Pour Etre Libre, quand l’univers AB rencontre celui des boys band

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« Cette sitcom est une véritable bible pour moi. Au fur et à mesure des années, son message mystique est devenu de plus en plus évident à chaque visionnage. Les trois Apôtres ont su réveiller en moi une fibre de foi transcendante. »
Kobal de Nanarland, docteur en toubifrisme.

En 1997, l’épopée des années sitcoms AB entre dans une phase de déclin, d’un point de vue quantitatif mais pas qualitatif. Alors que la série ensoleillée des Vacances de l’Amour s’impose progressivement comme la nouvelle référence des créations de Jean-Luc Azoulay, une certaine Ariane Carletti prend les commandes, avec deux sitcoms à l’univers diamétralement opposé mais au thème commun : raconter les aventures d’« artistes » dans un univers typiquement AB. La première sitcom de ce type est la très underground École des Passions. La série a ses qualités, notamment pour avoir fait découvrir l’excellent Benoît Solès, mais les histoires des jeunes théâtreux ne trouvent pas leur public et la sitcom échoue sur France 2, dans l’anonymat le plus total.

Pas minés par cet échec, Ariane Carletti et Jean-Luc Azoulay se lancent dans un autre projet : celui de raconter la vie du groupe le plus hype du moment, les 2be3. La rencontre entre le phénomène des « boys band » et la société de production la plus cheap de France est sans aucun doute le projet le plus farfelu des années 90. C’est surtout le dernier grand succès médiatique pour Azoulay, l’ultime réussite d’une production AB sur TF1.

L’histoire musicale du début des années 90 a vu l’émergence de courants importants et la naissance de nombreux groupes : le grunge, la fusion, la techno, le rock industriel, la Brit Pop, la dance, ainsi que la déferlante hip hop, qui explose les charts. Mais le vrai phénomène des années 90, c’est un retour, celui des « Boys Band », un « genre » revenu des années 80 qui écrase les ventes et contamine toute une génération.

« Les 2Be3 grandissent à Longjumeau, dans l’Essonne. C’est pendant son enfance que Frank Delay rencontre Adel Kachermi. Plus tard, au collège Louis Pasteur de Longjumeau, ils font tous les deux la connaissance de Filip Nikolic. Passionnés tous les trois de sport et de danse, ils deviennent inséparables. C’est à cette période qu’ils ont le projet de réussir ensemble en créant un groupe de musique et de danse »

Le groupe culte de toute une génération.
Le groupe culte de toute une génération.

Comme toujours en matière de musique, c’est avec un peu de retard que la France adhère à la folie boys band. Et pour ne pas faire comme tout le monde, c’est avec un groupe déjà à part que les Français découvre les joies des chorégraphies musclées sous fond de dance musique : les 2be3. Ce trio au nom philosophico-comique connaît un succès phénoménal avec le titre Partir un jour, qui dépasse les 800 000 ventes. Le groupe entraîne dans son sillon les mythiques Alliage et G-Squad. On assiste alors à une orgie de clips aux chorés cheap et à une série de concerts dégoulinant de muscles, couvert par les hurlements de jeunes adolescentes hystériques. Une gloire quasi comparable à celle des groupes de rock des sixties.

Comment, dans un tel contexte, l’univers d’AB et celui des boys band ont-ils pu se rencontrer, et produire la série la plus nanardesque de tous les temps ?

Tout n’avait pas bien commencé pourtant. Comme le rappelait une ancienne journaliste de Télé Club Plus, Jean-Luc Azoulay n’avait pas pris en compte immédiatement le phénomène boys band : « Dans notre journal, on parlait des séries AB et des chanteurs AB. On a eu du mal à parler d’autre chose et on a même failli louper la vague des boys bands parce qu’ils préféraient mettre Christophe Rippert sur 4 pages, voire 8, plutôt que de faire un papier sur les Worlds Apart ou n’importe qui d’autre. »

Quand les deux phénomènes majeurs des 90's se rencontrent.
Quand les deux phénomènes majeurs des 90’s se rencontrent.

Il faut donc attendre l’année 1997, c’est-à-dire l’érosion des productions AB, pour que JLA et son équipe comprennent que les « stars AB » ne font plus recette. Les albums de Christophe Rippert et d’Anthony Dupray ne se vendent plus. Hélène est à bout de souffle. Il faut du sang neuf. Quoi de mieux que les sympathiques 2be3, dont la genèse de leur formation semble avoir été conçue par un scénariste d’AB Prod’ sous l’effet du crack : « Les 2Be3 grandissent à Longjumeau, dans l’Essonne. C’est pendant son enfance que Frank Delay rencontre Adel Kachermi. Plus tard, au collège Louis Pasteur de Longjumeau, ils font tous les deux la connaissance de Filip Nikolic. Passionnés tous les trois de sport et de danse, ils deviennent inséparables. C’est à cette période qu’ils ont le projet de réussir ensemble en créant un groupe de musique et de danse. Ils ne se doutent pas, alors, du succès qui les attend. »

Flairant le bon coup, JLA et sa collaboratrice Ariane contactent les 2be3 afin de réécrire l’histoire des 2be3, sous le prisme du modèle AB. Dans une interview accordée à un membre du forum de Nanarland, Adel raconte le making-off de la sitcom : « Jean-Luc Azoulay nous a dit : « Je veux faire un sitcom avec vous sur TF1 et je voudrais qu’on écrive ensemble. Je veux m’inspirer de votre histoire, de votre parcours. » Du coup on s’est vu pendant une semaine tous les jours, on a raconté pendant les déjeuners, les dîners, tout notre parcours. Les scénaristes prenaient des notes. »

« Dans la sitcom, il y a 70% de vrai et le reste c’est de la fiction… d’ailleurs ces salopards, ils ont fait venir des ex à nous pour jouer »

Imaginons un instant la scène : Adel, Filip et Frank narrant les anecdotes de leur vie en banlieue, à Longjumeau, devant des scénaristes d’AB Prod en transe. C’est de cette matière brute, transformée, torturée par l’esprit de JLA, que voit le jour Pour Etre Libre, l’histoire de la création du plus grand boys band de notre histoire nationale. Et de cette rencontre, il y a, d’après Adel, « 70% de vrai. Le reste c’est de la fiction. »

Difficile de pas flipper à l'idée de voir des scénaristes d'AB s'emparer sa propre vie.
Difficile de ne pas flipper à l’idée de voir des scénaristes d’AB raconter ta vie.

Car Pour Être Libre est bien davantage un défouloir pour l’imagination sans limite de JLA et ses sbires, plus qu’un réel docu-fiction. Une sorte de best-of de ce qu’ont pu donner les sitcoms AB : un recyclage de scénarios, de comédiens, de décors. Mais il y a une fraîcheur inédite dans ce cocktail improbable. Les 2be3 appliquent sans le savoir, à la lettre, la théorie du bon comédien made in AB : de la naïveté, du naturel et un « physique ». Frank, Filip et Adel, malléables à souhait, vont ainsi parfaitement s’acclimater au style sitcom AB, tout en subissant les conséquences parfois néfastes : « Pour enjoliver nos vies, ils ont inventé les histoires avec les filles… d’ailleurs ces salopards, ils ont fait venir des ex à nous pour jouer. » Pour le dire autrement, les dommages collatéraux d’une collaboration avec JLA.

Car là est le revers de la médaille avec JLA : capable de tout offrir à ses comédiens, en retour, il faut accepter que sa propre vie soit profanée, maltraitée et portée à l’écran.

On se lâche du côté de chez AB avec des guests de qualité (ici, Corty).
On se lâche du côté de chez AB avec des guests de qualité (ici, Corty).

Toutefois, Adel raconte que JLA n’avait pas pensé immédiatement aux 2be3 pour sa sitcom : « JLA voulait absolument faire une sitcom autour de boys band, et il a pas pensé à nous tout de suite. Il voulait prendre des vrais comédiens et voulait faire un truc à la Fame, à la Un dos tres. On s’est rencontré par hasard, et il nous a fait quand même des essais. Et pour TF1 c’était génial : du coup on était tous les soirs à la télé, ça nous a fait une promo d’enfer. » Ce dernier argument a donc probablement scellé le destin des 2be3 : le salut (et la promo) doit passer par TF1 et son sous-traitant AB Productions. Christophe, Anthony, Sébastien sont « out of the game », vive désormais les 2be3 !

De Longjumeau à la Seine-Saint-Denis

Entre les 2be3, l'amitié est virile à tendance homo-érotique.
Entre les 2be3, l’amitié est virile à tendance homo-érotique.

Dans les diverses biographies qui pullulent encore sur le net, tout semble concorder. C’est bien une histoire d’amitié qui fonde le groupe. Une typique camaraderie entre bad boys de cité : « To be free, « être libre », est la première pensée fédératrice entre Adel, Frank et Filip. Les trois garçons qui traînent dans les rues de Longjumeau se réunissent autour de cette idée qui devient le nom de leur groupe. Tout a pourtant plutôt mal commencé, car si Frank et Adel sont déjà amis de longue date, la rencontre avec Filip a été on ne peut plus mouvementée et a failli tourner à la bagarre. Elle a lieu au collège Pasteur, où Filip fait les quatre cent coups et a une réputation de bagarreur. Il s’en prend un jour à Adel, essayant de faire tomber celui-ci tandis qu’il descend les escaliers. Furieux, Adel va voir Filip le lendemain et veut le corriger, mais des copains interviennent et les séparent. Comme bien souvent dans ce genre de situation, le respect mutuel échangé par ceux qui ne se laissent pas faire se transforme en amitié. Quelques temps plus tard, Adel présente Frank à Filip, le trio est né. »

D'abord une belle histoire d'amitié.
D’abord une belle histoire d’amitié.

