulet rôti.
Exit donc le look aluminium peu idéal sous le soleil brûlant, Cynthia se transforme physiquement en une sorte de grand-mère nunuche, dont les histoires sentimentales intéressent encore moins les téléspectateurs, ni même les scénaristes.
« Elle disparaît une nouvelle fois, sans que quiconque ne se soucie de son sort ni ne mentionne son existence »
Pour preuve, son premier « départ » ne provoque aucune réaction au sein de la bande de potes, trop occupée à faire régner l’ordre et la justice dans une île en proie à toutes les formes de violence possibles et inimaginables. Et quand elle revient de nulle part, c’est évidemment pour nous infliger une nouvelle histoire de junkie.
On apprend néanmoins que Jimmy l’avait trompé et qu’elle avait fini par quitter l’île, sans rien dire à personne. Pire, elle avoue avoir été enceinte, puis avoir avorté avant d’apprendre qu’elle est désormais stérile. Le coup du chapeau en quelque sorte.
Cynthia est depuis ce drame complètement dépressive. Elle n’a plus qu’une idée en tête : trouver de la came, comme au bon vieux temps. Et on est bien triste pour elle. Les épisodes avec Cynthia sont complètement glauques. On est éternellement dans le misérabilisme et le pathos, sans demi-mesure.
Son histoire donnerait presque la nausée, mais heureusement tout finira bien, les garçons l’empêchant de replonger définitivement. Elle disparaît néanmoins une nouvelle fois, sans que quiconque ne se soucie de son sort ni ne mentionne son existence. Une habitude dans l’impitoyable univers AB.
« Je fais surtout des photos pour les particuliers et des photos érotiques. C’est ma spécialité »
Il faudra attendre les Mystères de l’Amour pour que Annette refasse un petit guest sans importance, dans le contexte du mariage foireux entre José et Béné.
Visiblement, Annette est euphorique à la simple idée de participer aux nouvelles aventures de la bande : « Jean-Luc Azoulay est quelqu’un qui reste très fidèle à ses comédiens. On se voit régulièrement. Il prend toujours des nouvelles. Je l’ai vu en février 2012, on a dîné ensemble et il m’a proposé de revenir. Je vis en Suisse depuis cinq ans. Alors, ce n’était pas évident de trouver une date. Mais là, deux jours de tournage, c’est super. José se marie avec Bénédicte, c’est trop fort ! » [3] On apprend alors que contrairement à son interprète, le personnage de Cynthia est devenu « une styliste réputée en Allemagne », qui a « très bien réussi sa vie professionnelle. »
Ces propos rassurants ne doivent pas faire oublier l’information la plus importante avec ce come-back, puisqu’on découvre par la même occasion ce qu’est devenue Annette Schreiber.
Et là, c’est carrément flippant : « Je suis toujours comédienne. J’ai fait du théâtre et du cinéma. Après cela, j’ai décidé de ne plus aller sur les tapis rouges. Je suis allée au Festival de Cannes, c’était une très belle expérience. Mais, je préférais être derrière la caméra et coacher les gens. J’ai travaillé dans une agence de management et d’événementiel en Suisse. Puis, au bout de trois ans, je suis retournée vers mon premier amour : la photographie. À l’époque des Vacances de l’amour, je faisais déjà des photos de la série. J’ai ouvert mon studio en Suisse. Je fais surtout des photos pour les particuliers et des photos érotiques. C’est ma spécialité. »
A la manière d’un Allan Théo, Annette a donc enfin trouvé sa voie, humide. On aurait pu se douter, à l’époque, qu’un tel style cachait forcément une attirance pour le bondage soft et le scabreux.
Désormais, on reste dans l’attente d’un éventuel retour définitif dans les Mystères de l’Amour, une série où un personnage drogué et sexuellement open, aurait toute sa place. Le fessier musclé de Jimmy n’a qu’à bien se tenir.
1- Les enfants ? Je les adore et rêve d’en avoir trois, Télé Star, 1995.
2- Douze questions à Annette Schreiber, Télé Club Plus, decembre 1995.
3- Annette Schreiber : « José se marie avec Bénédicte, c’est trop fort ! », Toutelatele, janvier 2013.
DiscussionUn commentaire
J’aimerais beaucoup qu’elle revienne. En revisionnant le miracle de l’amour, elle m’a fait beaucoup rire.