Pas tout à fait « freak », ni vraiment « intello », le personnage de François dans Premiers Baisers reste dans la mémoire collective comme le premier véritable « nerd » de l’univers AB. Incarné par le charismatique Boris Haguenauer, François est le comique de service, le loser invertébré, le « farfelu » de la petite bande de gamins rassemblés autour de Justine.
« De ses grands-parents russes, il a hérité du charme slave et d’une nature artiste »
Dès les premiers épisodes, on comprend que François est le faire-valoir des deux « beaux gosses » que sont Luc et Jérôme, les deux grands séducteurs attitrés de la sitcom. Boris est en effet loin des canons de beauté de la maison AB : il n’est ni grand, ni musclé. Il n’a pas de brushing, porte des lunettes qui cachent un coquet strabisme. De part son style pré-pubère et un look de collégien attardé, Boris s’impose ainsi comme l’un des chouchous du public.
Son personnage s’avère facétieux et attachant, malgré ses maladresses et sa lourdeur. « François (sic) représente le copain idéal. Il est drôle, amusant, plein de fantaisie et toujours prêt à rendre service à ses amis. De ses grands-parents russes, il a hérité du charme slave et d’une nature artiste. Il réussit tout ce qu’il entreprend. » Voilà comment est introduit Boris dans la presse AB de l’époque. Comme à son habitude, le journal de Dorothée maintient la confusion entre l’interprète et son rôle. [1]
« J’aime beaucoup mon personnage car il me ressemble un peu quelque part »
Mais à la lecture des différentes interviews que donnent Boris, on comprend rapidement qu’il possède beaucoup de points communs avec son personnage. Le néo-comédien l’explique alors sans problème : « J’aime beaucoup mon personnage car il me ressemble un peu quelque part. Il est très farfelu : je peux me retrouver en costard et à quatre pattes dans la cafète ! »
Boris a parfaitement résumé l’état d’esprit de François. Le « meilleur ami » de Jérôme incarne le personnage fantasque de la bande, le seul fondamentalement incapable de réagir rationnellement à une situation. Il représente un élément incontournable de toute sitcom qui se respecte, permettant tous les types de gag possibles et inimaginables. On pourrait le comparer à un autre nerd, le mythique Screech de « Sauvés par le gong », sitcom américaine dont on soulignera jamais assez l’influence qu’elle a pu avoir sur les scénaristes d’AB.
« Boris réussit à vaincre sa timidité naturelle pour imposer ce personnage farfelu, que les auteurs se plaisaient à faire vivre des situations de moins en moins crédibles »
Pourtant, il faut rappeler par l’intermédiaire de son ancien collègue Fabien Remblier (Jérôme) que le rôle de François n’était pas encore bien défini au départ : « François qui, au départ, était l’équivalent d’Annette en garçon évolua rapidement vers un personnage véritablement dingue. Boris réussit à vaincre sa timidité naturelle pour imposer ce personnage farfelu, que les auteurs se plaisaient à faire vivre des situations de moins en moins crédibles. » Cette « timidité » dont parle Fabien est fondamentale pour appréhender le personnage de François et son évolution.
D’abord, il est nécessaire de revenir sur le parcours du jeune comédien. Ce dernier a peu parlé dans les médias de l’époque, mais a toutefois fourni quelques éléments. Ses origines, tout d’abord, sont fréquemment rappelées pour le décrire : « Son nom de famille est alsacien, son prénom comme celui de son frère Ivan est d’origine russe. En effet, ses grands-parents maternels était Russes. Ayant fui la révolution de 1917, ils sont venus s’installer à Paris. Du sang slave coule dans les veines de notre star en herbe dont la famille a élu domicile dans la banlieue ouest. »
« J’étais un enfant très calme, plutôt réservé. Je lisais beaucoup et je jouais aux Légos »
Boris, fils de « Russes blancs », aurait donc en lui « l’âme slave ». S’il ne cite jamais Dostoïevski ou Tolstoï dans Dorothée Magazine, le sitcomédien se présente en revanche comme un « intello ». Son parcours ne ressemble pas en effet à celui de ses petits-camarades : « J’étais un enfant très calme, plutôt réservé. Je lisais beaucoup et j’étais très indépendant (…) J’étais une personne plutôt calme. Un peu en avance sur mon âge, je parlais très bien… Je jouais beaucoup aux Légos. »
La famille de Boris tient une place prépondérante comme l’explique le journaliste d’AB : « Son père a une profession peu courante, il vend des murs d’images. Vous savez, ce sont ces dizaines de postes de télévisions collés les uns aux autres pour en faire un seul et dont chaque tube cathodique diffuse une partie de l’image. » Sa mère est quant à elle « dans le télécontact », « pour le plaisir » prend la peine de préciser son fils.
