Ma série préférée reste les Nouvelles Filles d’à Côté… travailler pour Thierry Redler et les filles était un régal.
Patricia Bitschnau.
Nous avons eu l’honneur de nous entretenir avec Patricia Bitschnau, scénariste « maison » des sitcoms AB, des années 90 à aujourd’hui. Elle nous a présenté en effet un CV impressionnant, en participant à la (sainte) écriture de la majeure partie du corpus AB : Salut les Musclés, Miracle de l’amour, Vacances de l’amour, Filles d’à côté, Nouvelles filles d’à côté, Island Detectives, Extra Zigda, GREC, L’un contre l’autre, Années Bleues…etc. Patricia tient tout de même à préciser qu’elle est aussi auteur de « sept romans… et bien sûr les 200 épisodes de BDF (La Baie des Flamboyants), plus actuellement une pièce de théâtre en phase d’écriture. »
« Moi j’ai adoré faire ça… quelle détente intellectuelle ! »
Son entrée dans la « maison » AB s’est opérée par l’intermédiaire d’un « musclé », le sémillant Eric Bouad, inoubliable pour son accent aveyronnais et ses cassoulets: « Eric, un ami, m’a présentée un soir à Jean-Luc Azoulay. A l’époque j’étais attachée de presse, et je ne voulais plus écrire… JLA m’a rappelée le lendemain… » Cette expérience se révèle vite positive pour l’écrivain, et les épisodes s’enchaînent : «Moi je venais du journalisme et du roman et je me suis éclatée ! Je crois avoir écrit les trois quarts de Salut les Musclés et de La Croisière Folle Amour. »
Tout le contraire de son collègue Luc Florian, autre auteur de la sitcom des Musclés, refusant d’en parler encore aujourd’hui par pure honte. Patricia confirme : « Oui, je ne sais plus qui me l’a dit. Moi j’ai adoré faire ça. Et quelle détente intellectuelle ! Mais Luc a très peu écrit pour nous. » Il est vrai que Salut les Musclés n’était pas une série destinée à une quelconque épistémologie de la philosophie postmoderniste (quoique), mais elle avait le mérite de poser les bases d’une monumentale œuvre sitcomesque, qui va connaître son apogée dans les années 90, dans une sorte de « mystique stakhanoviste azouléenne ».
« Les années sitcoms » sont donc portées essentiellement par un homme, Jean-Luc Azoulay. Figure incontournable des années 90, il ne laisse personne indifférent. Patricia, comme tout le monde, reconnaît son audace : « Producteur-créateur-auteur, il fait tout ça magistralement bien JLA. »
« A son actif, elle indique qu’elle a créé P’tit gus »
Et l’écriture de Patricia dans tout ça ? Elle nous répond que sa marge de manœuvre était « totale, à moins qu’il y ait vraiment un sujet que JLA souhaitait traiter ! Un exemple : Jean Luc partait à L.A. ou à Nashville où il allait souvent, et il me laissait choisir ce que je voulais tourner… donc quand j’écrivais, il n’apposait même pas son OK-JLA ! On n’avait pas internet à l’époque, juste des modems… »
A son actif, elle indique qu’elle a créé « P’tit gus » et certains personnages des Garçons de la plage, d’Island Detectives, des Vacances de l’Amour. Bien sûr, elle précise que « JLA était l’auteur de ce qu’on appelle les « bibles », c’est-à-dire les grandes lignes, personnages principaux, résumé de l’histoire de base, arcs narratifs, et que rien à priori, ne se tournait sans son accord… »
« Pendant 15 ans, j’écrivais deux épisodes par jour, toutes séries confondues ; j’en ai environ 2000 à mon actif »
Quand on lui rapporte les propos de certains anciens d’AB, comme ceux de Fabien Remblier (Jérôme de Premiers Baisers), Christophe Rippert (Luc) ou encore Adel des 2be3, sur le côté manipulateur de JLA, jouant avec « ses » comédiens, en mêlant vie privée et sitcom, Patricia monte au créneau : « C’est du fantasme tout ça… Pendant 15 ans, j’écrivais 2 épisodes par jour, toutes séries confondues ; j’en ai environ 2000 à mon actif. Jean Luc ne me guidait pas pour l’inspiration, je pondais ça toute seule ! »