On comprend donc que c’est la connerie de Filip qui a provoqué le début de l’histoire du trio de Longjumeau. Dans l’histoire des 2be3, la commune du département de l’Essonne tient une place primordiale : « Longjumeau n’est pas une ville très stimulante, Filip la décrit comme une « banlieue pourrie ». Faire du sport, se défouler en salle de gym, écouter de la musique, sortir entre copains, courir les filles restent leurs principales occupations. Ils ont quinze ans lorsqu’ils découvrent l’association « Concept of Art », qui encourage les jeunes en mal de vivre à ne pas choisir la voix de la délinquance mais à s’investir dans des activités artistiques. Les trois amis y adhèrent et font ce qui leur semble le plus naturel : chanter. C’est ainsi que naît To be Free, qui est alors composé de cinq membres : Adel, Filip, Frank, mais aussi Judy et Sammy, deux copains danseurs qui abandonneront bientôt le groupe pour tenter leur chance en solitaires. La perte est dure à digérer pour nos trois héros, mais ils décident de continuer. A force de travail et de volonté, ils parviennent à monter un spectacle unissant le chant et la danse (rap, street, break, danse acrobatique). La formule est bonne et la mairie de Longjumeau les encourage en organisant des concerts en France, en Allemagne et au Portugal, réunissant plusieurs milliers de personnes. »

« La maison de disques EMI cherche des garçons pour monter un groupe »

L’histoire est belle et va plaire aux producteurs parisiens : des jeunes de banlieues qui préfèrent chanter, danser plutôt que de sombrer dans la délinquance. Mieux que le socialisme mitterrandiste désuet de la sitcom Seconde B, c’est la win attitude des 2be3 qui va s’entendre à la perfection avec l’esprit d’AB prod. Le succès pour le jeune trio est presque immédiat : « En 1996, Julien Courbet et son émission, « Si on chantait », organise un concours de mannequin sur TF1. Adel et Filip y participent et se font immédiatement remarquer par un chorégraphe ayant ses entrées dans le monde du spectacle. Frappé par leur beauté et leur talent, il leur confie que la maison de disques EMI cherche des garçons pour monter un groupe qui pourrait faire concurrence au Worlds Apart. Emballés par l’idée de se faire entendre, Adel et Filip en parlent à Frank et prennent le chemin du bureau du directeur artistique d’EMI. Ils sont prêts à faire des concessions, et n’ont qu’une seule condition face à cet homme qui représente leur avenir : ils veulent rester ensemble. Cette amitié qui sait rester fidèle et pure en toutes circonstances est aussi l’une des clés de leur succès parce qu’elle les rend authentiques. Quelques signatures plus tard, les To be Free sont devenus les 2be3. L’aventure commence. »

Voilà la clé du succès : l’authenticité du groupe. Alors qu’en général, les boys band sont des créations artificielles de producteurs par l’intermédiaire de castings, les 2be3 sont eux de vrais amis (et pour imposer Frank à un producteur, il faut une belle dose d’amitié).

« C’est le carton immédiat avec une moyenne de 33 % de parts de marché (soit le meilleur score d’audience des programmes français de l’après-midi de TF1) et 2,7 millions de fans scotché(e)s devant la télé cinq jours sur sept »

L'amitié c'est sympa mais quand est-ce que je commence ma carrière solo moi ?
L’amitié c’est sympa mais quand est-ce que je commence ma carrière solo moi ?

Selon les hagiographes du groupe (c’est-à-dire les attachés de presse), les raisons de la création de la sitcom sont à chercher dans la demande du public : « Les 2be3 se dressent comme le plus adulé des boys band français. Le grandissant courrier qu’ils reçoivent en est aussi une preuve. Pour se rapprocher un peu plus de leurs admiratrices, le groupe a sorti une K7 vidéo intitulée « En coulisses avec les 2be3 » les montrant en dehors de la scène. Mais cela ne suffit pas. Les fans veulent tout savoir de ces garçons bien dans leur peau qui représentent pour la jeunesse le modèle idéal de trois amis qui ont voulu réussir ensemble et y sont arrivés à force de volonté et de travail. Bien qu’ils préparent leur prochain album, pour répondre à la demande des fans, les 2be3 ont décidé de raconter leur histoire épisodes les mettant en scène dans leurs propres rôles. »

Une série sous forme d'alibi pour montrer les 2be3 torse-nu sur TF1.
Une série sous forme d’alibi pour montrer les 2be3 torse-nu sur TF1.

Il est vrai que le contexte des années 90 est à prendre en compte. L’état d’esprit du public n’était pas le même que celui d’aujourd’hui. A l’heure d’internet, on peut tout savoir sur un artiste, un groupe. Le suivre quotidiennement sur les réseaux sociaux. Mais en 1996, les infos sur ses idoles sont rares. On peut lire la presse, acheter la VHS officielle, coller des vignettes sur les mythiques albums Panini. Mais pour vraiment connaître ses stars, quoi de mieux qu’une série ? JLA a encore une fois compris son époque et lance son projet sur la première chaîne, à une heure de grande écoute : « 40 épisodes diffusés sur TF1 du lundi au vendredi à 18 heures. Le sujet : la vie des trois chanteurs-danseurs légèrement romancée. C’est le carton immédiat avec une moyenne de 33 % de parts de marché (soit le meilleur score d’audience des programmes français de l’après-midi de TF1) et 2,7 millions de fans scotché(e)s devant la télé cinq jours sur sept. »

« Les bases de la série sont posées avec cette première scène : Filip ne pense qu’à tirer son coup… »

Pour Être Libre est d’abord une sitcom estivale. Tout commence dans la salle de la MJC, alors que nos trois héros, bac en poche, se préparent à passer des vacances tout en ayant le projet de monter un groupe : « On part ensemble en Angleterre, on pourra répéter là-bas. »

Car oui dès le début les choses sont claires. Adel, Filip et Frank ont des ambitions, martelées par le Serbe, véritable leader charismatique : « On va devenir des stars ». On peut y lire notamment une référence à la célèbre formule de Christian d’Hélène et les Garçons. Un Cricri qui, depuis le garage du groupe de rock de Nicolas, haranguait continuellement ses camarades à croire en leur rêve de gloire.

Filip met la pression sur ses camarades. Lui c'est sur, il veut être une star.
Filip met la pression sur ses camarades. Lui c’est sûr, il veut être une star.

Mais alors que Filip compte bien passer du bon temps en Angleterre, il apprend que Frank souhaite emmener sa copine Aurélie avec lui. Le Yougoslave n’est pas très emballé : « Je trouve ça bête de se traîner une fille avec nous pendant les vacances, alors qu’il y en a une centaine qui nous attendent. » Frank tente alors de recadrer son ami, non sans lui faire remarquer que les plages à Londres, c’est comme à Paris, ça n’existe pas (Bertrand Delanoë n’a pas encore été élu) : « Attends Filip, je te préviens tout de suite, on va pas passer notre temps sur la plage. Il y a plein d’endroit à visiter en Angleterre : Oxford, Cambridge, et puis The British Museum. » Puis c’est au tour d’Adel d’arriver, pour annoncer une terrible nouvelle qui va changer la vie du groupe : « Il n’y a pas de solution, je reste ici. Jusqu’à aujourd’hui, je ne réalisais pas l’effort que ça représentait pour les miens. Pour moi c’est clair, si pour que je parte en vacances, mes parents doivent se priver, je ne pars pas. »

Les bases de la série sont posées dès cette première scène : Filip ne pense qu’à baiser. La petite amie de Frank est un boulet. Frank est censé être l’intello de la bande (un potentiel comique de haut niveau). Quant à Adel, il représente en quelque sorte la caution morale et sociale : l’arabe a des valeurs familiales, il doit bosser, quitte à énerver un Filip ultra excité, fainéant et égocentrique.

Ce type veut te faire visiter des musées.
Frank, le mec qui kiffe grave les musées.

Finalement, aucun des garçons ne pourra partir des vacances. C’est Frank qui abandonne le premier, dans une conversion toubifriste fondatrice :

Frank : – « Aurélie a foiré ses exams, et elle est obligée de rester pour réviser, mais j’peux pas la laisser.
Filip : – Attends, c’est quoi cette variante (sic) Frank ? Rêver aussi longtemps des vacances, pour que quelques heures avant le départ tout foire, tout tombe à l’eau… j’halluciiiine.
Frank : – Qu’est-ce que tu veux… C’est le destin. Personne allait prévoir qu’Aurélie allait louper ses exams.
Filip : – Les filles en Angleterre, il y en a au moins 30 millions (sic). Alors si t’enlèves, les vieilles, les moches et celles qui sont déjà prises, il en reste au moins un million, alors j’vais dire, on a de quoi occuper nos vacances. T’es prêt à sacrifier tes vacances pour une fille… et puis vous êtes pas vraiment pas ensemble. (comprendre : vous ne couchez pas, ndlr).
Frank : – Aurélie et moi on prend notre temps.
Filip : – Bon ok, on part pas en vacances mais on va en profiter pour faire des chorégraphies en béton. On va faire parler de nous, on va devenir des stars !!! »

« Ça s’enchaînait continuellement. La promo, des émissions télé le soir… Souvent on apprenait le scénario le matin… »

Dans ce premier épisode, le non départ en vacances pousse le groupe de la MJC de Longjumeau à quitter définitivement l’univers de l’adolescence pour se lancer concrètement dans une carrière de danseurs. De son côté Adel doit trouver un job : ce sera celui du garagiste chez Monsieur Laplace. Ce nom, si familier pour les amateurs de sitcoms AB, est pour la première fois un personnage visible à l’écran (pensons au fameux Monsieur Laplace des Filles d’à Côté, le patron de Gérard, ou l’homonyme directeur de la salle de sport des Années Fac). Adel parvient à décrocher le taf, suite à l’échec de l’entretien de Bruno, son pote. Un gros et loser absolu, qui préfère consacrer son été à un grand tournoi de baby-foot qu’à jouer l’apprenti garagiste.

