Le Collège des Cœurs Brisés, le psychédélisme selon AB

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L’acide avait sévèrement agi sur moi et je ne pouvais plus me défaire d’une terrible peur qui me tenaillait le ventre. J’étais absolument perdu, cherchant désespérément un endroit où je puisse me reposer de tous ces ‘voyages’, me sentir enfin à l’aise ; car si l’acide vous fait découvrir le paradis, il vous fourgue l’enfer en prime. Moi j’en voulais pas de l’enfer. Je me suis mis à méditer, à essayer d’admettre que la vie se trouve quelque part entre ces deux extrêmes.
Ray Manzarek, 1979

En 1992, alors en pleine gloire, Kurt Cobain se confie sous forme d’avertissement : « Prendre de la drogue est une perte de temps. Les drogues détruisent la mémoire, le respect qu’on peut avoir de soi… Je ne vais pas en dire plus. C’est personnel, mais mon expérience de la drogue est globalement négative ». Dans le même temps, AB Productions tente sa première expérience psychédélique avec une nouvelle sitcom, le Collège des Cœurs Brisés.

Le Collège des Cœurs Brisés. Cet épouvantable titre provient d’une chanson éponyme de Dorothée, peut être l’une des pires de sa discographie pourtant chargée de ce point de vue. Heureusement, la sitcom n’a aucun autre lien direct avec Dorothée. Elle doit être le pendant de Premiers Baisers, sorte d’antichambre des aventures « safe » de la petite Justine et de ses amis. En effet, si dans les sitcoms « classiques » d’AB, l’amour et ses chagrins constituent l’épicentre des intrigues (avec réconciliation inévitable à la clé), dans le Collège des Cœurs Brisés, on entre dans une nouvelle dimension

Regarder le Collège des cœurs brisés n'est pas sans risque. On vous aura prévenu.
Regarder le Collège des cœurs brisés n’est pas sans risque. On vous aura prévenu.

Une œuvre majeure du surréalisme, un ovni télévisuel…

Ici le principe théorique est le suivant : l’amour est une maladie, qu’il faut oublier afin de guérir. Ceci étant posé, Jean-Luc Azoulay et sa fine équipe de scénaristes ne vont pas se contenter de produire une simple sitcom AB décalée. Le Miel et les Abeilles, elle aussi lancée en 1992, se positionne déjà comme une alternative, avec son lot de situations ubuesques et de personnages étranges. Mais le Collège des Cœurs Brisés va encore plus loin, peut-être trop loin. La sitcom va s’affirmer comme une œuvre majeure du surréalisme, un ovni télévisuel et hallucinatoire, ou plutôt hallucinogène. Car oui aujourd’hui, la sitcom pourrait faire la joie de tous ces putains d’hipsters de France et d’ailleurs. Heureusement, le Collège des Cœurs Brisés reste encore l’affaire de quelques initiés, et cet article a pour but d’expliquer en quoi cette sitcom mérite d’être vue et revue.

Le Collège des Cœurs Brisés est-elle une série véritablement culte ? Si dans notre introduction la réponse semble évidente, elle l’est moins dans la sphère des amateurs d’AB Productions. Un premier consensus émerge toutefois vis-à-vis du Collège : il est très difficile de regarder un épisode du début à la fin sans perte de concentration, sans se demander ce qu’il se passe à l’écran et dans sa propre tête. Des scientifiques pourront peut-être un jour analyser le cerveau d’un humain visionnant le Collège. L’expérience serait sûrement édifiante.

Victoire sans contestation possible. Pourtant il y avait de la concurrence avec les Garçons de la Plage.
Victoire sans contestation possible. Pourtant il y avait de la concurrence avec les Garçons de la Plage.

Le Collège des Cœurs des Brisés est donc une expérience, dans le sens hendrixien du terme. Une pratique télévisuelle assez rare, qui serait plus à rapprocher de ce que vivent les habitués de Nanarland ou de Mad Movies. C’est pourquoi une grande majorité de fans des sitcoms AB ne supporte pas le Collège, ou en tout cas, ne le comprenne pas.

Un sondage sur le Forum de la Tétralogie, le site le plus actif de la communauté AB du net, accorde au Collège le titre très convoité de « sitcom AB la plus nulle ». Une certaine Marjorie y résume bien l’avis général : « Pour moi, c’est la sitcom la plus mauvaise. Lorsqu’elle était diffusée, je zappais vite de chaîne. Elle est ennuyeuse et incompréhensible. » Sur une vidéo Youtube du Collège, on peut lire des avis très sévères, tel celui de SummerLand : « C’est koi ce jeu de scène, c’était une parodie ou ils se foutaient de la gueule de leur téléspectateurs ? On dirait tous des mongoliens. Cette sitcom c’est surtout un asile d’attardés mentaux. » Ou encore celui d’un certain Saez06 : « Quand on y repense maintenant, les répliques des acteurs de cette série étaient assez débiles et un peu surjouées, lol. »

Oui vous là, 20 ans après, on se fout encore de vos gueules !
Oui vous là, 20 ans après, on se fout encore de vos gueules !

Premier point intéressant, le doute évoqué par sur le sérieux réel ou supposé du Collège. Peut-on vraiment prendre en effet cette sitcom au premier degré ? L’humour légendaire de Jean-Luc Azoulay est connu de tous et cette hypothèse ne peut pas être écartée. Le Collège serait dans cette perspective une simple parodie de Premiers Baisers.

« Cette série est tellement exécrable que même les aficionados des séries AB Productions ont du mal à regarder un épisode entier »

D’autre part, les commentaires négatifs sur la sitcom insistent sur la nullité de la série. « Nul », « à chier », « débile », « lamentable »…etc, les qualificatifs ne manquent pas pour la sitcom. Pire encore, le Collège des Cœurs Brisés est cité dans le célèbre « Dictionnaire Des Séries Télévisées » de Nils Ahl et Benjamin Fau. La critique y est cruelle : « Sorte de clip de Dorothée étiré à l’infini (ce qui est en soi une métaphore de l’enfer pour quiconque possède la moindre bribe de notions d’esthétique, de bon goût ou simplement d’intelligence), cette série est tellement exécrable que même les aficionados des séries AB Productions ont du mal à regarder un épisode entier. Tellement affligeant que nous avons décidé de créer une nouvelle note plancher, rien que pour elle. » [1]

Le Collège redevient culte, pour le grand plus plaisir de Fabrice Josso.
Le Collège redevient culte, pour le grand plus plaisir de Fabrice Josso.