Pourtant Fabien Remblier dans son livre paru en 2006, « Les Années Sitcom », affirmait le contraire : « JLA voulait tout savoir de nous et fit un tour de table en demandant à chacun de nous donner des détails de notre vie. Chacun se présentait, détaillant son parcours et surtout, ce qui l’intéressait plus particulièrement, racontait ses aventures sentimentales (…), Jean-Luc prenait des notes ». Il ajoutait ensuite très clairement : « Les auteurs se servirent de nos personnalités pour donner corps aux textes suivants au fur et à mesure des épisodes. » Mais Patricia reste catégorique : « Jérôme (sic) se trompe et on ne l’a jamais vu lors des séances « séquenciers » avec JLA et les auteurs ! J’étais H 24 en contact avec JLA et j’ai du, à part sur les plateaux, le croiser une fois dans son bureau… Ce qui est étrange, c’est que les seuls à raconter n’importe quoi sont ceux qu’on a le moins vus ! » En outre, elle doute fortement de cette histoire de prises de notes d’Azoulay lors des dîners de prod : « En plus, Jean Luc ne prend jamais de notes ! Il a une super mémoire ! »
Pour Patricia, l’écriture était influencée par tout et n’importe quoi : « De Télé Matin, d’un conflit dans un café, de mes amours, des conneries de mon fils, d’un paysage… Une fois, JLA a voulu que j’écrive un épisode sur un Canadien parce que mon mari l’était, un autre épisode s’appelait « Sar Bischnou » et tout le monde se prosternait devant moi pour blaguer… il y a des tas d’exemples comme ça, mais on ne s’inspirait pas vraiment de la réalité, on y puisait des trucs, comme font tous les auteurs. »
« Quand les comédiens ne lisaient pas les textes en entier, on pouvait aller jusqu’à des clashs »
Et les rapports que les scénaristes entretenaient avec les acteurs ? Patricia témoigne : « Chaque fois qu’ils n’arrivaient pas à dire un truc, ils pouvaient changer, tant que ça ne nuisait pas à la suite de l’histoire, à l’idée… vous savez, on tournait 26 ou 52 minutes utiles par jour ! Du jamais vu à l’époque, et je crois bien que maintenant non plus… Mais non, vous ne pouvez pas faire une fixette sur le respect intégral de votre texte dans ces cas-là…»
Véritable « usine à sitcoms », le travail des scénaristes ne peut donc pas être l’objet d’une longue appropriation de la part des comédiens. En outre, on imagine mal des comédiens aussi médiocres, tels un Jérôme Fuselier ou une Karine Lollichon, pouvoir faire autrement. Dans un reportage de l’équipe de « Ça se discute » en 1996, on pouvait voir en « live » ce fameux moment où le sitcomédien rencontre son texte du jour. Christophe Rippert allait dans ce sens, en déclarant, narquois, au micro du journaliste : « On respecte quand même le texte, enfin l’idée, si tant est… enfin l’idée du texte, mais on y met voilà… chacun amène sa petite touche. »
Néanmoins, cette improvisation permanente peut engendrer de drôles de situations selon les dires de la scénariste : « La seule chose, c’est quand ce qui était dit n’allait plus coller avec la suite. Quand les comédiens ne lisaient pas les textes en entier, on pouvait aller jusqu’à des clashs. Ce que je n’aimais pas, c’était les comédiens qui décrétaient dès le matin qu’ils ne diraient pas ceci ou cela, par caprice… Un jour, je leur ai balancé un texte où il n’y avait que les prénoms de leurs personnages, et tout le reste était en blanc… à eux de jouer ! Évidemment, ce jour-là, le tournage a été annulé. Le lendemain, ils disaient correctement leurs textes… »
Le visionnage du reportage de l’équipe de Jean-Luc Delarue n’a fait que confirmer les dires de Patricia. On peut ainsi se délecter du chaos permanent qui règne dans les tournages de sitcoms. Dans celui des Années Fac, Caroline Louppe, la directrice attitrée des productions AB [1], parait ostensiblement consternée par l’attitude des sitcomédiens qu’elle observe depuis la régie : « Ils sont chiants, ils sont lourds (…), Il manque du texte, ils rajoutent des paroles n’importe comment. C’est nul (…), c’est pas que j’aime pas quand ils changent quelque chose, je trouve que des fois c’est inutile. C’est pas la peine de rajouter des choses pour essayer d’être drôle, parce que ça sert à rien, voilà. » Dans le viseur de la dirlo artistique, un certain Christophe Rippert, décidément bien en froid avec son texte : « Christophe c’était bien, mais… trouve la juste mesure, si t’en rajoutes, n’en rajoutes pas trop s’il te plaît. » Ou comment ne pas froisser l’égo des « stars AB ».