Laurence, Monsieur Laplace et Adel, l'autre trio improbable de la série.
Laurence, Monsieur Laplace et Adel, l’autre trio improbable de la série.

Mais c’est surtout grâce à Laurence, sa petite amie incarnée par la plantureuse Carole Dechantre, que Adel a l’immense honneur de bosser pour Monsieur Laplace, alias Eddie, ancien chanteur des « Chaussettes Rouges », groupe fictif de rock dans les années 60, dont la référence a peut-être échappé à une bonne partie du (jeune) public.

Lors des premiers épisodes, le style, la patte, l’esprit 2be3, s’imposent. Dans la veine de la sitcom Elisa un Roman Photo, Pour Être Libre est accompagnée d’une sélection de musiques électro, censées appuyer les scènes, selon qu’elles soient sous haute tension ou dans le registre comique. Le rythme est ultra rapide, les gags s’enquillent dans une ambiance qui fleure bon le surréalisme et le psychédélisme. Les rires enregistrés sont omniprésents, contrairement à la dernière génération des sitcoms AB.

Adel en a eu vite plein le cul des tournages.
Adel en a eu vite plein le cul des tournages.

Accumulant les épisodes, les 2be3 connaissent les joies du tournage industriel propre à AB Productions. Adel se souvient encore de cet aspect pénible de la vie de sitcomédien : « Le script, je m’en rappellerais toute ma vie…. c’était infernal. Le rythme ? On tournait la série pendant qu’on était en train d’enregistrer le deuxième album. A côté de ça, quand moi je ne tournais pas une scène, il y avait toujours un journaliste ou un photographe pour faire des interviews, prendre des photos. Ça s’enchaînait continuellement. La promo, des émissions télé le soir… Souvent on apprenait le scénario le matin même. »

« Tous nos copains ont tourné dans la série »

Le fan de sitcoms AB de base ne sera toutefois pas dépaysé par l’effet toubifree : tous les ingrédients de l’univers AB sont bien présents. De ce fait, les aventures du trio semblent la plupart du temps irréelles, comme plongées dans un univers intemporel dans lequel Jean-François Porry est le Dieu créateur et absolu. Seule grande nouveauté dans la géographie AB, le décor de la MJC, inédit mais obligatoire : c’est l’élément primordial de la création du groupe. Du coup, chose rare chez AB, la MJC offre une galerie cosmopolite de figurants et de personnages secondaires. Adel, seul vrai « arabe d’AB » avec Momo de l’École des Passions, confie d’ailleurs que beaucoup de monde présent sur le tournage appartient à l’entourage des 2be3 : « Tous nos copains ont tourné dans la série. Il y a aussi le frère de Filip. Il est rentré parce qu’il faisait partie de notre histoire. Il était danseur hip hop. Comme on dansait beaucoup, il est intervenu. On avait un copain Rachid, l’épicier de la série. Lui c’était un vrai épicier. David aussi, qui faisait du Viet Vo Dao avec Frank, du coup on l’a pris. C’est des petits détails comme ça. »

« Avec les parpaings et les planches, on se fait une bibliothèque »

Frank réfléchissant à comment mettre en valeur sa collection de La Pléiade dans sa nouvelle bibliothèque.
Frank réfléchit sûrement à comment mettre en valeur sa collection de La Pléiade dans la nouvelle bibliothèque.

Pour monter leur groupe, provisoirement nommé « Pour Être Libre », les garçons doivent trouver un lieu où dormir (et niquer). Dans le monde merveilleux de Bonheur City, on trouve toujours des gentils propriétaires qui offrent un loyer pas cher (on pensera à la maison du Miracle de l’amour ou au studio des Années Fac). La règle ne fait pas exception ici. C’est encore grâce à Laurence que les garçons peuvent prendre un super appart. Frank en est tout joyeux : « 2000 balles par mois, charges comprises… Oh la la, avec les économies des vacances, ça va le faire. Avec les parpaings et les planches, on se fait une bibliothèque. » Oui vous avez bien lu, une bibliothèque pour les 2be3. Le foutage de gueule des scénaristes n’est jamais bien loin quand Frank récite son texte.

Dans le trio infernal, c’est Filip qui s’impose comme le meneur, dans la vie comme dans la série. Il est peut être pertinent de prendre en compte les origines serbes pour saisir l’homme et ce fort caractère. Un Filip fier de ses origines, qui n’a jamais cherché à franciser son prénom : « Arrivés dans les années 70 en France, le père de Filip, Codé, et sa mère, Salinka, s’installent à Longjumeau. Malgré cette migration, Filip connaît parfaitement ses racines, puisque à neuf ans, en ayant assez de la France, il passe deux ans chez sa grand-mère, à une centaine de kilomètres de Belgrade. Il y obtient l’équivalent du CP et du CE1 et s’inscrit dans une école de folklore slave. Filip maîtrise d’ailleurs parfaitement le serbo-croate et le roumain, et comprend le russe. »

En outre, durant son enfance, Filip est le seul de la bande à ne pas avoir grandi dans un milieu modeste. Il l’admet lui-même dans une vieille interview, avec une franchise tout à son honneur : « J’ai toujours eu tout ce que je voulais, en particulier grâce à mon oncle avocat. Aujourd’hui j’entends partout les gens dire que je suis un frimeur qui dépense beaucoup d’argent, mais j’ai toujours été comme ça ! J’avais déjà eu droit à une grosse voiture avant les 2be3. »

« Un jour, il tombe dans la cuve des toilettes en jouant à cache-cache »

Bling bling, vantard et excessif, Filip l’a toujours été, bien avant le succès des 2be3 : « Durant son adolescence, Filip se montre turbulent. A tel point qu’un jour, il tombe dans la cuve des toilettes en jouant à cache-cache. Sa forte personnalité va cependant lui servir à savoir exactement ce qu’il veut. Adolescent, il collectionne les titres honorifiques et s’habitue à la scène puisqu’il est champion de danse acrobatique. Puis, en 1994, champion de France de gymnastique par équipe en Nationale 2, et 13e aux championnats de France individuels. Ces réussites lui ont donné une certaine confiance en soi et l’envie d’atteindre des sommets plus escarpés. Sachant voir plus loin, Filip démarche les discothèques et finit par connaître beaucoup de gens naviguant dans ces milieux. Ces contacts et son physique lui permettent de devenir mannequin, puis de participer au concours de Monsieur France 1996. Filip l’emporte devant Frank et Adel. »

Dans la sitcom, Filip est effectivement le plus turbulent. Véritable playboy, il est capable de coucher avec plusieurs filles dans la même journée, tout en s’entraînant comme un diable à danser sur des chorégraphies en « béton ». C’est un battant, qui n’hésite pas à sermonner ses deux potes, surtout Frank, véritable maillon faible du groupe : « Tu sais combien y a de mecs comme nous qui rêvent d’être des vedettes ? Il y en a des millions. Oui on est les meilleurs, mais si on bosse pas on est foutu. »

Filip, souvent dépassé par les femmes.
Filip, souvent dépassé par les femmes.

Mais Filip a ses faiblesses. Les femmes tout d’abord, qui l’épuisent et le mettent dans des situations intenables. Adel l’a dit, des ex sont venues jouer des petits rôles. Dans l’épisode n°32, « Malentendu », une scène est peut être un de ces cas, avec Magalie, larguée dans la série par Filip. La scène d’explication au bar montre une jeune fille, cernée, au bord des larmes, la voix tremblotante, avouant la force de ses sentiments à la star des Balkans, froid comme jamais. La scène est un classique dans une série AB, mais ici elle semble terriblement authentique, ou la « comédienne » est simplement très douée…

En outre, Filip est un branleur. Nullement motivé pour trouver un travail, il a le culot de culpabiliser ses potes, qui eux gagnent leur pain quotidien à la sueur de leur front. Adel en fait les frais quand il obtient le boulot de mécanicien chez Laplace, interdisant de fait les répétitions le matin : « T’aurais pu trouver un boulot où tu commences pas à neuf heures du matin », ose alors ce connard de Filip.

« Filip s’est embrouillé grave avec une comédienne, une petite blonde… Du coup elle a pleuré, ça a cassé l’ambiance, c’était chaud »

Mais ce qui fait de Filip un personnage aussi charismatique, et finalement attachant, est son naturel. Dans la série, il se donne à 100%. Il saute, gesticule, grimace, court, transpire, hurle comme un putois. Sa voix part souvent dans les aiguës, surtout lors de son fameux gimmick « non mais j’halluciiiiiine ». Mais parfois, son « dynamisme » agace sur le plateau, comme l’expliquent ses camarades de tournage dans la VHS officielle des 2be3, trouvable aujourd’hui dans les bonnes brocantes. Le spécialiste en toubifrisme et nanardeur Kobal va dans ce sens : « Sur cette vidéo, on comprend mieux l’expression de chien fou utilisée par Ariane pour qualifier Filip, qui fait vraiment n’importe quoi, embrassant tout le monde, voire papouillant avec insistance Sévy (future femme de Frank, je vous le rappelle), ou bien se la jouant Bruce Lee en hurlant et courant dans tous les sens alors que les gens semblent essayer de bosser. »

Filip entouré de ses pouffes.
Filip entouré de ses pouffes.