Le Collège des Cœurs Brisés serait ainsi la pire série du monde, une analyse partagée entre les fans d’AB Production et les meilleurs critiques de séries de France ! Dur. Pourtant depuis quelques années, le Collège des Cœurs Brisés semble trouver de plus en plus d’adeptes, vouant un culte quasi religieux à la sitcom. Comme dans toute secte qui se respecte, on a vu des épisodes se refiler sous le manteau, ou plutôt grâce à feu megaupload. Des témoignages effarants lors de découvertes d’épisodes du Collège ont commencé à fleurir sur internet. [2] Et après avoir boycotté sa sitcom pendant des années, la chaîne AB1 a redonné vie au Collège. Depuis deux ans, la sitcom est ainsi régulièrement à l’antenne, souvent à des heures assez tardives.

Il nous parait donc nécessaire de comprendre cette dichotomie entre ceux qui considèrent le Collège des Cœurs Brisés comme la production la plus lamentable de l’histoire de la télévision, et ceux qui voient en elle un monument de la sous culture.

Dans la presse AB de l’époque [3] , voilà comment est présentée la nouvelle sitcom : « C’est un collège un peu particulier où l’on apprend l’oubli. Oublier pour guérir les chagrins d’amour, c’est le but de l’enseignement prodigué par François Rambier et Mathilde Gauthier, les deux professeurs du Collège des Cœurs Brisés. Ce sont des spécialistes, de véritables médecins des cœurs brisés pour avoir eux-mêmes beaucoup souffert de la maladie d’amour. Forts de leurs expériences malheureuses, ils vont essayer de redonner à leurs élèves la joie de vivre. Cet établissement a été créé par un vieil original, monsieur Upsheidt, sans doute lui aussi victime des flèches parfois impitoyables du dieu de l’amour, Cupidon. Ainsi, il a décidé de venir au secours de tous les naufragés de l’amour. »

Ici on est jamais loin de l’hôpital psychiatrique

Il é tro for se phylosofe, Nitch ! Le bonneur dan loubli, ya ke sa de vré !
Il é tro for se phylosofe, Nitch ! Le bonneur dan loubli, ya ke sa de vré !

Dès l’instant où l’on plonge dans l’univers du Collège, il faut donc accepter le paradigme nietzschéen de la sitcom, celui de la nécessité de l’oubli comme accès au bonheur : « Dans le plus petit comme dans le plus grand bonheur, il y a quelque chose qui fait que le bonheur est un bonheur : la possibilité d’oublier, ou pour le dire en termes plus savants, la faculté de sentir les choses, aussi longtemps que dure le bonheur, en dehors de toute perspective historique. L’homme qui est incapable de s’asseoir au seuil de l’instant en oubliant tous les événements du passé, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant tout debout, comme une victoire, ne saura jamais ce qu’est un bonheur et, ce qui est pire, il ne fera jamais rien pour donner du bonheur aux autres (…) Tout action exige l’oubli, comme la vie des êtres organiques exige non seulement la lumière mais aussi l’obscurité. Un homme qui ne voudrait sentir les choses qu’historiquement serait pareil à celui qu’on forcerait à s’abstenir de sommeil ou à l’animal qui ne devrait vivre que de ruminer et de ruminer sans fin. Donc, il est possible de vivre presque sans souvenir et de vivre heureux, comme le démontre l’animal, mais il est encore impossible de vivre sans oubli. » [4]

Comme le fera le film Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry en 2004, le Collège des cœurs brisés fait, plus ou moins consciemment, sienne des idées du philosophe allemand selon laquelle « l’oubli conditionne le bonheur et est donc vital pour l’homme car la mémoire, et en corollaire les souvenirs qu’elle accumule, pèse sur l’homme et paralyse son action. »

Les membres de la secte raelienne du Collège des cœurs brisés en pleine cérémonie.
Les membres de la secte raelienne du Collège des cœurs brisés en pleine cérémonie.

Afin d’appliquer cette théorie, la politique de l’établissement des Cœurs Brisés a une pratique bien particulière : « Quand on entre dans le collège, le ton est immédiatement donné avec une devise peu équivoque : «oublier c’est guérir ». Pour que cet enseignement qui consiste à décliner ensemble à tous les temps et sur tous les tons le verbe oublier soit efficace, il est conseillé d’éviter de tomber amoureux à nouveau. » Plutôt extrême, l’idée qu’il ne faut pas retomber amoureux est bien entendu une utopie irréalisable. Paradoxalement, ce sera la problématique fondamentale de la série, puisque les protagonistes sont condamnés à s’enfermer dans un cercle vicieux : en tombant amoureux de leurs camarades au sein même du collège, ils sont dans l’obligation de devoir faire un choix entre quitter l’établissement ou refuser l’amour et s’enfoncer par conséquent dans leur misère sentimentale. Pour dire les choses autrement, au Collège des Cœurs Brisés, on est jamais loin de l’hôpital psychiatrique. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est nécessaire de faire le tour des lieux de l’établissement et de présenter les divers personnages de la sitcom.

Fougère, je suis une fougère, pas comme les autres.
Fougère, je suis une fougère, pas comme les autres.

Le bâtiment en lui-même correspond aux canons Piressien [5] d’une production AB. Situé en « province » (on n’en sait pas plus), les collégiens évoluent dans un univers en vase clos, comme coupés du monde. Un sentiment malsain se dégage d’ailleurs assez vite pour le téléspectateur : comment ne pas penser à une secte, dans un tel endroit où l’on demande à des personnes malheureuses de « s’oublier » pour « revivre » ?

Les chambres des élèves correspondent à celles des chambres universitaires des filles d’Hélène et les Garçons : structure de la pièce, objets, matériaux. Même le miroir « à la Hélène » est là. Assez troublant mais cela permet aux téléspectateurs de se sentir en terrain connu.

La frite est une élément important de la sitcom. Elle accompagne souvent les plus grands discours.
La frite est une élément important de la sitcom. Elle accompagne souvent les plus grands discours.