« A l’école, je n’étais pas intégré à une bande, j’étais plutôt indépendant »
Le premier événement majeur de la vie de Boris demeure la naissance de son petit frère : « C’est une naissance qui m’a non pas traumatisé mais étonné et gêné car je m’étais habitué à vivre en fils unique. Mais avec le temps, les choses se sont bien passées. Maintenant je l’adore. » Dès l’enfance, Boris reste donc un garçon renfermé, solitaire, presque asocial. « Je n’étais pas intégré à une bande, j’étais plutôt indépendant », rappelle-t-il. Gamin, il a le malheur de traîner avec les gosses de la Garde Républicaine, dont l’école est située juste à côté de la sienne : « Les fils de militaires étaient sans intérêt, les filles se voulaient plus ouvertes. D’ailleurs, si je n’ai pas conservé d’ami d’enfance, il me reste aujourd’hui une très bonne copine ! »
Il faut attendre l’entrée au Collège pour que le jeune Boris ait une sorte de révélation : « Comme j’étais très solitaire durant mon enfance et qu’une image d’intello me collait à la peau, je me suis dit que l’entrée en sixième me serait une occasion de rencontrer de nouveaux camarades. Je me devais de m’intégrer au sein de ma classe. La période collège a été pour moi une phase d’épanouissement. En classe de quatrième, j’ai repris contact avec la fille que j’ai connu. A l’époque, elle prenait des cours de théâtre. Et j’ai suivi son exemple pendant trois ans ! »
Sa première expérience de « comédien » n’est donc pas Premiers Baisers, mais au théâtre, comme il le rappelle avec beaucoup de fierté : « Au cours préparatoire, nous avions organisé une pièce de théâtre écrite en collaboration avec un poète. Je tenais un rôle très important, celui du chef d’une bande d’enfants. » En parallèle, Boris fait aussi de la post-synchronisation, grâce à l’aide d’une figure bien connue du monde du doublage : Perrette Pradier. Il fait les voix de films à succès du début des années 90 : Peter Pan, Terminator 2.
« Le moyen par lequel y arriver m’importe peu, mais je n’ai pas envie de crever de faim »
En 1991, son chemin croise celui d’AB Productions : « J’ai décroché le rôle grâce à mon agent qui m’avait indiqué un casting qui recherchait des jeunes pour une série. » Ce job, c’est bien sûr celui de François de Premiers Baisers. Mais Boris est très différent des autres comédiens retenus pour le casting de la sitcom. A l’exception du cas très particulier de Camille Raymond, Boris est en effet le seul lycéen au sein de l’équipe de Premiers Baisers. Il est alors en Première S, conscient que sa réussite passe aussi par la voie des études : « J’aime beaucoup jouer la comédie, mais mes études prennent une grande place dans ma vie. Aussi, je tiens à les terminer. »
Comme l’interprète de Justine, Boris est bien plus jeune que la plupart des comédiens de Premiers Baisers. Il semble de même avoir un entourage qui le pousse à garder les pieds sur terre. Mais cette volonté hors du commun s’avère aussi être le résultat d’une longue réflexion de Boris sur son propre parcours et son futur. Visiblement, il y a déjà un « psy » qui sommeille quelque part en lui : « Le moyen par lequel y arriver m’importe peu, mais je n’ai pas envie de crever de faim (…) Je serais un comédien heureux si j’ai du travail et si je joue des rôles intéressants. Sinon mes diplômes me permettront de travailler dans une entreprise, et de gagner de l’argent (…) Je sens que je suis quelqu’un qui évoluera toujours. »
« Je suis un jeune tout à fait normal, qui fait ce qu’il lui plaît »
A la fois pragmatique et conscient que la vie peut lui offrir de multiples perspectives, Boris décide pour le moment de ne rien s’interdire. « Je suis un jeune tout à fait normal, qui fait ce qu’il lui plaît », répète-t-il alors à qui veut l’entendre. Vivant pleinement l’instant présent, Boris désire apprendre le métier de comédien autant que se découvrir lui-même à travers son rôle : « C’est un rôle très complémentaire de ma personnalité, très varié. »
Cette personnalité, on peut d’abord la deviner dans les portraits que lui tissent les journalistes d’AB. Dorothée Magazine s’amuse ainsi à décrire la vie de Boris hors des caméras : « Dès qu’il a quelque temps libre, Boris se consacre à sa passion pour le dessin et à la réalisation de maquettes. Armé de ciseaux, tubes de colle et magazines, il compose des travaux qu’il réalise à l’aide de petits bouts de papiers découpés par-ci par-là. Un artiste dans l’âme… »
« Dès que j’arrive chez moi, la première question de mon petit frère est : combien de baisers as-tu donné cette fois ? »
De la même manière que François, Boris est ainsi décrit comme un véritable « nerd » en puissance. Sa passion pour les maquettes montre qu’il est un jeune homme fort éloigné du cliché des vedettes AB qui émergent alors. En outre, son rapport au succès détonne. C’est sa modestie et son recul qui frappe sur-le-champ le lecteur. « Il est très étonné de s’apercevoir que les gens le reconnaissent dans la rue. Mieux, des professeurs ont été jusqu’à l’accoster pour lui dire qu’ils l’avaient vu à la télé », s’amuse à raconter la presse AB. Lui-même semble quelque peu dépassé par le succès foudroyant de Premiers Baisers : « A l’école, j’ai été très étonné. Normalement, la série s’adresse à des jeunes qui ont entre douze et seize ans. Quelle ne fut donc pas ma surprise quand lorsque des étudiants bien plus âgés m’ont reconnu ! Comme quoi, la série touche un large public. »