Filip semble avoir parfois pété les plombs sur le tournage, comme le confie Adel : « Filip s’est embrouillé grave avec une comédienne, une petite blonde. Je crois qu’il y a une scène où ils s’embrassent, et Filip a peut-être un peu déconné, elle a commencé à l’insulter. Non, il a commencé à l’insulter, Filip… Du coup elle a pleuré, ça a cassé l’ambiance, c’était chaud. »

Malgré son caractère de merde, Filip est de l’avis de tous le moins mauvais des trois. C’est peut-être aussi pour ça qu’il sera le seul à connaître une honnête carrière de comédien.

« Frank, mais qu’est-ce qu’il est abruti celui-là. Je me demande où ses parents ont pris le modèle. Il est grave »

Autre 2be3, autre caractère, celui de Frank Delay. Alors que Filip semble être sous coke à longueur de temps, Frank est l’incarnation de la lenteur. De là à dire qu’il ne sert à rien… Frank a toutefois une qualité indéniable : c’est un élément comique à lui seul, un « malgré lui » de l’humour. Son regard perdu, des mouvements maladroits, ses pantalons en attestent. Avec son charisme d’huître, Frank ne s’impose jamais face à Filip, qui semble parfois le mépriser ouvertement. « Frank, mais qu’est-ce qu’il est abruti celui-là. Je me demande où ses parents ont pris le modèle. Il est grave », s’exclame-t-il, tandis que Frank indique l’adresse de l’appartement aux filles (il va de soi qu’on ne donne pas aux copines officielles l’adresse du baisodrome de Filip).

Frank, l'intello du trio.
Frank, l’intello du trio.

Pourtant, Frank est présenté dans la série comme l’intello du trio. C’est en lisant sa bio que l’on comprend (un peu) pourquoi Frank est présenté ainsi : « C’est Frank qui, après avoir eu son BAC, abandonne ses études et fréquente le théâtre et les milieux artistiques. Il rejoint bientôt une compagnie qui met sur pied une comédie musicale. Il s’embarque avec elle, direction le festival d’Avignon. »

Notre hypothèse sur le pourquoi du Frank « intello » doit s’appuyer sur cette petite phrase biographique d’un site oublié du net. Car à l’écran, si on ne juge que par les apparences, Frank ne paraît pas détenir la lumière à tous les étages. Il a au moins pour lui d’être reconnu dans une discipline, devenant champion d’Europe de Viet Vo Dao en 1992. Un art martial qu’il se plaît à montrer dans la sitcom et au sein des chorégraphies. Néanmoins, on se demandera toujours par quel miracle Frank a-t-il pu devenir danseur, étant donné son manque de grâce, de groove, et tout simplement de talent ?

« Un soir j’étais tellement fatigué que je me suis endormi au volant d’une Twingo, je suis rentré dans un abribus »

Enfin Adel Kachermi est la force tranquille du groupe. D’origine tunisienne, il a grandi comme ses compères à Longjumeau. Comme eux, Adel est un sportif : « Pour passer le temps, Adel s’adonne à tout un tas d’activités sportives. Il pratique les arts martiaux, la gym, la street dance, le hip hop et le break danse. Contrairement à ses amis, il préfère essayer un peu de tout plutôt que de se spécialiser dans un domaine. A seize ans, grâce à toute cette énergie dépensée, Adel est souple comme un chat et arrive déjà à faire le grand écart. Ces aptitudes physiques vont bientôt lui servir au sein des 2Be3. En attendant, Adel achève sa scolarité. Il se montre très doué en dessin et plutôt bon élève dans les autres matières. A la fin de ses études, il est doté d’un BTS force de vente. »

Dans la série, Adel est le plus calme et le plus travailleur. Quand on lui demande si c’est bien le vrai Adel qu’on voit à l’écran, il explique : « Le personnage ? Oui c’était vraiment moi. Mais c’était le moi de 15, 16 ans. Moi je suis assez sérieux, peut-être trop. Mais je pète des câbles des fois. » Toutefois, concernant le job d’été de garagiste, Adel certifie n’avoir « jamais fait du garage. »

Le burn out d'Adel a failli avoir raison de lui.
Les difficiles matins d’Adel chez JLA.

Sur le tournage, Adel a des difficultés à tenir le rythme. Peut-être moins habitué à combiner la fête et le boulot que son camarade Filip, Adel a failli finir en James Dean du pauvre : « JLA avait sa maison au-dessus des studios AB production. Il a vraiment une villa sur le toit des studios. Souvent j’ai dormi chez lui parce que le matin c’était l’enfer. On devait être à sept heures du matin sur le plateau pour se faire maquiller et des fois je voulais pas rentrer. Une fois, on m’avait prêté une Twingo. Le soir en rentrant j’étais tellement fatigué que je me suis endormi au volant. Je suis rentré dans un abribus, la voiture était pliée. Mais je n’ai rien eu de grave. On était vraiment cassé par le rythme mais heureusement c’était de la super bonne fatigue. »

La Poutre des Balkans va encore sévir.
La Poutre des Balkans va encore sévir.

La sitcom ne se repose pas uniquement sur les 2be3. Toute une galerie de personnages apporte à la sitcom une saveur 100% AB dont on se délecte sans honte. Tout d’abord, ce sont les filles qui rythment les aventures des héros. On peut établir deux catégories de nanas : les petites amies et les danseuses.

On passera rapidement sur les petites amies « officielles » de Filip : l’insipide Julia, la fantomatique Karine, la blonde Vanessa et une certaine Magalie (?) Ces filles seront constamment maltraitées par le Casanova Serbe, qui aura au moins la décence de n’offrir aucune MST, même si personne n’en n’aura jamais réellement la certitude.

« Pire encore, on apprend que Frank lit de la poésie. De la POÉSIE, un 2be3… »

Plus intéressante est le personnage d’Aurélie, jouée par l’insupportable Barbara Lardoeyt. La petite amie de Frank semble avoir pour mission d’incarner la petite amie chiante par excellence. Celle qui est jalouse, renfermée, frigide, bref celle qui fout la merde dans un groupe de potes. C’est à se demander si Frank Delay n’aurait pas eu une petite amie de ce genre par le passé…

Aurélie la nana intello de Frank.
Aurélie la nana intello de Frank.

Peu appréciée du reste du groupe, Frank passe son temps à tenter de défendre sa bien-aimée, non sans rappeler un certain Jean-François de Premiers Baisers, maltraité mais amoureux de sa dominatrice. Frank a beau répéter à son pote Filip que « Aurélie n’est pas une fille comme les autres », le Serbe n’a qu’une seule envie, que le couple casse.
Aurélie est d’autant plus imbuvable qu’elle participe à cette incroyable tentative de faire passer Frank pour un intello, à rebours de l’ambiance pouet pouet du reste des personnages de la série. Au programme, des scènes hallucinantes dans lesquelles le couple infernal tient ce genre de discussion : « Moi ce que je trouve bien, c’est qu’avec toi Frank, je peux parler de tout. » Pire encore, on apprend que Frank ne regarde que des films japonais en V.O non sous-titrés (Kenzo Mashira, vous connaissez ? Nous non plus, c’est normal) et qu’il lit de la poésie. De la POÉSIE, un 2be3…
Mais le plus problématique reste pour Filip, l’absence de rapports sexuels entre Aurélie et Frank. Alors que ce diable de Serbe insiste lourdement sur le sujet auprès d’Aurélie, lui demandant d’être « sympa » avec Frank (c’est-à-dire au moins pratiquer le sexe oral), celle-ci se défend : « J’ai pas envie d’être comme toutes ces filles qui font n’importe quoi, de toute façon c’est pas mon style. »

Certes, Aurélie est un glaçon sexuellement parlant, c’est tout à son honneur dans cette série remplie de nymphomanes, mais elle refuse que la moindre fille s’approche de son homme. En proie à une jalousie maladive rarement atteinte dans une série AB, elle pourrit la vie de ce pauvre Frank. La garce en profite pour le mettre dans des situations impossibles.

Franck, sa chieuse et son pantalon de merde.
Frank, sa chieuse et son pantalon de merde.