La « cafète » propose quelques différences avec le style Alfredo’s des autres séries. Ici nous avons une cantine, où l’on ne sert que des plats régressifs : frites, purées, choucroutes. Des plats pour dépressifs, un peu comme à l’hôpital. Ce qui accentue le parallélisme du collège avec un asile. Les tenues bariolées fluo des élèves et l’absence de camisoles évitent toutefois une possible confusion.

Le fameux tour de piste. Heureusement, les élèves passent plus leur temps à chialer qu'à réellement faire du sport.
Le fameux tour de piste. Heureusement, les élèves passent plus leur temps à chialer qu’à réellement faire du sport.

Originale, la « salle de sport » est remarquable avec son minuscule tour de piste et ses machines de musculation à faire pâlir le premier Gérard Vivès venu. C’est le haut lieu des tenues de sports nineties. Il est en outre difficile de ne pas rire à la vue de figurants sautillants sur place sur cette ridicule piste.

Enfin les deux décors les plus importants sont le bureau de Monsieur Rambier et la salle de classe. Ce sont les lieux où la théorie se mêle à la pratique. Plus précisément, c’est là que la « doctrine de l’oubli » est enseignée. Concrètement, c’est le lieu du grand n’importe quoi.

Les élèves aiment tellement leur collège qu'ils sont prêts à faire l'amour avec le matériel.
Les élèves aiment tellement leur collège qu’ils sont prêts à faire l’amour avec le matériel.

Les élèves du Collège, ou cobayes selon le point de vue, sont de jeunes cœurs brisés et désespérés. Le casting est lui aussi plutôt désespérant : trois filles et autant de garçons constituent l’équipe principale. Tous sont de jeunes comédiens débutants qui se dépucellent avec le Collège. L’expérience sera traumatisante pour la plupart d’entre eux. Personne ne peut sortir indemne d’AB et encore moins de cette sitcom.

« Il faut nous pardonner, on nous donnait nos textes le soir vers minuit après le tournage, et on reprenait le lendemain à six heures… »

Du côté des filles, le premier épisode nous permet de découvrir les lieux avec l’arrivée d’une nouvelle, Sylvie, incarnée par la sémillante Nathalie Dudeck. Un an avant d’entrer dans la team Premiers Baisers et de jouer la mythique Géraldine [6], la jeune apprentie comédienne obtient son premier grand rôle. Son « dossier » de cœur brisé est classique : « Elle a connu Alex au lycée à Bordeaux. Elle filait le parfait amour avec lui jusqu’au jour où il l’a quittée pour Laurence. Depuis, Sylvie a le cœur brisé, elle a perdu le sommeil et l’appétit ».

La néo-dépressive fait donc ses premiers pas dans le Collège en même temps que nous. Parée de son éternelle frange, de ses mimiques surjouées et de sa voix de petite fille, le « pack Dudeck » est déjà en place. Son personnage prendra quand même de l’ampleur lors du départ d’Anne-Marie. Elle sera la nouvelle groupie de Monsieur Rambier. On y reviendra.

Nathalie Dudeck, il va falloir un jour nous donner de tes nouvelles.
Nathalie Dudeck, il va falloir un jour nous donner de tes nouvelles.

Plus fun, Fabienne est un personnage caractéristique de l’atmosphère si particulière du Collège. C’est la pauvre Muriel Deantoni qui s’y colle. Autant dire qu’il a fallu de l’abnégation pour jouer un tel rôle. Voici son histoire : « Depuis son terrible chagrin d’amour, elle n’a plus prononcé un mot. Ainsi, on ne sait rien de Fabienne, seulement qu’elle a vingt ans, et qu’elle est toujours prête à rendre service. Elle répond aux questions par des sourires ou des mouvements de tête ».

Sorte de version féminine de Bernardo, Muriel doit surjouer à l’extrême son personnage pour se faire remarquer. Elle est bon gré mal gré pour beaucoup dans l’aspect grotesque de la série. D’ailleurs, avec pas mal de courage, elle est venue elle-même assumer sa prestation dans les commentaires d’une vidéo youtube. Elle se défend face aux moqueries sur son jeu : « A plusieurs reprises, nous sommes allés voir le producteur pour changer des dialogues ! En vain. C’était frustrant pour nous de jouer dans ces conditions, impossible de faire du bon boulot ! Hormis tout ça, c’était une chouette équipe! Personne ne se prenait la tête, ou ne jouait les stars. »

Avec le personnage de Fabienne, les scénaristes partent dans des délires très poussés...
Avec le personnage de Fabienne, les scénaristes partent dans des délires très poussés… La scène en intégralité est à voir .

Et quand on lui fait remarquer qu’elle n’avait pas de textes, Muriel s’insurge : « Je suis d’accord avec vous. Mais bon, il faut nous pardonner, on nous donnait nos textes le soir vers minuit après le tournage, et on reprenait le lendemain à six heures… même Fabienne, c’est-à-dire moi, avait tout un texte ! On devait surjouer nos personnages. Sur les sitcoms, t’as une journée pour tourner un épisode, contrairement au cinéma, où une scène de deux minutes peut prendre toute une journée. »

Actors studio inside.
Actors studio inside.

Malheureusement, nous n’aurons jamais la chance de voir Fabienne parler. Mais on finit vite par comprendre la raison de sa présence dans le Collège des cœurs brisés. Fabienne est en effet victime d’un chagrin d’amour causé par… Framboisier des Musclés. Le bourreau des cœurs de la fameuse bande de musiciens a apparemment brisé le cœur de notre pauvre Fabienne. On ne saura pas si celle qui a fait vœu de silence a réellement eu une relation avec le clavier des Musclés, ou si Fabienne est onaniste. Voir Fabienne pleurer à l’écoute de La fête au village, Framboisier pénétrant ses oreilles à travers son walkman, laisse sans voix. De là à franchir le pas pour évoquer un possible bukkake dans cette fameuse fête au village, réunissant notre chère Fabienne et les cinq compères, il n’y a qu’un pas…

Pauvre Hélène, elle ne sera au final ni une idole AB, ni une idole tout court. Triste.
Pauvre Hélène, elle ne sera au final ni une idole AB, ni une idole tout court. Triste.