Si Boris admet être ravi de cette gloire naissante, il préfère toutefois relativiser : « Oh non je ne suis pas la star de la famille ! Pas du tout. Le soir, quand je termine le tournage, mon père vient parfois me chercher. On subit une telle pression sur le plateau qu’il m’arrive de ne rien dire ou de ne pas arrêter de lui parler pendant le trajet (…) Sinon, dès que j’arrive chez moi, la première question de mon petit frère est : combien de baisers as-tu donné cette fois ? Celui l’amuse beaucoup. Il a douze ans ! »
« Il devint rapidement la tête de turc de notre petit groupe tant son comportement et ses propos trop rangés nous paraissaient décalés »
On peut retenir deux choses dans ces derniers propos. D’abord, Boris évoque la « pression » des tournages. Ensuite, le comédien mentionne les fameuses scènes de baisers qu’il doit accomplir à chaque tournage d’épisodes de la sitcom. Sans le dire, Boris suggère ici son mal-être sur le plateau de Premiers Baisers. Il faudra attendre des années et l’autobiographie de Fabien Remblier pour découvrir le véritable calvaire vécu par le jeune Boris durant sa brève aventure AB.
Impossible à déceler à l’écran, les souffrances de Boris ont pourtant été bien réelles. Elles expliquent en grande partie pourquoi le comédien a préféré mettre rapidement un terme à son expérience sitcomesque. « Boris était un garçon un peu à part sur le plateau de Premiers Baisers ; lycéen, plus jeune que la majorité d’entre-nous, très à cheval sur ses principes et d’une timidité excessive. Il devint rapidement la tête de turc de notre petit groupe tant son comportement et ses propos trop rangés nous paraissaient décalés. » Voilà comment le chapitre consacré à François est introduit par Fabien Remblier. Ces « principes », Boris en donne déjà un bref aperçu dans un Télé Club Plus, dans lequel il affirme haut et fort que sa maxime préférée est : « Sois toujours en accord avec toi-même. »
« Il détestait les scènes dans lesquelles il devait embrasser une fille et nous découvrîmes rapidement que lors de ces scènes, il tenait caché dans sa main un mouchoir afin de discrètement s’essuyer la bouche après le baiser »
En outre, Boris est sans conteste un garçon old school. Il ne boit pas et ne fume pas. Sans doute encore vierge lors du tournage, il apparaît ainsi en total décalage avec le reste de l’escouade de Premiers Baisers. L’interprète de Jérôme narre alors une incroyable histoire, celle d’un jeune lycéen un peu coincé se retrouvant de plein pied dans l’impitoyable univers de la télévision : « Boris ne supportait pas les blagues un peu « déplacées » à son goût. Il détestait les scènes dans lesquelles il devait embrasser une fille et nous découvrîmes rapidement que lors de ces scènes, il tenait caché dans sa main un mouchoir afin de discrètement s’essuyer la bouche après le baiser. »
Il paraît alors totalement impensable qu’un comédien tournant dans une sitcom nommée « Premiers Baisers » puisse à ce point ne pas supporter d’embrasser de jeunes et jolies filles. Pourtant, c’est bien ce que Boris a surmonté. L’ambiance avec ses collègues comédiens vire alors au grotesque, notamment avec sa partenaire Magalie, la comédienne ayant le plus de scènes à jouer à ses côtés : « Heureusement, ou malheureusement pour lui, l’essentiel de ses conquêtes se limitait à Annette qui décida de s’amuser à ses dépens. Boris se retrouva donc régulièrement avec un chewing-gum qui n’était pas le sien dans la bouche après des scènes de baiser, ce qui le faisait hurler à la machination et au complot. Il devint la victime attitrée de toutes nos mauvaises blagues dont il courait se plaindre dès qu’il en avait l’occasion à la production. C’est ainsi qu’un jour, pendant une longue séquence tournée dans le couloir du lycée, il se retrouva obligé de terminer la scène dans laquelle il portait dans son sac une gueuse de vingt cinq kilos, sorte d’enclume destinée à lester les pieds de projecteurs, que nous avions dissimulé dedans à son insu après les répétitions. »
« Il se posait en victime, ce qui avec le recul était un peu vrai »
A l’instar de son personnage de nerd loser, Boris devient à son tour la victime toute désignée de ses collègues. Au départ dans un esprit bon enfant, les vannes se transforment progressivement en un authentique harcèlement moral : « Petit à petit la tension commença à monter. Les blagues laissèrent place à de plus en plus d’agressivité. Boris se posait en victime, ce qui avec le recul était un peu vrai, mais nous paraissait improbable à l’époque tant nous avions l’impression d’être provoqués par ses attitudes hautaines et ses remarques déplacées. » Le processus semble alors irrémédiable jusqu’au « clash » qui finit par arriver.