Quand Frank a un cruel dilemme, obligé de faire le choix entre un concours de danse et un tournoi d’arts martiaux au Vietnam, Aurélie tente d’imposer sa volonté. Elle demande à Frank de prendre la voie du sport en lieu et place d’une hypothétique carrière de danseur. Finalement Frank, bien aidé par ses potes, a le dernier mot : il va poursuivre son rêve et participe au concours. Il déclare alors, euphorique : « Aurélie a compris qu’elle pouvait pas m’empêcher de vivre ma légende personnelle (sic), c’est à dire devenir un artiste quoi. »

Aurélie et Frank, le couple improbable, permet aux 2be3 de vilipender cette caste honnie, les intellos. D’où les nombreuses remarques, moqueries sur leur supposée intelligence. D’où le constat toubifriste, martelé à de multiples reprises : « Qu’est-ce que tu veux, c’est ça les intellos ! »

« Des fois j’avais une semi-érection, j’étais content car je crois que j’avais la plus jolie »

Adel lui a eu l’immense honneur d’avoir la bombe sexuelle Carole Dechantre en petite amie. L’ancienne Emilie Soustal de la Philo selon Philippe joue ici une jeune fille prénommée Laurence, la gentille et douce amoureuse du 2be3. Du coup, c’est probablement son personnage le plus mièvre de sa carrière AB, très loin de ses habituels rôles de garce lubrique. Dommage. Cela ne semble pas toutefois avoir posé de problèmes à Adel, qui raconte ses beaux souvenirs de tournages : « Moi je faisais que de rouler des pelles à Laurence. Moi je savais pas, les acteurs au cinéma ils mettent pas la langue. Mais moi j’arrêtais pas et elle aussi. Et c’était chaud. Des fois j’avais une semi-érection. Parce qu’elle embrassait super bien en plus. Mais elle était pas mal, j’étais content car je crois que j’avais la plus jolie. Elle avait des beaux cheveux, des beaux yeux aussi. »

Le genre de scène où tu sais que Adel a la demi-molle.
Le genre de scène où tu sais que Adel a la demi-molle.

Les sitcomologues n’ont bien sûr pas pu s’empêcher de rapporter les propos d’Adel à Carole Dechantre dans le cadre de son interview pour le site : « Je dois dire que ce personnage m’a un peu emmerdée. Mais la relation avec les 2be3 était amicale. Concernant Adel, je m’entendais très bien avec lui, mais je pense qu’il s’est fait des films tout seul ! Ça ne m’a heureusement pas perturbée. Mais si je l’avais su sur le moment, ça m’aurait choquée ! (rires) Je crois qu’il a confondu réalité et fiction. Je ne suis même pas sûre qu’il sache que je m’appelle Carole… »

Après de nombreux visionnages, on peut confirmer que les scènes entre Carole et Adel ne sont pas du même ordre que les classiques embrassades chez AB : la tension sexuelle y est palpable et les langues sont de sorties

« Une sorte de Spice Girls discount… »

Le groupe des Filles a aussi des chorés en béton.
Le groupe des Filles a aussi des chorés en béton.

De l’autre côté, il y a le groupe des danseuses. Car oui les 2be3 ne sont pas les seuls danseurs de la série : un groupe de 4 filles, une sorte de Spice Girls discount, va entrer en concurrence avec les garçons pour le titre de meilleur groupe de la ville.

Adel nous explique d’où viennent ces filles : « Les danseuses, on les connaissait un petit peu. C’était pas vraiment des comédiennes, mais des vraies danseuses. On faisait appel à elles pour les télés, il y en avait deux qui travaillaient avec nous. Et après on les a gardées. »

Laura, un acting tout en finesse.
Laura, un acting tout en finesse.

Dans ce girl band, c’est Laura qui tient le rôle de cheftaine. Sorte de pendant de Filip, Laura mène ses filles à la baguette, afin de devenir des stars de la danse. D’ailleurs, on apprend qu’elle a vécu une histoire d’amour avec Filip. Une relation qui s’est (forcément) mal finie, car Filip est incapable de vivre en couple : « Laura c’est une fille que j’ai connu il y a deux ans en vacances. C’est une fille sans grand intérêt », affirme-t-il au départ à ses potes. Mais Filip ment, car il a de vrais sentiments pour Laura. Jouée par Glyslein Lefever, Laura représente l’archétype de la danseuse 90’s au look dégueulasse : pantalons, cheveux, maquillage, tout y passe. Toujours motivée pour s’entraîner, elle partage la MJC avec Filip, non sans quelques tensions sur la question des horaires. Les deux ex finissent évidemment par se rapprocher, ce qui entraîne son lot d’embrouilles féminines habituel. Sévy, une des danseuses, étant en effet elle aussi attirée par le beau gosse des Carpates.

Filip semble manifester un certain intérêt pour Sévy.
Filip semble manifester un certain intérêt pour Sévy.

Sévy Villette, tout simplement Sévy dans la série, est la seule danseuse potable du groupe. C’est surtout la femme de Frank Delay dans la vraie vie (elle aura d’ailleurs deux gosses avec le 2be3) ! Cependant, la mettre avec Frank dans la série aurait été trop simple, ce que s’est sûrement dit le machiavélique JLA. Elle est donc amoureuse de Filip, ce qui met ce dernier dans l’embarras vis-à-vis de Laura (difficile dans ces conditions de la sauter). A noter que Sévy a déjà fait quelques petits rôles chez AB, notamment dans les Années Fac, où elle joue le rôle d’une garce qui traite Ary de « moche ». Salope.

Difficile pour Sabine d'être en concurrence avec Carole Dechantre.
Difficile pour Sabine d’être en concurrence avec Carole Dechantre.

Troisième membre, Sabine Petit interprète… Sabine. Blondasse décervelée, à la voix cassée et maniérée, son personnage n’a qu’un seul intérêt : donner quelques semis-érections de plus à Adel. Enfin la quatrième membre du groupe est Cissie Duc, l’ancienne élève des cours dramatiques du Studio des Artistes. Celle qui bossait dans une boite de livraisons de pizzas et qui se faisait battre par son ex. Ici, Cissie et ses pénibles mimiques manifeste clairement son envie de se faire un 2be3, Frank en l’occurrence. Véritable danseuse, elle aura plus tard l’occasion de prouver ses talents en travaillant au côté de Lorie.

« La MJC est l’endroit rêvé pour caser les losers à la sauce AB »

Deux losers magnifiques de l'univers AB.
Deux losers magnifiques de l’univers AB.

L’univers de Pour Être Libre est garni de toute une nuée de freaks, indispensables au bon fonctionnement et à la variété des intrigues. La MJC est l’endroit rêvé pour caser les losers à la sauce AB. Tout d’abord c’est la résurrection d’un duo terrible de Premiers Baisers qui frappe le connaisseur : Bernard et Bruno, respectivement Philippe Tarride et Bruno Flender, font ici leur grand retour. Censés être des potes des 2be3, ce sont les nazes absolus, ceux qui servent à mettre en valeur le trio de beaux gosses. Ils possèdent la panoplie intégrale des ratés made in AB : d’abord leur poids est non réglementaire, et leurs tenues sont ridicules. En outre, ils jouent au baby-foot, n’ont jamais de petites amies, ne travaillent pas et surtout ne dansent pas !

Le duo de losers AB par excellence.
Voilà les amis des 2be3. On y croit.

Un non-événement terrible saute aux yeux des toubifristes : au bout d’une dizaine d’épisodes, nos deux chers losers disparaissent, sans aucune explication. La chose est courante chez AB, mais cela choque, car la sitcom tient sur peu d’épisodes (pour du AB) et surtout, parce que les scénaristes vont les remplacer par toute une série de losers du même acabit. Parmi ces nouveaux, on notera l’apparition de Lorànt Deutsch pour quelques épisodes. Anecdote amusante, Adel confie avoir revu Lorànt plus tard et ne pas se souvenir avoir tourné avec le comédien apprenti « historien ».

Vers la toute fin on touche le fond avec l’arrivée de deux nouveaux losers, encore une fois plus ou moins connu dans la sphère AB : le fameux nain de la Philo selon Philippe, Paul-Régis Label, ainsi que le mongol de la fin des Années Fac, un certain Mathieu Mottet. Encore plus mauvais que Bernard et Bruno, ces comédiens sont encore moins crédibles dans leur rôle de potes des 2be3. Ils sont des faire-valoir, des caricatures de ringards qui permettent aux scénaristes de recycler les gags. L’aspect nanar de la sitcom y gagne, et tant pis pour l’historicité de la sitcom à la gloire des 2be3.

Nous sommes tout de même en droit de nous demander ce qui a bien pu arriver à Bruno et Bernard. Trois hypothèses sont à retenir selon nous :

– Qualifiés pour la coupe Intertoto de baby-foot, les deux lascars partent en campagne européenne, gagnent tous les matches et reviennent à Longjumeau, les poches remplies de cocaïne, entourés de putes.

– En manque total de sexe, les deux losers craquent et violent la petite sœur de Frank. Après avoir craqué le bassin de la pauvre petite, Bernard culpabilise et se suicide en avalant un pantalon de Frank. Bruno reprend son ancienne identité de pote du Havre d’Anthony Dupray des Années Fac et retourne à sa vraie passion, les docks.

– Filip apprend que Bernard a du sang bosniaque dans les veines. Il envoie son frère Sacha l’assassiner de sang-froid dans une rue déserte de Longjumeau. Bruno meurt électrocuté après avoir tenté une énième fois de mater les filles sous la douche.

« La douleur n’a plus aucune valeur, ce n’est plus à la mode et puis c’est vilain »

Dans la catégorie des freaks de Pour Être Libre, comment ne pas parler de la petite sœur de Frank et de son petit ami, Paul.

Tout ce que abhorrent les 2be3 résumé ici.
Tout ce qu’abhorrent les 2be3 dans cette image.

Vanessa, la sœur de Frank, personnifie l’ignoble adolescente des années 90 par excellence. Elle est représentative de la fan-type des 2be3, et ça, c’est un peu flippant. En quête de son identité, elle se détourne de la voie « safe » de son grand frère et se lance dans la techno-dance à tendance trash. Son nouveau petit ami, le « vilain » selon le terme du très tolérant Filip, symbolise l’antithèse du mode de vie des 2be3 : « Regarde de quoi il a l’air avec ces anneaux plein la tête, il est vilain, il est moche ! » En suit une conversion édifiante entre Frank et ce jeune homme qui veut « trasher » :

Frank : – Mais les piercings c’est nul et en plus ça fait mal…
Le Vilain : – C’est souvent dans la douleur qu’on se réalise soi-même…
Frank : – C’est quoi ton truc de douleur ? La douleur n’a plus aucune valeur, ce n’est plus à la mode et puis c’est vilain.