La troisième fille n’est restée qu’une douzaine d’épisodes, mais c’est sans aucun doute la plus célèbre. Hélène de Fougerolles, éternel espoir de la comédie en France, a fait ses débuts avec AB Productions, comme on le lui rappelle encore aujourd’hui dans chaque émission où elle participe. Le magazine Glamour [7], dans un article consacré sur les comédiens célèbres ayant débuté dans des sitcoms, a récemment noté son « taux de rebond » à 58% (contre 65% pour Vanessa Demouy).

Dans le Collège des Cœurs Brisés, elle joue Anne-Marie. Voici son histoire : « Bernard était le chef de la bande dans la cité et Anne-Marie son égérie jusqu’à l’arrivée de Bénédicte. Anne-Marie a perdu son amour et depuis ce jour, elle est devenue boulimique, mangeant des gâteaux à la crème et d’énormes glaces. » Boulimique mais maigre comme un clou, Hélène de Fougerolles dit « la Fougère » se fait vite remarquer pour son regard félin et son grain de beauté sur le visage (retiré depuis peu d’ailleurs).

Anne-Marie est la grande gueule de la bande, follement amoureuse de Monsieur Rambier et un brin teigneuse avec les autres filles qui oseraient l’approcher. A deux doigts de passer à l’acte avec son professeur, Anne-Marie va cependant s’amouracher de Frédéric, ou plutôt Toutank, un nouvel élève du collège se prenant pour un pharaon (il a été largué par sa petite amie lors d’un voyage en Égypte, avec le guide touristique!). Anne-Marie disparaît avec lui, pour revenir peu après en égyptienne en baragouinant un langage égyptien, enfin quelque chose qui est supposé y ressembler.

La Fougerolles en égyptienne dans le placard. Tout va bien.
La Fougerolles en égyptienne dans le placard. Tout va bien.

Côté garçons, trois ahuris forment le pire trio masculin toutes sitcoms AB confondues. Ce n’est pas un mince exploit. Guillaume Robins (ou Delacroix, selon le générique) est sans doute le plus catastrophique. Il « joue » Julien. Voici son histoire : « Il a 19 ans. Il est beau, intelligent et plein d’humour. Il devait épouser une très jolie choriste d’origine espagnole, mais elle lui a préféré un producteur de disques. Il ne pense plus pouvoir aimer. Pourtant Sylvie ne le laisse pas indifférent. »

Quand on a un air de débile, y'a rien à faire. Ah si, commencer par changer de casquette.
Quand on a un air de débile, y’a rien à faire. Ah si, commencer par changer de casquette.

Première rectification d’entrée, Julien n’est pas intelligent. Le regard vitreux, la casquette pliée en avant, son air de grand poireau, son débit de parole lent et maladroit… tout converge pour faire de Julien l’abruti idéal. Seul à la rigueur Julien Zuccolin parviendra à une telle harmonie dans le Groupe.

Dénué de tout charisme, Guillaume Robins parait perdu dans une sitcom aussi barrée. Lui qui aurait dû être un simple second couteau d’une série comme Premiers Baisers se retrouve là, entouré de personnages tous plus fous les uns que les autres. Il est peut être justement la caution morale de la série, le seul sur lequel on peut compter pour se dire qu’il y a bien quelqu’un de normal dans ce collège.

Jérémy et ses potes, dans une ambiance crypto-gay.
Jérémy et ses potes, dans une ambiance crypto-gay.

Ce n’est pas le cas de Jérémy, interprété par l’exaspérant Fabrice Josso [8]. Voici son histoire : « Originaire de Nice. Très séduisant, il a 19 ans et son meilleur ami est Julien. Il a eu le cœur brisé par Josette, qui, après un baiser, lui a annoncé qu’elle partait avec son meilleur ami. Depuis Jérémy ne peut plus embrasser sans éclater en sanglots. Un véritable handicap pour ce séducteur ! » Séducteur, c’est vite dit. Jérémy est un exalté, récitant son texte (souvent incompréhensible) les yeux exorbités. Celui qu’on reverra plus tard dans Hélène et les Garçons (le frère de l’inénarrable Taxi) a parfaitement sa place dans le Collège. Un rôle qu’il va évidemment préférer oublier, lui qui mènera par la suite une brillante carrière dans le doublage français.

Enfin, last but not least, reste Frédéric Lachkar, aka Gérard. Voici son histoire : « Il a vécu une aventure malheureuse avec Tatiana, un amour d’enfance. Tatiana l’a quitté pour un voyageur de commerce. Malgré tout c’est le rigolo de la bande. Il adore les jeux de mots stupides, la bonne bouffe et les filles. »

Gérard aime bien écouter aux portes. Ses scènes de masturbations frénétiques ne seront pas filmées par contre.
Gérard aime bien écouter aux portes. Ses scènes de masturbations frénétiques ne seront pas filmées par contre.
Gérard, c'est le genre de gars à collectionner les chewing-gum de Mademoiselle Gauthier. Ca vous pose un homme.
Gérard, c’est le genre de gars à collectionner les chewing-gum de Mademoiselle Gauthier. Ca vous pose un homme.

Certainement le moins mauvais comédien des trois, Lachkar a le rôle du comique de service. Il apparaît comme le plus volontaire pour rentrer dans le délire des scénaristes de la sitcom. Amoureux transi de Mademoiselle Gauthier, il voue une haine tenace envers François Rambier.

Oh François, Oh Mathilde, Oh François, Oh Mathilde

Toujours sobre Monsieur Rambier. En toutes circonstances.
Toujours sobre Monsieur Rambier. En toutes circonstances.

Le Collège des Cœurs Brisés emploie deux professeurs, Monsieur Rambier et Mademoiselle Gauthier, deux spécialistes en chagrin d’amour. Franck Jolly, celui qui deviendra le playboy de Sous le Soleil avant de finir happé par la chanteuse Elsa [9], incarne Monsieur Rambier. C’est la tête pensante du collège. Il est censé être l’homme idéal : « La trentaine, très beau mec, cultivé et romantique, il plaît à toutes les filles. Il vivait avec Manuelle qui, un beau jour, l’a quitté pour un prof de gym. » François est un théoricien de l’oubli et avant tout un scientifique, capable d’inventer des machines pour connaître les fantasmes des humains ou encore de lire dans les rêves des jeunes filles. Mais il est lui-même affecté par ses sentiments… envers Mademoiselle Gauthier, voire même ses élèves. Anne-Marie, Sylvie et même Fabienne, toutes ne sont pas loin de passer à la casserole.