Plus fascinante que la sitcom elle-même, l’histoire du tournage de Premiers Baisers montre une fois de plus qu’elle est avant tout une aventure humaine, avec ses hauts et ses bas : « Un soir, alors que la tension était à son comble suite à une altercation verbale sur le plateau, je l’empoignais et menaçais de le frapper. Un accessoiriste au gabarit impressionnant me souleva de terre au moment où mon poing partait. Boris évita de peu le coup. Le tournage fut interrompu. »
« Cette altercation eut un effet bénéfique sur nos relations : c’est à ce moment qu’il commença à véritablement s’amuser avec son personnage et en faire ce doux dingue »
Comme toujours dans ces moments de tension, une « réunion de crise » est illico organisée par le grand manitou Jean-Luc Azoulay. On le sait, le producteur s’est toujours gargarisé de ces petits psychodrames, profitant de ce genre de situation pour imposer davantage son « pouvoir » sur ses comédiens vedettes. Et comme le rappelle Fabien, Boris n’a pas échappé non plus aux invectives du « boss » des sitcoms AB : « Je m’attendais à subir sa colère et bien que Jean-Luc me reproche avec raison mon attitude agressive, je fus étonné de l’entendre également faire comprendre à Boris que nul n’était indispensable. Il me demanda également d’être un peu plus « cool » à l’avenir. La proximité m’avait également fait oublier que Boris était beaucoup plus jeune que moi et que sa vie différait totalement de la mienne. »
Heureusement, la tension accumulée au fil des tournages s’estompe. L’espèce de thérapie de groupe dirigée de main de maître par Jean-Luc Azoulay provoque un effet immédiat et positif pour la suite de la sitcom. Surtout, elle permet d’adresser une menace à peine voilée ciblant Boris, ce dernier étant ouvertement susceptible de dégager sans sommation à la prochaine incartade : « Cette altercation eut un effet bénéfique sur nos relations. Il comprit que personne ne lui en voulait. C’est à ce moment qu’il commença à véritablement s’amuser avec son personnage et en faire ce doux dingue. »
François, les filles et Kim Basinger
L’évolution du personnage de François est parfaitement discernable à l’écran. S’il est difficile de déterminer la chronologie exacte de la sitcom à ses débuts (les épisodes n’étant pas diffusés dans un ordre précis), on décèle promptement que Boris a été désigné pour interpréter le taré de la bande. Tandis que ses camarades masculins multiplient les conquêtes, François accumule de son côté les râteaux.
Clairement dans son monde, François verse dans l’érotomanie. A l’instar d’Annette qui fantasme sur Roch Voisine, François a aussi sa « copine » imaginaire : Kim Basinger, le Top model phare du début des années 90. En outre, François préfère tomber amoureux de filles inaccessibles. C’est le cas d’Hélène, bien plus âgée que lui puisqu’elle est à la fac. François déroule alors un trésor d’imagination pour séduire la grande sœur de Justine, quitte à se métamorphoser en poète-harceleur. Il faut attendre toutefois le double épisode « Dolly », lors de l’arrivée de la copine australienne de Justine pour que François ait enfin l’opportunité de connaître un premier flirt. Le nerd a enfin l’occasion de mettre en pratique les théories de son manuel du dragueur qu’il a longtemps potassé. Néanmoins, François n’est pas très à l’aise quand il s’agit d’embrasser sa partenaire. C’est d’autant plus palpable quand on sait désormais ce que Boris ressentait réellement lors de ces fameuses scènes de bisous baveux…
L’aventure de François ne dure pas car Dolly quitte aussitôt la France. Le nerd a beau avoir confectionné un t-shirt souvenir dédicacé à son histoire d’amour aussi éphémère que bordélique, il ne la reverra plus. Il tombe finalement amoureux d’une autre fille, Anastacia la belle cousine d’Isabelle. Encore une fois, l’histoire d’amour est quasi impossible. La jeune femme est bien plus âgée et a tous les garçons à ses pieds. Mais à force de courage et d’abnégation (pour obtenir un rendez-vous avec sa cousine, François est prêt à subir toutes les humiliations d’Isabelle), il finit par obtenir un improbable rendez-vous amoureux. Comme toujours, François prend prétexte de sa condition de « meilleur ami » de Jérôme pour lui emprunter sa chambre de bonne pour enfin concrétiser avec Anastacia.