Ainsi, avoir des piercings, des tatoos, aimer les pythons, les chauves-souris, les rats, danser sur de la hard-tek est manifestement incompatible avec l’esprit toubifree. Chez les 2be3, on n’est pas des gotiks. On ne glorifie pas la douleur, on ne se mutile pas, on ne fume pas, on ne boit pas. Même pas de café. C’était le bon temps du boys bandisme.

La petite sœur finira par quitter l’appart des garçons. Heureusement d’ailleurs, parce qu’une ado de 13 ans vivant sous le même toit qu’un type comme Filip ferait froid dans le dos à n’importe quel parent.

« Quand tu joues avec un vrai comédien, là tu progresses »

Le choc des cultures : les sixties de JLA face au breakdance toubifriste.
Le choc des cultures : les sixties de JLA face au breakdance toubifriste.

Last but not least, le chef garagiste Monsieur Laplace. C’est le culte Thierry Liagre qui incarne ce nom sacré de l’univers AB. Eddie Laplace est une ancienne gloire du rock, le prototype du patron cool, nostalgique des sixties. Ironie de l’histoire, nous avons déjà pu apercevoir Thierry Liagre jouer le rôle d’un mécanicien dans la sitcom Seconde B en 1994. Pur hasard ou clin d’œil de JLA à son ancienne concurrence, Monsieur Laplace est en réalité le héros caché de la série. Il est une sorte de mentor d’Adel, pour lequel il est prêt à tous les sacrifices, notamment sur la question du temps de travail. Adel a encore aujourd’hui un bon souvenir de ce comédien : « Le garagiste, Thierry, était un super comédien. Il m’apprenait, me donnait beaucoup de conseils. Quand tu joues avec un vrai comédien, là tu progresses. Au fur et à mesure, on a appris à se connaître, on déjeunait ensemble.»

Sympathique acteur au gros potentiel comique (avec un rire et un phrasé hors du commun), Thierry Liagre offre un vrai one man show tout au long de la série. C’est Laurence qui l’introduit dans la sitcom, en lui présentant Adel pour le poste de garagiste. Il est d’ailleurs lui-même très attiré par Laurence, ou plutôt par sa mère : « Tu sais Laurence, que j’ai failli être ton papa [ton insistant]. Et puis ton père est arrivé et comme il était plus beau que moi il m’a cassé la baraque. »

On peut le ranger dans la catégorie des losers qui gravitent autour des 2be3, mais l’expérience parle pour lui. Il est une sorte d’ange gardien, sortant le groupe de toutes les galères, et n’hésite pas à les prévenir des saloperies du monde du show-biz. Dans un de ses grands monologues, il confie aux garçons : « Moi aussi j’ai fait partie d’un groupe. Je jouais de la guitare et je chantais. On avait créé un groupe dans les années 60 : les Chaussettes Rouges. Ça chauffait un maximum. On est même passé à la télé, dans un tremplin (…), on est même arrivé en huitième de finale. »

C’est d’ailleurs à l’occasion d’une scène mythique que Monsieur Laplace et Adel montrent toute leur complicité. Une scène dont se souvient encore Adel, qu’il qualifie de « pire moment » de son aventure sitcomesque : « Il y avait une scène, une grande scène, où je m’énerve. Je pleure dans le garage, ensuite il y a Monsieur Laplace qui vient. Ça, c’était vachement dur. C’était une scène de composition. On l’a refaite plusieurs fois. Ça n’a pas été évident cette scène, ça a duré longtemps. »

Plongée dans les abîmes du toubifrisme

La sitcom Pour Être Libre s’articule autour de trois thématiques principales : les histoires de filles, les leçons de vie et l’ascension vers la gloire. Le tout est parsemé de gags récurrents, dont la lourdeur confine la plupart du temps au génie. Au final, Pour Être Libre est une sorte de cocktail psychédélique. Le fameux « LSD sans les bad trip » si cher aux sitcomologues.

Dans cette série, on hésite pas à écarter.
Dans cette série, on n’hésite pas à écarter.

Les histoires de cul sont omniprésentes tout au long des 40 épisodes. Filip est sans contestation possible le baiseur du groupe. Les orgies sexuelles de Filip sont mêmes d’une telle intensité, qu’il doit finalement s’auto-limiter pour se présenter en bonne santé physique au concours de danse.

Son sens de l’amitié est indéniable, quitte à tout partager, même ses galères sexuelles. Ainsi quand ses acolytes lui demandent de « faire un break avec les filles jusqu’à samedi », Filip acquiesce mais demande à ses potes d’être solidaires : « On voit plus les filles jusqu’au concours ; hé, je fais la ceinture pendant une semaine, vous la faites avec moi, ok ? Quoi les gars, 2be3 or not to be, on est solidaires. »

Mais Filip ne tient pas longtemps ses promesses. Dès qu’il voit une fille potable dans le café où les 2be3 vont traîner, Chez Ariane, il se jette dessus tel un Anthony Dupray des grandes heures des Années Fac. Ses techniques de drague sont entrées dans la légende, comme lorsqu’il drague une jolie nana à la terrasse lors de l’épisode n°8 « Les bons copains » : « Je ne suis pas un dragueur. En fait je suis un extra-terrestre, et je suis venu faire une étude comparative sur les êtres humains. Ça vous va comme ça ? Je peux m’asseoir, c’est pour mon étude (…) Des filles comme toi c’est rare sur notre planète. T’es vraiment une terre extra. »

Comment résister à un tel plan ? Toutefois, de cette drague sous champis, on retiendra que Filip ne cherchera pas à sortir avec la fille en question lorsqu’il apprendra que son pote Bernard était déjà sur le coup. Filip reste toujours un type qui tient aux valeurs de camaraderies masculines.

De son côté, Adel fait une seule grosse connerie : il trompe la tendre Laurence avec une bombe, Vanessa Kula, qui joue Cathy, une chanteuse à la poitrine encore plus forte que celle de Carole Dechantre. Pot de colle et véritable hystérique, elle est à deux doigts de bousiller l’histoire d’amour d’Adel. Heureusement, celui-ci a la chance d’avoir un Monsieur Laplace compréhensif, qui l’aide à recoller les morceaux.

« C’était pas des vraies douches. La photo d’Entrevue c’était une répèt je dis à Filip : fais gaffe ça se voit à travers »

Au final, une des grandes questions à laquelle il faut répondre concerne la relation ambiguë qu’entretiennent les 2be3 avec le groupe des nanas. Ce sont de véritables chattes en chaleur à la vue de ces mâles musclés qui passent la moitié de leur temps torse-nu. Il n’y a toutefois pas de coucheries. Seuls Filip et Laura ont une liaison, puisqu’ils se remettent ensemble malgré l’attirance de Sévy pour le Serbe.

Les scènes des douches, à jamais dans la légende 2be3.
Les scènes des douches, à jamais dans la légende 2be3.

Néanmoins la tension sexuelle permanente entre les membres des deux groupes est réelle. On peut la sentir lors des fameuses scènes de douches de la salle de répétition de la MJC. Au départ simple blague des deux potes losers, qui s’amusent à piquer les fringues des garçons prenant leur douche, le « gag des douches » devient le running gag officiel de la série. Mais celui-ci prend de l’ampleur, de manière inattendue, quand des photos volées de Filip Nikolic, bite à l’air, sont diffusées dans la presse à scandale. Adel revient sur ce buzz, qui a amené un immense public gay aux 2be3 : « C’était pas des vraies douches. La photo d’Entrevue c’était une répèt et je dis à Filip : fais gaffe ça se voit à travers. Des images ont été volées de la vidéo qui tournait. » Les gags des douches participent à cet état d’esprit général, fun et bon enfant, de la sitcom.

Un gros travail sur les chorés, c'est incontestable.
Un gros travail sur les chorés, c’est incontestable.

Les 2be3 apparaissent très à l’aise à jouer leur propre rôle, et s’éclatent malgré des conditions de tournages difficiles : « C’était de la déconne. Mais par contre il y avait la volonté de bien faire les scènes. Sur la danse on a fait plein de répétitions sur les chorés. Il y avait un gros travail derrière. Un sitcom, ça va très très vite. C’est pour ça qu’on était crevé. On avait pas le choix : même si on était pas bien, on pouvait faire la prise trois fois maximum. Souvent c’était one shot. D’ailleurs quand le réalisateur était content, il disait toujours : one shot good shot, bravo les gars, suivante ! »

« C’est quoi cette variante ? »

Quant au langage si particulier aux 2be3, Adel confirme : « Les termes d’argots c’est nous qui les avons mis. On jouait notre propre rôle, donc on parlait comme on parle tous les jours. » En effet, Pour Être Libre propose tout un répertoire d’expressions, de style et de formules uniques au monde : « Yessaaaï », « Non mais j’halluciiiiine », « Mooortel », « T’assuuuures, toi » ou encore les fabuleux : « C’est quoi cette variante ? » et « Belek les gars ».