En plus des pancartes il y a des tee shirts. Un vrai merchandising. Qui aujourd'hui ne voudrait pas un mug du Collège ? Berda si tu nous lis...
En plus des pancartes il y a des tee shirts. Un vrai merchandising. Qui aujourd’hui ne voudrait pas un mug du Collège ? Berda si tu nous lis…

Pourtant son enseignement s’appuie sur une théorie en contradiction avec son sentimentalisme : « oublier c’est guérir, la base même de notre enseignement », ainsi que sur une pratique a priori efficace :

– Une propagande de l’oubli. Tous les murs du collège doivent être remplis de pancartes affichant des citations telles que « l’oubli efface les souffrances de l’amour » ou bien « l’oubli c’est pas du gâteau » (dans la cantine). L’idée est d’instaurer une ambiance dédiée à l’oubli. Ces pancartes sont toutes plus kitschs les unes que les autres et donnent une atmosphère cheap à la sitcom.

– La répétition. Les élèves doivent en cas de spleen amoureux, répéter la conjugaison de verbe « oublier » : j’oublie, tu oublies, il/elle oublie, nous oublions, vous oubliez, ils/elles oublient. On assiste alors à des scènes improbables où les comédiens doivent s’adonner à ce rite étrange. Parfois, la méthode marche, le chagrin est oublié. La plupart du temps, les élèves ont besoin de le répéter un bon nombre de fois pour arriver à un résultat. Dans les moments critiques, il faut trouver d’autres solutions.

La méthode de l'oubli marche mieux en groupe. Attention à ne pas virer à la partouze...
La méthode de l’oubli marche mieux en groupe. Attention à ne pas virer à la partouze…

Où les scénaristes sont-ils allés chercher tout ça ? Une hypothèse : dans L’écume des jours de Boris Vian, au début du livre, Colin le héros tombe sous le charme de la copine de Chick, son meilleur ami. Il voudrait être à son tour amoureux. Et là survient le passage qui peut faire penser au Collège des Cœurs Brisés : « Je voudrais être amoureux, dit Colin. Tu voudrais être amoureux. Il voudrait idem (être amoureux). Nous, vous, voudrions, voudriez être, ils voudraient également tomber amoureux ». Quand on connaît l’œuvre de JLA, on tique, forcément. Venait-il de relire Boris Vian avant d’entamer l’écriture du Collège des Cœurs Brisés ou bien est-ce une simple coïncidence ?

– Tout un ensemble d’objets et d’inventions. Allant toujours plus loin dans la quête de l’oubli, Monsieur Rambier cherche à dégoûter ses élèves de l’amour. Pour le faire de manière concrète, le professeur n’hésite pas à fabriquer une fausse langue pour les écœurer de la pratique du baiser ou pire encore, utiliser une poupée gonflable pour des exercices légèrement louches…

Sans conteste l'invention la plus trash de Monsieur Rambier. Les services de Dailymotion ont même exigé un filtre parental, c'est dire...
Sans conteste l’invention la plus trash de Monsieur Rambier. Les services de Dailymotion ont même exigé un filtre parental, c’est dire…
François a un plan B si Mathilde n'est pas open...
JLA aurait pu commercialiser une poupée gonflable Hélène de Fougerolles tant qu’à faire.

Dominique Pivain, l’ex plante verte du Juste Prix, est Mademoiselle Gauthier, ou plus simplement, Mathilde. La Milf a aussi un passé douloureux : « Elle a eu le cœur brisé par Anthony, un copain de fac qui l’a abandonnée un vendredi soir. Depuis ce jour maudit, elle s’enferme entre 20h et 21h30 dans sa chambre et pleure comme une madeleine. Les autres jours de la semaine elle aime secrètement François Rambier, à tel point qu’elle tombe en syncope en le voyant ! »

Le binôme professoral du Collège forme un vrai-faux couple passionnel. La tension sexuelle entre eux est palpable. De longues séquences de préliminaires oraux sont distillées dans chaque épisode. Une sorte de rite masturbatoire au rythme des « Oh François, Oh Mathilde, Oh François, Oh Mathilde » déclinés à l’infini…

Mathilde est une milf. Enfin, n'abusons pas des gros plans.
Mathilde est une milf. Enfin, n’abusons pas des gros plans.

Parfois le passage à l’acte est proche. Les deux professeurs s’embrassent alors goulûment, mais s’arrêtent aussitôt. En effet, vivre et afficher son amour signifierait la fin l’échec des principes du Collège.

« Hélène de Fougerolles quitte alors la série, mais revient le temps de deux épisodes, déguisée en égyptienne »

Le Collège des Cœurs Brisés est une sitcom bordélique. Les conditions de tournage en attestent puisque les épisodes ont été tournés et diffusés dans un ordre aléatoire [10]. Heureusement, il est aisé de suivre la série dans le désordre car il est rare que les 37 épisodes aient une quelconque forme de continuité entre eux. Toutefois, un constat s’impose a posteriori : les premiers épisodes sont assez gentillets. On reste assez proche des débuts de Premiers Baisers. La suite par contre promet une longue descente vers l’inconnu…

On pleure beaucoup au Collège. Mais plus pour ses professeurs que pour ses ex..
On pleure beaucoup au Collège. Mais plus pour ses professeurs que pour ses ex..