Mais au moment de passer à l’action, François se rebiffe : au lieu d’embrasser la fille, il lui propose une partie de Monopoly ! Encore une fois, la ressemblance entre Boris et son personnage semble bien réelle. L’immaturité de François vis-à-vis de la gente féminine est tout au long de la sitcom le véritable fil conducteur du personnage. Il suffit alors de revoir le bêtisier officiel de la sitcom. Une scène est particulièrement représentative, tirée de l’épisode n°80 « Un baiser de cinéma ». On peut voir François et une jeune femme, censés répéter une scène de baiser pour la série de Monsieur Girard. Mais le comédien est incapable de jouer la scène correctement. Il s’agite dans tous les sens, plonge sa tête dans ses mains comme s’il voulait disparaître. Ses collègues paraissent mal à l’aise, tandis que l’on peut entendre quelqu’un dans les coulisses vitupérer un « bon on va pas y passer la nuit. » Finalement, Boris prend sur lui et se jette sur le visage de cette pauvre comédienne, lui écrasant le dos au passage. Si l’on suit le témoignage de Fabien Remblier, on se dit que la vie de Boris a du être une authentique torture mentale et physique à cette époque.
François et Annette, l’amour impossible
Si François collectionne les échecs, il finit toutefois par trouver une fille qui veut de lui. L’heureuse élue est la « freak » Annette. Le couple gagne le surnom par l’inévitable peste Isabelle de « quadrinoclards ». Mais l’association burlesque des deux excentriques ne dure pas. Un duo jugé pas assez glamour. Impossibilité d’identification pour le public. Inaptitude pour François de dérouler sa lose et ses gags. C’est probablement un peu de tout ça qui finit par provoquer la fin du couple. François profite ainsi de l’absence d’Annette partie à Montélimar pour tenter de séduire une fille.
A son retour, elle apprend la nouvelle. Effondrée, elle tombe amoureuse d’un autre, Joël le coursier de Monsieur Girard. Ce garçon n’est rien d’autre que le petit ami dans la « vraie vie » de la comédienne incarnant Annette. Tandis que Joël intègre définitivement le cast, François ne se rend pas compte qu’il vient de perdre définitivement sa petite amie. Il a beau tenter un « sit-in » pour la convaincre de revenir avec lui, rien n’y fait. Annette aime son « Jojo » et personne d’autre (à l’exception de Monsieur Girard, mais c’est un autre débat).
Convaincu du ridicule de son action, François part en « exil » en Charentes, afin d’oublier son grand amour. Il revient une dizaine d’épisodes plus tard, lors de l’épisode n°125 « Yaourt bulgare ». C’est dans ce laps de temps que l’on peut sans doute dater la fameuse altercation entre Boris et Fabien. Car c’est un nouveau François qui débarque en furie dans la chambre de Jérôme. Un François plus drôle et plus siphonné que jamais. Boris semble enfin avoir pris la mesure de son rôle. Il apporte le grain de folie indispensable à une sitcom qui se repose abusivement sur les marivaudages de jeunes adolescents bien trop sages, bien trop propres sur eux.
François, l’éternel sparring-partner
Dans son come-back, François a rapporté Svetlana, une jeune Bulgare au look de paysanne. François la présente comme sa petite amie officielle, alors qu’il n’en est rien. Et de la même manière que lors de l’arrivée de Debbie quelques épisodes plus tôt, l’entrée en scène d’une nouvelle fille s’avère être une véritable course à l’échalote entre les mâles de la série. Comme toujours dans Premiers Baisers, c’est Jérôme qui rafle la mise, avant de refiler le lot en guise de consolation à Luc. François est ainsi réduit à jouer les rôles de sparring-partner, quitte à accepter de jouer un rôle de figurant dans sa relation vis-à-vis de la belle Bulgare. Cette dernière accepte avec l’approbation de Luc de le laisser embrasser ses mains, mais uniquement cette partie du corps.
Décision rocambolesque, qui offre une sorte de ménage à trois plutôt singulier dans une sitcom comme Premiers Baisers. Une situation qui finalement annonce la couleur, puisqu’elle sera suivie plus tard de l’incroyable et interminable relation sado-masochiste entre Isabelle et Jean-François. En outre, François est agrippé par une sorte de « sous-Annette », la délicieuse et improbable Odile. Une jeune nana à l’appareil dentaire luisant, sorte de « loseuse » suprême de la série. S’il se refuse à lui donner la moindre chance, Odile restera à jamais éperdument amoureuse de son François.