Si le bon esprit 2be3 est omniprésent sur les 40 épisodes, il ne faut pas sous-estimer les leçons de vie que la série transmet à son jeune public. Le « 2be3 spirit », c’est bien sûr l’été, les filles et les blagues de gamins. Mais c’est aussi des valeurs. La première leçon à tirer de Pour Être Libre est la force et la puissance de l’amitié, virile, entre couilles : c’est l’essence même du nom du groupe.

Adel, l'arabe de service. Mais pas que.
Adel, l’arabe de service. Mais pas que.

Mais c’est aussi tout un programme de tolérance à la sauce 2be3/AB qu’il faut retenir dans cette sitcom. Prenons l’exemple de l’épisode n°10 « Vol à la MJC ». Ici, Adel est soupçonné du vol de l’ordinateur de la MJC. Bien sûr, il est innocent. Mais facétie du scénario, tout l’accable. Même le téléspectateur peut finir par douter. Heureusement, la fin de l’épisode permet de comprendre l’histoire abracadabrante d’Adel, et de l’innocenter. Et comme le résume si bien ce bon vieux Frank : « C’est dingue ce concours de circonstance quand même. On avait tout pour douter. » Parce que oui, on avait de quoi se poser des questions. Frank aurait pu dire ce que tout le monde pensait, à savoir que cet arabe d’Adel était le suspect idéal du vol. Au final, c’est même Adel qui fera la leçon au petit frère de Laurence, coupable d’avoir volé un scooter (« pour aller à la plage ») : « Il faut être responsable de ses actes, et avoir la conscience tranquille. »

Filip et son nouveau pote clodo. Un chouette moment.
Filip et son nouveau pote clodo. Un chouette moment.

Autre cas d’école, la fameux épisode n°34 « Au frais », dans lequel Filip se retrouve en « zonzon » (selon ses termes, en réalité en garde à vue). Il est accusé de dégradation de matériel dans la boite de nuit de Longjumeau, le Wagon, suite à une bagarre. Car Filip a accompagné une certaine Élodie Page, compositrice et parolière à boire un verre au Wagon. Celle-ci accepte d’aider les 2be3 pour leur carrière, mais son ex-mari débarque et l’agresse. Filip, chevaleresque, la défend. Il termine la soirée au poste de police car le patron du Wagon porte plainte. Filip se retrouve alors en cage avec un criminel, une pute et un vieux clodo. Il se lie d’amitié avec ce dernier, prouvant une fois de plus qu’il est un mec cool.

« La prestation en zonzon de Filip est digne d’un prisonnier de la série Oz »

Filip, le bad guy yougoslave.
Filip, le bad guy yougoslave, en « zonzon ».

Sa prestation en « zonzon » est quant à elle digne d’un prisonnier de la série Oz. Ainsi, pour une fois, Filip ne se comporte pas comme un connard et donne son adresse à Dédé le clodo. Dans la plus grande tradition des personnages de clodo chez AB, Dédé est un type sympathique, mais qui pue. On peut penser à cet égard à Monsieur Jojo de Premiers Baisers, celui qui reçoit l’hospitalité d’Annette chez les Girard. Dans l’épisode suivant, après lui avoir offert une douche et des fringues, Dédé accompagne les garçons à la MJC. Par le plus grand des hasards, ce jour-là est organisé un casting pour une pub de rouges à lèvres. Le but : trouver et filmer des couples qui s’embrassent. Évidemment, les 2be3 y participent, mais avec leurs camarades danseuses et non leurs copines officielles. Quand Dédé débarque, il tombe sur son ex-femme, qui par un hasard incroyable organise le casting. Miracle, coup de théâtre ! Grâce à Filip, Dédé retrouve sa femme tant aimée, et stoppe sa vie d’alcoolique sans domicile fixe. C’est ça aussi, l’esprit de Bonheur City à Longjumeau.

Adel quand il a l'autorisation de quitter plus tôt son travail.
Adel quand il a l’autorisation de quitter plus tôt son travail.

Autre sujet important, la question du travail. C’est Adel qui donne le ton dès le premier épisode : il faut bosser. Mais le job d’été d’Adel se révèle être une grosse blague. Monsieur Laplace est probablement le patron le plus cool de la planète. On ne compte plus les jours où Adel demande sa journée à Monsieur Laplace, arrive en retard, quand il ne se planque pas dans l’arrière salle pour batifoler avec Laurence (ce qui semble surtout exciter Monsieur Laplace).

Heureusement pour Adel, son boss n’a rien d’un patron du MEDEF. Au contraire, pour lui, l’important est que son « petit Adel » puisse s’entraîner, faire ses concours de danse ou encore quitter son poste pour aider ses amis à régler des problèmes de cœurs.

2be3 et les Années Fac : l’incroyable crossover

Du côté de Filip et Frank, rien à signaler jusqu’à l’arrivée des factures. Avec la temporalité accélérée de Bonheur City, les factures de l’EDF ou du téléphone arrivent au bout de quelques jours. Filip, très contrarié, est obligé de chercher un job. Il finit par prendre celui de serveur au bar de Chez Ariane, où il peut draguer tout ce qui passe. Comme toujours avec Filip, c’est gagnant-gagnant.

Les 2be3 débarquent sur le plateau des Années Fac !
Les 2be3 débarquent sur le plateau des Années Fac !

Le cas de Frank est bien plus intéressant pour les sitcomologues, puisque le grand benêt trouve un job chez… AB productions. Pour la première fois, les scénaristes se lancent dans une véritable mise en abîme. Frank devient technicien sur le plateau des Années Fac, alors en plein tournage ! La rencontre entre AB et les boys band se trouve ici. Le personnage Frank fait la jonction entre les deux mondes. Mieux encore, quelques comédiens de la sitcom sont mis à contribution : Anthony Dupray, Camille Raymond et Magalie Madison. Frank est dragué par Camille Raymond (sûrement son côté intellectuel qui l’a séduite), qui l’invite à boire un verre au Wagon. Bien entendu, Aurélie surprend Frank. Folle de jalousie, elle se laisse séduire par un Anthony Dupray, ce dernier faisant honneur à sa grande réputation de dragueur.

« Cet épisode marque le début de la grande relation entre Dupray et Nikolic qui perdurera dans la série Navarro »

En "live", la naissance d'une belle amitié entre les deux lascars des 90's.
La naissance d’une belle amitié entre les deux lascars des 90’s.

Tout ce petit monde se retrouve au Wagon. On évite de peu la baston générale grâce à la surprenante diplomatie d’Anthony. Pour beaucoup, cet épisode marque le début de la grande relation d’amitié entre Dupray et Nikolic, qui perdurera dans la série Navarro.

Au final, ce que l’épisode doit nous enseigner, c’est que des gens normaux comme Adel ne doivent pas avoir de complexe vis-à-vis des « stars ». Une belle leçon d’humilité que nous offre là cet épisode cross-over. On peut aussi l’interpréter comme une sorte de passation de pouvoir : les trois héros des Années Fac paraissent fatigués, jouant sans grande conviction alors que les 2be3 eux semblent heureux d’être là, surfant sur la vague du succès. Un sorte de passage de témoin entre les stars en déclin d’AB et les nouvelles idoles des jeunes.

« J’ai fait la choré en rêve toute la nuit »

Ce succès, ou plutôt la quête vers la gloire, est le fil rouge de Pour Être Libre. Tous les épisodes voient d’interminables répétitions des chorés, afin de se préparer au mieux à ce jour glorieux, celui où les trois danseurs-chanteurs deviendront (enfin) des stars. Pour Être Libre est une approche téléologique de leur histoire, car malgré de nombreuses embûches, on sait pertinemment que le succès va venir.

Le machiavélique Monsieur Alfredo et son assistant face aux gentils et naïfs 2be3.
Le machiavélique Monsieur Alfredo et son assistant face aux gentils et naïfs 2be3.

Le lieu pour réussir : le Wagon. On comprend dès l’épisode n°3, « Rivalités », que la réussite doit passer par là : « Tous les samedis soirs, le Wagon organise un concours de danse, et, à la fin de la saison, il y a une finale avec tous les directeurs de maisons de disques. » Voilà une raison d’espérer : « Ça peut nous faire gagner des mois », proclame l’optimiste Adel.

Mais les 2be3 ne sont pas encore préparés aux dures réalités du monde du show bizz. Le patron du Wagon, Monsieur Alfredo, n’est pas aussi gentil et honnête qu’il ne le dit. D’ailleurs, il se rend vite compte du potentiel du groupe de la MJC, et le dit à son assistant : « Ils sont bien. Ne leur dites pas, ils vont prendre la grosse tête. » Monsieur Alfredo, dont le nom évoque chez AB l’image du mauvais patron (le Monsieur Alfredo des Années Fac, ordure bien connu), va jouer ainsi sur plusieurs tableaux. Dans un premier temps, il sème le trouble entre les 2be3 et le groupe des filles. Puis il joue sur la concurrence, avec les Break Now, groupe obscur censé être la référence locale dans le pays de Longjumeau.

Facile de gagner avec une telle concurrence.
Facile de gagner avec une telle concurrence.

Dans l’épisode n°6 « Le concours », pour la première fois, les 2be3 montent sur scène. Frank est le plus stressé : « J’ai fait la choré en rêve toute la nuit. » Même Aurélie panique selon son homme : « Elle a tellement somatisé qu’elle est morte de trac. » L’occasion pour Filip de se foutre une nouvelle fois de sa gueule : « Qu’est-ce que tu veux, c’est ça les intellos ! » Le concours est un succès pour les garçons, sous le regard bienveillant de Jacky himself, qui leur remet en main propre le titre. Arrivées deuxièmes, les filles sont dégoûtées mais bonnes joueuses. Le reste du classement est édifiant quant au niveau de la compétition : 1) Les Pour Être Libre. 2) Les Filles. 3) Les Too Much. 4) Les Frictions. 5) Les Phénomènes.