Le début du Collège des Cœurs Brisés plante en effet le décor, les bases. On découvre tranquillement l’univers si particulier de l’établissement. Certes, on sent que quelque chose ne va pas. Quand on voit par exemple Anne-Marie manger une choucroute et proposer à Gérard « une petite saucisse », on se dit qu’il y a quelque chose qui cloche. Le premier « drame » est celui de Gérard justement. Tatiana, son ex, débarque au collège. On apprend qu’elle a été odieuse, qu’elle a établi une relation quasi sadomasochiste avec lui (elle aurait demandé à Gérard de repeindre son appartement à 3h du matin, exigeant qu’il aille immédiatement acheter un pot de peinture. Conciliant, il s’exécute et fini en prison après avoir brisé une vitrine de supermarché pour s’en procurer un…). Après l’avoir lâchement largué, Tatiana, culottée, souhaite dorénavant recommencer leur histoire. Mais Gérard lui s’en fout, il a trouvé l’amour… de Mademoiselle Gauthier. Un amour impossible mais qui justifie le maintien de Gérard au sein du collège. Tatiana aura beau pleurer, Gérard a désormais trouver sa déesse en la personne de Mathilde.

Toutank est là... tout va bien se passer, ou presque.
Toutank est là… tout va bien se passer, ou presque.

Il faut attendre l’épisode n°5, « Le pharaon », pour que les choses sérieuses commencent. L’arrivée de l’élève déguisé en pharaon marque visuellement la première véritable situation surréaliste de la sitcom. Celui qui s’appelait Frédéric, et qui désormais se fait appeler « Toutank », chamboule la fragile harmonie du collège. Anne-Marie tombe immédiatement amoureuse du néo-égyptien, ce qui met hors de lui Monsieur Rambier. Jaloux, le professeur annonce sa démission. Après d’interminables scènes de pleurs dans la classe de Mademoiselle Gauthier, Gérard finit par convaincre le professeur de rester. C’est comme ça au Collège, le bonheur de sa professeur aimée passe avant tout, même si l’amour doit être vécu par procuration.

Mais Toutank ne laisse pas indifférent non plus Mademoiselle Gauthier. Une banale scène de fétichisme de pieds va toutefois mettre les choses au clair. Toutank, massant les pieds de Mademoiselle Gauthier, s’aperçoit que celle-ci a des « pieds de camionneurs » (devant un tel dégoût, il retrouve son français !). Tout le contraire d’Anne-Marie, qu’il va vénérer pour la perfection de ses pieds et tomber amoureux d’elle. Ici, le spécialiste en sitcom sait que c’est JLA, ou du moins son influence directe, qui est à la baguette dans l’écriture de ces épisodes.

Enfin libérée de son chagrin d’amour, Hélène de Fougerolles alias Anne-Marie quitte alors la série, mais revient le temps de deux épisodes, déguisée en égyptienne. Les pensionnaires ainsi que Monsieur Rambier, Fabienne sont persuadés d’avoir des hallucinations, mais c’est bien Anne-Marie qui se ballade « walking like an egyptian » dans les couloirs du collège. L’épisode, clairement sous acide, voit Monsieur Rambier en pleine crise de démence, cassant tout sur son passage.

Tout le monde est blessé : Mademoiselle Gauthier est électrocutée, Monsieur Rambier se prend un bureau sur la tête, Gérard est assommé par une boite de mouchoirs… Monsieur Rambier finit bâillonné alors que le reste de la troupe pleure comme d’habitude.

« Les longues parties de morpions auxquelles ils s’adonnent correspondent plus à des préliminaires sexuels qu’à une simple activité ludique »

Comme on peut le voir, la folie va aller crescendo dans le Collège des Cœurs Brisés. On commence peu à peu à se demander ce que prennent les scénaristes ? On ne saura probablement jamais, mais ce qui est certain, c’est que la qualité de la drogue était au rendez-vous.

On sait s'amuser au Collège.
On sait s’amuser au Collège.

Un peu à la manière du bien nommé programme sous cocaïne Pas de Pitié pour les Croissants, JLA et ses sbires ajoutent aux intrigues improbables toute une palette d’effets spéciaux ringards et de bruitages plus ou moins appropriés. Dans le cadre du Collège des Cœurs Brisés, vous obtenez une sitcom sous acide, qui ferait passer Salut les Musclés et les extraterrestres de la planète Vega pour une vulgaire publicité pour drogues douces.

Apparemment, tout le monde en a profité dans l'équipe.
Apparemment, tout le monde en a profité dans l’équipe.

Ce sont tout d’abord les titres des épisodes qui interpellent. Ils nous indiquent que nous sommes dans une galaxie, lointaine, très lointaine : « La tristesse des torchons de cuisine », « La couleur des traces des pattes du chat sur un sol de ciment frais » ou encore « Le cataplasme de la grand-mère de Melle Gauthier ». D’autres titres d’épisodes jouent par contre la carte de la référence : « Le son du cor fait du corps accord le soir au fond des bois » tiré de la chanson de Charles Trénet, « Le cor ». Un autre épisode titré « Les sanglots longs des couteaux de cuisine » peut faire penser au célèbre poème de Verlaine, Chanson d’Automne. « Elle m’aime, moi non plus » fait bien évidemment référence à Serge Gainsbourg. Enfin l’épisode « Chagrin d’amour toujours » est un clin d’œil au mythique Amour, toujours de Monsieur Girard.

L'ancêtre du bebop ?
L’ancêtre du bebop ?

Il est compliqué dans un simple article sur le Collège des Cœurs Brisés de compiler toutes les situations surréalistes, tous les jeux de mots, toutes les allusions sexuelles imprégnant les 37 épisodes. On prendra quelques exemples. Ainsi, les scénaristes se permettent toutes sortes d’excentricités : ils s’amusent à intégrer le célèbre inspecteur Colombo, ou plutôt Colombobo, un sosie raté pour une pseudo enquête. Dans un autre épisode, ils inventent un auteur, un certain Piottre Berjonick, poète suédois dont la poésie n’a de suédois que le nom.

Colombobo dans le Collège. Et pourquoi pas ?
Colombobo dans le Collège. Et pourquoi pas ?

Dans l’épisode « Un orage d’enfer », un vieux monsieur se faisant appeler Noé (qui est en fait un fou tout droit sorti de l’asile d’à côté) annonce l’apocalypse et demande au collège de fournir un couple pour son arche. Monsieur Rambier accepte de venir avec Mademoiselle Gauthier mais est terrifié par les coups de tonnerre. Il se rend compte que sa peur est normale : « Au Collège des Cœurs Brisés, on n’a pas peur de l’orage, mais des coups de foudre ! » (Si ce genre de blague vous fait rire, n’hésitez pas à consulter).