La trahison de François
Après le départ de Svetlana, une nouvelle fille entre dans la vie des protagonistes de Premiers Baisers : le « canon » Céline. A nouveau, les coqs se battent et se déchirent pour s’attirer les faveurs de cette fille d’un grand diplomate. A nouveau, François perd la partie puisque c’est Jérôme qui séduit la belle.
Mais cette fois, un coup de théâtre précipite les événements. Au bout de quasiment 150 épisodes, le premier cycle de Premiers Baisers semble toucher à sa fin. Dans une atmosphère de « fin de saison », un grand lessivage s’opère. Tandis que Justine est revenue « définitivement » de son exil aux États-Unis, Debbie et les Jumelles annoncent leur embarquement imminent pour l’Australie. Et à la surprise générale, un troisième départ s’ajoute à celui des filles : celui de François ! Passé en Terminale, les épreuves du Bac approchent pour Boris, bien décidé à ne pas sacrifier ses études pour une hypothétique carrière de comédien. Dans la sitcom, le départ de François est à la hauteur du personnage. Dans un scénario digne des meilleurs Vaudevilles, Justine décide de « coucher » avec François pour se venger de la trahison de Jérôme, qu’elle a surpris dans le même lit que Céline. Bizarrement, François accepte la proposition « hot » de Justine, même s’il impose une condition : le mariage. Justine ne bronche pas et se lance à corps perdu dans ce « plan » désespéré.
Heureusement, tout est bien qui finit bien. Annette fait mine de s’évanouir, et tout le monde se rend compte du non sens de la situation. François se sent au final le grand responsable de cette « catastrophe » qui n’a pourtant pas eu lieu. Après s’être excusé platement auprès de Jérôme (apparemment peu affecté par cette histoire sordide), François révèle qu’il préfère quitter Paris et ses amis pour… un pensionnat ultra sévère en Suisse. Afin d’expier sa faute, François souhaite en effet faire acte de pénitence pour pouvoir à nouveau un jour regarder droit dans les yeux Justine et Jérôme.
« Depuis longtemps il disait que les épreuves du bac sonneraient pour lui la fin des tournages. Il se tint à cette résolution et ne fit pas partie des pleurnichards qui revinrent en rampant après quelques semaines loin des plateaux d’AB »
Si la décision de François peut paraître démesurée, il est vrai qu’il commençait à dérailler depuis quelques épisodes. Dès l’épisode n°145 « Les bonnes habitudes », on découvrait un François faisant vraiment n’importe quoi. Pour la première fois, Premiers Baisers incorporait le délicat sujet de la drogue. François décidait alors d’en acheter, et se retrouvait menacé de dénonciation après avoir été filmé lors de la transaction par son propre dealer. Si Jérôme finit par lui sauver la peau en cassant la gueule du dealer et en détruisant la K7, on apprenait que François n’avait en réalité aucune volonté de se droguer. Le nerd voulait en effet simplement impressionner les filles en jouant le garçon auto-destructeur écorché vif, ayant lu dans un bouquin qu’elles aimaient ça…
« Je ne crois pas encore aux autres. Pourtant, le théâtre est une science des autres »
Avant de commettre l’irréparable, François s’impose donc cet exil. Quant à Boris, il peut désormais tranquillement se consacrer à ses études, son idée étant d’incorporer la prestigieuse école d’HEC. Fabien Remblier se souvient de départ, qui n’a surpris personne à l’époque : « Boris fut le premier à quitter la série. Depuis longtemps il disait que les épreuves du bac sonneraient pour lui la fin des tournages. Il se tint à cette résolution et ne fit pas partie des pleurnichards qui revinrent en rampant après quelques semaines loin des plateaux d’AB. » Il était de toute façon évident que Boris n’était pas destiné à devenir un jour comédien professionnel. Très vite en effet, l’interprète de François avait prévenu en quelque sorte son incompatibilité avec le métier d’acteur : « Je ne crois pas encore aux autres. Pourtant, le théâtre est une science des autres. »
« Personne ne réussit véritablement à prendre sa place lors de son départ »
La sortie de Boris marque un coup dur pour l’esprit et l’humour de la sitcom. Personne ne le remplacera vraiment, du moins jusqu’au « transfert » de l’excellent François Rocquelin du Miel et les Abeilles à Premiers Baisers. En attendant, les scénaristes ont tout tenté pour trouver un « remplaçant » à François, sans réussite. Bernard, incarné par David Talbot, est certainement le personnage le plus proche de François, du moins sur le plan physique.