« Dans ce métier, le talent ça ne suffit pas. Il faut des relations »

Le lendemain de la victoire au Wagon, les 2be3 ont leur tout premier article dans le journal local. Les nouvelles stars de la MJC sont étonnées par ce soudain succès et Frank en profite pour montrer qu’il sait manier les concepts de la sociologie des médias :

Adel : – « J’en reviens pas de l’impact de cet article !
Frank : – Mais qu’est-ce que tu veux, t’as jamais appris ça au lycée, ça s’appelle l’impact des médias !
Adel : – Ah. »

Non ce n'est pas Homo Mag.
Non ce n’est pas Homo Mag.

Après quelques épisodes, les affaires reprennent pour les 2be3 : Adel rencontre au garage une certaine Macha Blanville, journaliste à Mag’ Dance. Elle accepte de faire un article sur les 2be3. Elle se rend au Wagon pour enquêter sur le trio et tombe sur Monsieur Alfredo. Le patron du Wagon en profite pour planter un coup de poignard dans le dos des 2be3. Son groupe sous contrat, les Break Now, étant en déclin, il réussit à convaincre la journaliste d’écrire sur eux et non sur les jeunes 2be3, qu’il décrit comme n’ayant « aucune valeur commerciale. »

Dégoûté, Filip se rend compte de ce qu’il lui manque pour réussir. Dans un éclair de lucidité, il déclare, blasé : « Dans ce métier, le talent ça ne suffit pas. Il faut des relations. »

« On a pas l’intention de se foutre de notre public en chantant n’importe quoi »

Le vent semble cependant tourner pour les 2be3. Dans l’épisode n°14 « Tenue de scène », le Wagon accueille lors d’une grande soirée un groupe nommé les Four Boys. Mais

Avoir des relations, des costumes de scène, c'est bien. Mais du talent, c'est bien aussi. N'est-ce pas Frank ?
Avoir des relations, des costumes de scène, c’est bien. Mais du talent, c’est important aussi. N’est-ce pas Frank ?

Monsieur Alfredo reçoit un fax : le groupe annule le concert. C’est l’émeute dans la boite, le peuple du Wagon se révolte et semble prêt à tout casser. Alfredo, en bon roublard, propose aux 2be3 de les remplacer sur le champ. Mais les garçons n’ont pas de tenues de scènes sur eux, contrairement au groupe des filles, qui font le show. Nouveau coup dur.
Pour ne pas réitérer l’expérience, Laurence décide que les garçons se fassent confectionner des tenues de scènes par un créateur : c’est la grande rencontre avec Omnès, personnage fantasque bien connu.

L’épisode n°18 « Qualification » marque une deuxième étape dans l’histoire des 2be3. Le groupe fait une nouvelle rencontre fortuite, Georges Berkley, un producteur qui leur promet un grand avenir malgré les réserves de Filip. Berkley (Barclay ?) est un agent dans la lignée du célèbre Thomas Fava : cheveux gominés, langage hype et ambition démesurée pour ses nouveaux poulains.

Monsieur Berkley. Filip le sent pas. Surement le bon vieux flair serbe.
Monsieur Berkley. Filip le sent pas. Sûrement le bon vieux flair serbe.

La relation entre les 2be3 et Berkley débute mal. Quant au Wagon, le producteur doit départager le groupe des filles et celui des garçons lors d’une énième finale. Il choisit les filles et confie aux garçons que son choix a été dicté par la galanterie. Il propose alors aux garçons de venir dans le bureau de son collaborateur, Yves Azer, pour enregistrer un album complet, chant compris. Les 2be3 et surtout Filip ne sont pas dupes, Berkley n’est pas clair. « Artistiquement, ça doit pas être quelqu’un de génial », affirme sans rire le Serbe.

Mais l’occasion est trop belle pour ne pas être tentée. Les 2be3 débarquent dans le studio plein d’espoir, conscients de ne pas être (encore) de grands chanteurs. Pour le producteur, le talent supposé des 2be3 importe peu. Il affirme ce que tout le monde sait : « Avec les physiques que vous avez, ça pourrait marcher. Et avec le matériel qu’on a en studio, aujourd’hui c’est facile, n’importe qui peut chanter. » Mais les 2be3 ne sont pas ok avec ça. Ils ont des valeurs, et refusent de rentrer dans ce système. C’est là que la sitcom entre dans une autre dimension. Les 2be3 se présentent en lutte contre les chansons commerciales, contre les textes faciles, contre le marketing musical. Oui ils ont osé. Pour Être Libre est une sitcom qui n’a peur de rien. Et quand le producteur improvise l’écriture d’un nouveau tube pour le trio, ironiquement nommé dans la foulée « Love is business », puis invite le groupe à célébrer les futures rentrées d’argent en buvant une coupe de champagne, c’est la rébellion. Même Adel s’énerve : « On boit pas avec les escrocs nous ! On a pas l’intention de se foutre de notre public en chantant n’importe quoi. »

Les 2be3, des artistes, des vrais.
Les 2be3, des artistes, des vrais.

Après cette mésaventure, les 2be3 se promettent de ne plus jamais se faire avoir par un producteur. Toutefois, quand on demande à Adel aujourd’hui s’il y a bien eu un producteur du style d’Yves Azer dans la vie des 2be3, il réfute : « Non, il n’y a pas eu de producteur véreux. »

Fin de l’aventure Berkleyienne, les 2be3 se rabattent sur les fondamentaux : la finale du Wagon et l’espoir de voir de nouveaux producteurs. Les 2be3 remportent une nouvelle fois le combat contre les Filles, plus nulles que jamais. Mais les 2be3 vont être encore déçus : Monsieur Alfredo a menti, il n’y a aucun grand producteur pour cette finale. Il faut dire qu’il faut être sacrément con pour croire qu’il peut y avoir les meilleurs producteurs des plus grandes maisons de disques dans une boite sordide de Longjumeau.

« Je me suis jamais vraiment autant marré de ma vie durant cette période, on était les rois »

Parfois, le scénario va très loin.
Parfois, le scénario va très loin.

Suite à cette énième mésaventure, il ne se passe rien pour les 2be3 : affaire nanardesque de drogue dans un paquet en provenance de Hollande (vaguement pompée sur un scénario du Miracle de l’Amour), histoire sordide d’une jeune russe retrouvée attachée dans le coffre de la voiture du père de Laurence…etc.

L’ascension vers la gloire reprend d’une manière inattendue pour les 2be3. Après un délire collectif dans la rue jouxtant le bar, où nos danseurs réalisent un show digne des plus mauvaises comédies musicales, les 2be3 apprennent que le Wagon change de propriétaire. Exit Alfredo, le nouveau boss répondant au nom de Rémy Garry veut virer les Four Boys et engager cette fois les 2be3. Après une violente baston, Adel, Filip et Frank (re)prennent possession du Wagon dans un final qui laisse présager une grande carrière. La sitcom s’achève par un plan sur Ariane Carletti (la femme de Monsieur Laplace dans la série), visiblement ravie de ses poulains et un groupe qui semble l’avenir devant lui.

« Le tournage a duré 40 jours. Le producteur voulait signer à nouveau pour 40 épisodes mais on a refusé. On pouvait plus à cause de la tournée. On avait pas envie de faire que du sitcom »

En route vers le succès, la gloire, les putes et la cocaïne.
En route vers le succès, la gloire, les putes et la cocaïne.

Avant de conclure, une dernière séquence retient notre attention. En effet, Monsieur Laplace décide d’offrir ses chaussures de scènes avant que les 2be3 n’entrent en scène. Toutefois, au lieu de les offrir logiquement à Adel, il choisit Filip. Ce geste étonnant a consterné beaucoup de membres de la communauté toubifriste, et a suscité un vrai débat. Quoi qu’il en soit, on ne reverra plus malheureusement les 2be3 faire de la comédie. Selon Adel, un projet de saison 2 a été prévu, mais le groupe avait d’autres priorités : « Le tournage a duré 40 jours. Le producteur voulait signer à nouveau pour 40 épisodes mais on a refusé. On pouvait plus à cause de la tournée. On avait pas envie de faire que du sitcom. Mais c’était vraiment la grosse éclate, je me suis jamais vraiment autant marré de ma vie durant cette période. On était les rois. »

Dommage, mais les 40 épisodes resteront à jamais comme un témoignage, incomplet certes, mais tellement important de la courte histoire des 2be3 et de cette période bénie. D’ailleurs Adel conserve un grand souvenir de cet été 1997 et n’oubliera pas la bonne ambiance : « La scène de danse dans la rue à la fin de la série, c’était génial, un peu à la West Side Story. Il y avait une belle ambiance ce jour-là. »

La rencontre entre les deux phénomènes les plus controversés des années 90, les sitcoms et les boys band, fait de cette sitcom un élément culte pour toute une génération. Pour Adel, Pour Etre Libre mérite mieux que l’indifférence qu’elle connaît actuellement. Un Dvd serait par exemple un bon début, en attendant une version remastérisée en Blue-Ray.

Selon nous, il faudrait surtout qu’AB1 rachète les droits de diffusion, afin que la sainte parole toubifriste soit encore entendue et puisse être transmise à de nouvelles générations.

Belek à tous.

RIP FILIP.

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