C’est surtout avec le personnage de Gérard qu’on a l’occasion d’entendre toute une série de jeu de mots foireux que même le Jamel Comedy Club n’oserait pas de nos jours. Petit florilège : « Ce que disaient pour draguer les pharaons : Tout en canon » ; « Tu sais pourquoi j’aimerais que Monsieur Rambier aille en Australie ? Parce que je l’abhorre et il gène. »

Entre le Collège et l'asile de fous, il est souvent difficile de trancher.
Entre le Collège et l’asile de fous, il est souvent difficile de trancher.

Autre situation et jeu de mots incroyablement con : Mathilde pleure parce que François compose. Elle a en effet interprété « la mi la do ré fa# » en « L’ami adoré, Fabienne ». Du coup, elle est jalouse. Et elle pleure, et s’essuie avec une éponge pour remplir ensuite des sceaux entiers de larmes.

Le Collège est aussi et surtout une sitcom qui regorge d’allusions plus ou moins directe au sexe. Rien que le titre de l’épisode « Ursule qui recule » est un hommage indirect à la sodomie.

Foot festival dans le Collège. Les amateurs des pieds seront ravis, surtout ceux de Nathalie Dudeck.
Foot festival dans le Collège. Les amateurs des pieds seront ravis, surtout ceux de Nathalie Dudeck.

Le fétichisme des pieds cher à Jean-Luc Azoulay est plus jamais à l’honneur. On ne compte plus les plans sur les pieds d’Hélène de Fougerolles et de Nathalie Dudeck. Si les pieds de Dominique Pivain sont moqués, on a néanmoins l’honneur de la voir se trémousser dans des robes ultras moulantes à longueur d’épisodes.

Quant à Monsieur Rambier, il est définitivement l’être le plus pervers d’AB. Loin d’être insensible aux charmes des jeunes filles, il tombe amoureux à quasi chaque épisode, surtout des nouvelles collégiennes. Il tombe même sous le charme de la muette, c’est dire la faim qui habite ce professeur.

De quoi donner à JLA une demie-molle.
De quoi donner à JLA une demie-molle.

Mais c’est sa relation avec Mademoiselle Gauthier qui est singulièrement perturbante. Outre les« Oh François, oh Mathilde », les deux tourtereaux ont des pratiques assez spéciales. Les longues parties de morpions auxquelles ils s’adonnent correspondent plus à des préliminaires sexuels qu’à une simple activité ludique.

Il est pas net ce Monsieur Rambier. De nos jours il serait en taule depuis longtemps.
Il est pas net ce Monsieur Rambier. De nos jours il serait en taule depuis longtemps.

En outre, Mademoiselle Gauthier passe ses journées en extase devant lui, n’hésitant pas à demander de la punir quand elle fait mal quelque chose. On n’ose imaginer ce qu’il se passe entre eux une fois la porte du bureau fermée…

Mais attention, il ne faudrait pas prendre le Collège des Cœurs Brisés pour une vulgaire communauté hippie où la sexualité est libérée. Par exemple, l’homosexualité, jamais directement évoquée, est jugée « contre-nature » lorsque Gérard voit Sylvie faire du bouche-à-bouche à Mademoiselle Gauthier.

On ne sait si c'est un effet d'optique dû à la forme du pantalon, ou si Monsieur Rambier en a tout simplement une énorme, mais c'est chaud là. Même Guillaume l'a remarqué. Anthony Dupray likes this.
On ne sait si c’est un effet d’optique dû à la forme du pantalon, ou si Monsieur Rambier en a tout simplement une énorme, mais c’est chaud là. Même Guillaume l’a remarqué. Anthony Dupray likes this.

L’épisode n°27 « Le rapt » est un autre exemple édifiant du rapport entre AB et l’homosexualité : une nouvelle pensionnaire, jouée par Marie Roversi avec son air de shootée éternelle, vient au collège car son homme est parti avec un autre homme. Quand les autres pensionnaires l’apprennent, Hélène de Fougerolles prononce un « C’est dégouuuutant ! », suivi d’une scène entière dans la chambre des filles où elles imaginent les sévices corporelles à lui infliger avant de tuer cet autre homme.

De quoi éveiller certains soupçons.
De quoi éveiller certains soupçons.

Ainsi, puisse cet article convaincre les amateurs de sitcoms AB de jeter un œil nouveau et avisé sur le Collège des Cœurs Brisés. La sitcom, longtemps considérée comme irregardable, commence à être reconnue comme il se doit : une production de toxicomanes, un ovni, probablement un des plus gros « WTF » de la télévision du XXème siècle. Elle fait partie de ces œuvres dont on ne saurait dire si c’est une véritable abomination ou du génie. Probablement les deux en fait.

Le Collège a laissé de lourdes traces pour les comédiens ayant participé à l’aventure avec des fortunes et des destins divers. On a pu revoir récemment Dominique Pivain dans la nouvelle formule du Juste Prix tandis que Franck Jolly a rebondi dans les fictions TF1 et a été vu dans quelques magazines people bas de gamme. C’est déjà ça.

Le genre de scène qui peut prêter à confusion.
Le genre de scène qui peut prêter à confusion.

Du côté des élèves, on connaît tous la suite pour la Fougère. Nathalie Dudeck a continué l’aventure AB en intégrant l’épopée de Premiers Baisers, avant de s’évaporer définitivement. Fabrice Josso est bien présent dans la fin d’Hélène et les Garçons, mais son personnage n’a pas passé le cap du Miracle de l’Amour. Frédéric Lachkar a eu la bonne idée de quitter le navire et a poursuivi une remarquable (si, si) carrière en Italie dans le théâtre. Muriel Deantoni s’est reconvertie dans la restauration. Pour finir Guillaume Robins s’est… on en sait rien en fait, et on s’en fout un peu.