Mais le nouveau « compagnon » d’Odile n’a jamais su tirer son épingle du jeu. Résultat : Si Bernard est lui aussi un nerd à lunettes, la comparaison s’arrête là : il n’a aucun humour, aucune folie. Il ne tente rien vis-à-vis des filles. Pire, il ne sait même jouer au flipper. Une catastrophe. C’est aussi ce que pense Fabien Remblier, concluant sur Boris : « Personne ne réussit véritablement à prendre sa place lors de son départ. »
Le bref retour de l’enfant prodigue
Toutefois, si Boris change définitivement de vie après son départ de Premiers Baisers, il profite de ses vacances pour accomplir un aussi surprenant qu’inespéré guest de trois épisodes dans Premiers Baisers. Il faut ainsi attendre l’épisode n°234 « Retours » pour revoir enfin François à la cafète ! A l’écran, les retrouvailles sont plutôt émouvantes et l’ambiance paraît excellente sur le plateau. Boris semble en pleine forme, tout comme François visiblement heureux dans sa nouvelle vie en Suisse. Mais le nerd n’a pas changé, bien au contraire. Il découvre pour la première fois Virginie, la cousine de Justine qui a remplacé Debbie. Encore une fois, François n’a besoin que d’une seconde pour tomber fou amoureux de la Toulousaine. François quitte une nouvelle fois la sitcom, avec la promesse de venir un jour chercher Virginie et lui offrir un tour du monde…
Le retour de François est malheureusement bien court. Il faut dire que beaucoup de temps s’est écoulé depuis son départ fracassant. Pour mieux s’en rendre compte, il suffit de regarder à nouveau le bêtisier de la sitcom : la plupart des scènes où figurent Boris sont issues de ce guest. On peut constater que l’exilé a beaucoup de difficultés à donner la réplique. Pire, en provoquant les fous-rires de Magalie ou de l’équipe technique, Boris montre d’ostensibles signes d’énervement, allant jusqu’à oublier le nom de la comédienne Virginie dont il vient, il est vrai, de faire la connaissance. Preuve néanmoins qu’en privilégiant à juste titre ses études, Boris a perdu la main en ce qui concerne les tournages d’une série télé.
L’ultime demande en mariage
Une trentaine d’épisodes plus tard, Boris fait son ultime apparition dans la sitcom. Cette fois, il trouve en la personne d’Ary un alter ego nerd de son niveau. Les deux losers sont en vérité amoureux de la même fille, Virginie. Mais François fait la rencontre d’un rival d’un tout autre calibre, un certain Anthony, appelé par la suite à jouer un grand rôle dans la série. Les nerds fomentent alors une alliance contre le minet, tandis que François passe à l’attaque. Il va jusqu’à demander à Monsieur Girard la main de sa nièce, comme il avait déjà pu le faire par le passé vis-à-vis d’Hélène, de Justine et même de Debbie ! Gêné mais incapable de dire non, Monsieur Girard est vite rassuré quand François se rend compte qu’un mariage, c’est « beaucoup trop de responsabilité. » Il exhorte donc tant à Monsieur Girard qu’à son ami Ary de veiller en son absence, de façon à ce que Virginie n’épouse personne. Du moins, le temps qu’il finisse ses études. L’aventure de François s’achève sur ces belles paroles, et malheureusement, on n’entendra plus jamais parler de lui.
Du sitcomédien à psy, le grand écart
Quant à Boris, il se fait très discret depuis ses années sitcoms. Revenu à l’anonymat le plus total, il a manifestement réussi brillamment ses études en psychologie. Grâce à la magie d’internet, on sait qu’il est désormais un psychologue reconnu. Nul doute qu’il profite encore aujourd’hui de son expérience au sein d’AB Productions pour prodiguer de précieux conseils sur le harcèlement psychologique et la gestion de groupe aux jeunes qu’il côtoie.
Mieux, des photos de lui ont tourné sur la toile. Résultat : Boris a foutrement bien vieilli, et est devenu un sacré beau gosse. Comme disait si bien Franck Ribéry, « la routourne a tourné ».
1- Toutes les citations de Boris sont extraites des interviews de trois articles :
François le farfelu, Dorothée Magazine, 1992.
François, Les Stars du Club Do, 1992.
Boris le réfléchi, Télé Club Plus, mars 1993.
Discussion7 commentaires
Quoique le ridicule est aussi l ‘ épisode ou la petite bande s ‘ amuse à crée un jeu vidéo
J’avais, et j’ai toujours, une grande sympathie pour le personnage déjanté qu’était François, et aujourd’hui encore quand je visionne de nouveau des épisodes je m’amuse bien. Je n’étais certes pas aussi hors normes durant mon adolescence, mais tout comme lui je n’étais pas un tombeur, et les quelques demoiselles qui s’intéressaient à moi n’étaient pas des mannequins (enfin je ne l’ai jamais été non plus). Mention spéciale pour Odile également, dont l’attachement à François est somme toute assez touchant. Merci à vous pour ce bel article !
