S comme… Sitcom

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En France, le phénomène sitcom ne naît pas avec les productions AB, mais dès les années 80 avec la cultissime sitcom Maguy et son inoubliable binôme Jean-Marc Thibault & Rosy Varte. D’autres productions font date : Marc et Sophie, Voisins,Voisines… du grand art.

Mais c’est bien avec la sitcom Salut les Musclés que le genre s’impose auprès du jeune public français en 1989. Le succès du « spin-off » Premiers Baisers confirme que le public est réceptif au genre télévisuel « sitcom », avant que Hélène et les Garçons explose tous les records d’audimat. Grâce (ou à cause) d’AB, le format en France fait désormais obligatoirement référence aux « sitcoms AB », dans un pays qui ne connaît fondamentalement rien aux sitcoms.

« On s’est aperçu très vite qu’on avait pas les mêmes moyens que les Américains. Donc il fallait trouver une autre solution. Et on a fabriqué des sitcoms AB qui sont basées sur une notion de plaisir pour le public, de distraction »

Il faut dire que la définition en France d’une sitcom n’est pas franchement claire au début des années 90. Pour Bernard Minet, la sitcom c’est avant tout un « soap opera », auquel il faut ajouter une unicité de décors et des rires enregistrés. Dans les sitcoms AB, ces derniers impriment la marque de fabrique de ces productions aussi cheap que rentables d’un point de vue économique. En 1997, Jean-Luc Azoulay sera sommé de (se) justifier la politique industrielle d’AB Prod : « On s’est aperçu très vite qu’on avait pas les mêmes moyens que les Américains. Donc il fallait trouver une autre solution. Et on a fabriqué des sitcoms AB qui sont basées sur une notion de plaisir pour le public, de distraction. On leur construit un univers avec des personnages. Et en fonction des comédiens, on leur écrit des choses qui leur vont bien, de façon à ce que les comédiens soient un petit peu leurs personnages. Dans une sitcom, la chose la plus importante est le casting. On prend une partie de la personnalité des comédiens, on prend ce qu’ils savent bien faire et on mélange tout ça. C’est ce qui fait que l’univers se créé et qu’il se passe des choses qu’on ne peut pas écrire, c’est-à-dire des regards entre eux, des attitudes, toute une approche qui fait que ça devient magique et que ça plaît aux gens. »

Genre télévisuel ouvertement méprisé dans la profession et l’intelligentsia, les sitcoms sont en effet par contre totalement plébiscitées par le public. De Salut les Musclés à Le Groupe, on compte in fine pas moins de 2636 épisodes entre 1989 et 2002, pour 21 sitcoms. Aventure industrielle aussi inédite que décriée, l’ensemble des sitcoms AB forment une sorte de gigantesque labyrinthe au sein duquel on retrouve un univers propre. Les fans sont ainsi heureux de retrouver leurs comédiens fétiches dans les différentes sitcoms. Ils y retrouvent aussi les mêmes scénars, les mêmes décors, parfois les mêmes dialogues. Une politique de « recyclage » plutôt grotesque mais nécessaire tant la production des sitcoms se veut en « flux tendu ». La profusion de métaphores culinaires pour décrire l’épopée des sitcoms AB atteste de ce caractère industriel et productiviste : les sitcoms sont ainsi comparées à des petits gâteaux, tandis que Claude Berda est considéré comme un « marchand de merguez ».

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On peut établir une rapide typologique des sitcoms AB de la manière suivante :

  • les sitcoms pour enfants : Salut les Musclés – Premiers Baisers – Collège des Cœurs Brisés – Extra Zigda
  • les sitcoms pour adolescents : Hélène et les Garçons – Miel et les Abeilles – Garçons de la Plage – Philo selon Philippe – Pour Être Libre – Le Groupe
  • les sitcoms familiales : Filles d’à Côté – Cas de Divorce – L’Un contre l’Autre – Un Homme à Domicile – Élisa un Roman Photo

Une nuance important à rappeler : certaines sitcoms échappent à ce genre de classement puisqu’elles rassemblent toute la famille devant le poste de télévision : le cas d’Hélène et les Garçons est à ce titre exemplaire. De même, le formidable succès des Filles d’à Côté ne se mesure pas seulement à la captation du public souhaité ; en effet, tandis que AB essaye de séduire un public plus âgé (celui de la fameuse ménagère si chère à TF1), les adolescents regardent aussi cette sitcom dont les héros sont pourtant des quadragénaires dépressifs !

Au milieu des années 90, le succès des sitcoms AB est tel que la concurrence tente à leur tour de produire des « sitcoms de merde ». C’est le cas d’M6, mais aussi de France Télévisions et même de TF1, agacé de voir l’entreprise AB grandir au sein de leur propre maison.

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AB reste néanmoins le principal fournisseur de sitcoms AB à la télévision, finissant même par vendre leurs produits à d’autres chaînes que TF1. C’est le cas de la sitcom de l’École des Passions, dont la « deuxième saison » est transférée de TF1 à France 2. De même, pour son grand retour raté avec la sitcom Le Groupe à l’aube des années 2000, c’est encore le service public qui est convaincu de diffuser le produit du créateur de feu Hélène et les Garçons.

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