 

Notes :

1- Benjamin Fau Nils C. Ahl (dir.), Dictionnaire des séries télévisées, Éditions Philippe Rey, Paris 2011.
2- A ce propos : http://heleneetlesgarcons.actifforum.com/t2555p105-le-college-des-coeurs-brises
http://www.sitcomologues.com/t1246p60-le-college-des-coeurs-brises
3- A consulter ici : http://www.sitcomologues.com/t1246-le-college-des-coeurs-brises
4- http://la-philosophie.com/nietzsche-oubli-condition-du-bonheur
http://la-philosophie.com/eternal-sunshine-spotless-mind-analyse
5- Pour en savoir plus sur Yves Pirès, lire l’excellente interview : http://www.uneidole.fr/yves-pires-decorateur-papa-cafet-sitcoms-club-dorothee/
6- Nathalie, donne nous vite de tes nouvelles, merci.
7- http://www.glamourparis.com/culture/nos-series/diaporama/stars-des-series-ab/7083/image/478497#!helene-de-fougerolles
8- Le site officiel, à lire, un soir de déprime : http://www.fabricejosso.com
A noter que Fabrice a eu son heure de gloire avec le titre « Rémi sans Famille » en 1981 : http://www.bide-et-musique.com/song/4079.html
9-Franck Jolly avec Elsa.
10- Si l’on en croit le très renseigné site animeguides : http://animeguides.free.fr/series/collegecoeursbrises/listing.htm

Discussion2 commentaires

  1. DisneDenisNesdi

    Ça donne envie de s’y intéresser cet article. Mais de ce que j’ai essayé de regarder je suis de l’avis du sondage que vous montrez : c’est bien l’une des pires séries AB, du moins à première vue.

    En fait, ce qui rebute immédiatement de nos jours c’est l’esthétique hideuse, la qualité d’image extrêmement datée même pour l’époque, les couleurs et l’ambiance. Même Salut Les Musclés est plus joli à regarder, et c’était déjà bien laid.

    Ce qui est fou, c’est qu’à la même époque AB savait quand même faire des choses de meilleures qualité niveau image, lumières, décors etc., ils avaient le matériel, donc on se demande si ce n’était pas un choix que de faire un truc aussi mauvais, une volonté de rebuter le téléspectateur ordinaire, comme pour ne réserver la vraie saveur de la série qu’à quelques initiés sachant passer outre les apparences…

    Bref, ça ne fait pas rêver à première vue et avec des histoires aussi bizarres et une réalisation au rythme étrange on a vite fait de zapper sans regret. Regarder un épisode entier est une sorte d’exploit, effectivement. À moins d’avoir lu un article comme celui-ci ou d’avoir été initié directement par un bon sitcomologue éclairé et assermenté et de savoir qu’il y a des choses intéressantes à analyser.

  2. DisneDenisNesdi

    Update de mon ancien commentaire :

    Par besoin de rigueur et d’honnêteté intellectuelle j’ai pris le temps de regarder l’intégralité de la série, mettant de côté mes à priori. Résultat : Le Collège a un fan de plus !

    En effet, les choses qui m’apparaissaient comme des défauts au départ se révèlent être des qualités. Mon jugement était trop superficiel, je n’avais pas fait l’effort d’aller au delà des apparences.

    Aujourd’hui, donc, je peux dire que cette série est géniale.
    Ce n’est ni la pire sitcom AB ni la meilleure mais juste la plus fascinante et originale. En tout cas elle mérite qu’on s’y intéresse.

    Elle a juste contre elle le fait qu’elle demande un vrai investissement de la part du téléspectateur, c’est a dire qu’il faut vouloir sincèrement accepter le concept en plus d’abdiquer complètement tout jugement rationnel pour l’apprécier. À cette condition elle se révèle plaisante et amusante. Sinon, évidemment, en gardant un jugement de valeur basé sur des séries plus conventionnelles on la trouvera totalement consternante mais ce serait faire une erreur.

    Apparemment, la plupart des gens en sont resté à ce jugement classique si l’on en croit la majorité de critiques et le peu de vues des vidéos sur Youtube comparé aux autres séries, dont certaines vidéos font plus de vues en quelques jours seulement après publication que l’intégralité du Collège depuis 3 ans (les épisodes du Collège font à ce jour seulement 2 000 vues en moyenne après 3 ans de diffusion. Par comparaison, les épisodes des Années Fac publiés récemment ont déjà fait 4 000 vues en 2 semaines…).

    C’est donc une série exigeante dans le sens où peu de gens ont eu et auront l’envie d’en accepter l’ambiance particulière, parce que ça demande effectivement un certain effort quand on a tendance à être critique.

    Déjà il faut renoncer à l’idée même qu’il y aurait un bon ou un mauvais jeu d’acteurs parce que soit disant « surjouer » la comédie serait inférieur et vulgaire par rapport au fait d’être crédible et « réaliste ».
    On est ici en présence d’une sitcom proposant quelque chose de tout à fait à part et où les notions de « normalité » et d’académisme n’ont pas lieu d’être. Et dans ce contexte particulier, tous les acteurs de cette série sont exceptionnels. Ils ne jouent pas « mal » et ne font pas « n’importe quoi » mais au contraire font vivre avec brio leurs personnages délirants. Parce que ce sont justement de bons acteurs. Ils offrent tous une prestation magnifique.

    Il est assez étrange que même les amateurs de sitcoms AB soient critiques vis à vis du jeu des acteurs du Collège, ils devraient être habitués aux délires du genre et ne pas juger la qualité de ces séries sur des critères « sérieux » réservés aux snobs qui ne jurent que par le réalisme en comédie.

    Alors oui, certains gags sont vraiment trop répétitifs et lourdingues (les « François… Mathilde » trop souvent répétés deviennent vite fatigants voire insupportables…) mais dans l’ensemble les situations fonctionnent parfaitement grâce au talent des acteurs.

    Quant à l’ambiance en général, on s’aperçoit que malgré l’aspect plus ou moins « ringard », terne et sans ambition que l’on peut voir au premier abord, une vraie finesse artistique a en réalité été apportée à cette série. L’agencement des couleurs et les lumières, une fois qu’on s’y est habitué, se révèlent être magnifiques et très plaisants. Il se pourrait même qu’en fait ce soit la plus belle sitcom AB au niveau visuel. Une vraie oeuvre d’art.

    Bref, on se félicite d’avoir enfin mieux regardé cette série et d’y avoir trouvé des qualités insoupçonnées.

    On n’en finira donc jamais de s’émerveiller du génie AB, qui offrait le meilleur du meilleur même là où l’on ne voyait aucun intérêt de prime abord.

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