Concernant l’amour éternel de Miss Odile pour son François, j’aime beaucoup cet épisode, et surtout son final :
https://www.youtube.com/watch?v=GD8k-Gm9XQU
En fait l’actrice était plutôt mignonne, et dans « Le Miel et les abeilles » elle n’a pas la même voix un peu simplette, absence d’appareil dentaire oblige… dans cette sitcom elle s’appelle Karine et est créditée sous le nom d’Esther Eyguen (et non Esther Legros).
Je pense que c’est faux. Ce mec était dans mon lycée, à Suresnes, et il était gris comme les murs. Je ne l’ai jamais approché, mais c’est la réputation qu’il avait, un mec trop sérieux, il n’avait pas l’air d’être trop un marrant. S’il avait été déjanté en public, ça serait su. Par contre, dans son petit groupe d’amis, ça je n’en sais rien.
M’enfin, il a toujours été beau !!! Chez AB, il n’y a pas de moche. Il y a des mecs (et des filles) mal fagotés et préparés pour être le loser, mais des vraiment moches, non.
Une inexactitude, dans cet article : « A l’instar d’Annette qui fantasme sur Roch Voisine, François a aussi sa « copine » imaginaire : Kim Basinger, le Top model phare du début des années 90. » Sauf que Kim Basinger est actrice, et pas top-model. Disons qu’elle était « le sex-symbol du début des années 90. »
L’histoire est fascinante et ce Boris semble un véritable cas à part dans l’univers AB.
Toutefois, on peut se demander si certains détails ne relèveraient pas du simple fantasme. Fabien Remblier, le principal fournisseur d’infos à ce sujet, semble ne pas avoir connu ni compris sérieusement Boris et son jugement sur lui reste personnel et relatif. Il a peut-être interprété certains comportements étranges en y voyant sa version des faits mais rien n’est confirmé.
Parce que franchement, un mec de Premiers Baisers qui n’aime pas les baisers et ne s’entend avec personne mais reste quand même des centaines d’épisodes à jouer et revient ensuite tout heureux pour des guests ? Ça existerait vraiment un comportement aussi bizarre ?… Laissez-nous avoir des doutes…
Le jeu d’acteur de Boris est admirable et malgré quelques scènes ratées il faisait globalement preuve d’une énergie et d’un talent que d’autres acteurs de sitcoms pouvaient lui envier.
Sa timidité, certainement assez réelle dans la vie civile à l’époque, est exagérée. Un vrai timide maladif, je le suis moi-même et j’en ai connu d’autres comme ça, ne pourrait JAMAIS jouer la comédie dans une série comme l’a fait Boris. Impossible.
Le vrai timide névrosé pratique l’évitement systématique des situations stressantes où il va se sentir jugé et regardé par les autres. Il va peut-être avoir assez d’énergie et de volonté pour essayer un certain temps de surmonter ce stress mais il ne tiendrait pas des centaines d’épisodes à un rythme survolté et harcelé par des collègues bizuteurs comme chez AB… Cette situation est rigoureusement impossible, à moins que le gars n’ait été forcé et contraint, voire menacé de le faire, mais Boris était sain d’esprit et libre de continuer ou pas.
Les chanteurs et acteurs soi disant très timides c’est un des grands mythes de notre époque. Soit les gens les croient ainsi par jugement erroné, soit ces artistes cultivent délibérément cette image fausse parce que ça les arrange. Mais il n’y a pas de réalité là dedans.
Pour vivre de son image dans les médias et auprès du public il faut avoir un caractère déshinhibé/exhibitionniste ou alors être assez volontaire pour transcender une légère timidité, qui reste insignifiante devant le désir de se montrer et partager avec les autres. Sinon on ne se lève pas tous les matins pour aller bosser et donner de sa personne devant les caméras d’AB jusqu’au soir pour faire une sitcom regardée par des millions de gens.
À moins d’être complètement cinglé, inconscient ou drogué jour et nuit façont rockeurs 80’s que des producteurs traînaient de force sur les scènes du monde entier comme des marionnettes, troisième option…
Si Boris a tourné volontairement tant d’épisodes et a même accepté de revenir pour des épisodes spéciaux, c’est qu’il ne devait pas détester tant que cela l’ambiance des tournages. L’aspect financier aurait pu le faire rester mais même bien payé il n’aurait pas logiquement accepté tant de mauvais traitements sur une si longue période. Et le fait qu’il n’ait pas continué de carrière dans ce domaine ne prouve pas que c’était à cause de sa timidité, il a juste trouvé de meilleures choses à faire sans doute.
Enfin, le seul à savoir la vérité, c’est lui, et seule une interview officielle permettra peut-être un jour d’éclaircir un des grands mystères d’AB.