« Encore sortie des fantasmes azouliens »…
Au final, Patricia est catégorique : « Ma série préférée reste les Nouvelles Filles d’à Côté… travailler pour Thierry Redler et les filles était un régal… Quant à la sitcom L’un contre l’autre, je dirais qu’elle était encore sortie des fantasmes azouliens ! » Un bémol toutefois, sur les Vacances de l’Amour et sa cascade de prises d’otages : « Sur LVDLA, JLA nous a pas mal séquencées… (Bénédicte Laplace et moi) et qu’est-ce qu’on a râlé !!! » Bénédicte Laplace, justement, Patricia nous en dit quelques mots : « Blonde, grande, très cultivée, marrante et accessoirement handicapée. Elle a commencé sur « Pas de Pitié Pour Les Croissants… » donc avant moi. On était toutes deux directrices artistiques et auteurs salariés. Elle a dû écrire à peu près le même nombre d’épisodes que moi, peut-être plus parce qu’elle avait écrit Hélène et pas moi… » Bénédicte Laplace est effectivement une autre grande figure, injustement méconnue, de la « culture sitcom ».
En outre, Patricia a participé à la belle aventure des Années Bleues, série culte malgré les mauvaises critiques. En effet, plutôt subversive (pour une sitcom, ndlr) et largement inspirée de Friends, elle est toutefois avant tout un bide terrible. Elle a été notamment critiquée pour avoir changé l’esprit des personnages, comme celui interprété par Christophe Rippert. Patricia raconte l’envers du décor des Années Bleues : « Je ne me souviens plus très bien de cette série qui a fait l’effet d’une étoile filante dans le décor, à part pour la comédienne aveugle qu’on avait eu du mal à caster. Oui effectivement, je crois qu’on avait changé la personnalité de Luc… mais c’est vague dans mon esprit. Ça s’est arrêté avant qu’on ait le temps de se retourner et de faire une fin. La chaîne n’en a plus voulu, point ! Dans ces cas-là, on ne discute pas. On n’est pas les seuls à qui c’est arrivé… Mais c’est mieux quand on vous prévient, comme pour Seconde chance… ils savent… ils peuvent se retourner. « L’aveugle » était une idée de JLA qui voulait apporter quelque chose de différent… Si je me souviens bien, il avait voulu que Christophe soit un autre personnage tout en se prénommant Luc… on ne peut pas tomber juste à chaque fois ! »
Mais Patricia, pour notre plus grand plaisir, garde un bon souvenir de Christophe : « C’est un battant, il mérite le succès de sa nouvelle boîte… et s’il revenait sur le devant de la scène maintenant, je suis sûr qu’il serait un meilleur comédien. Il a pris en maturité, forcément. »
Pour finir, rester à lui poser la question fondamentale : pourquoi Gérard des Filles d’à côté (Gérard Vivès) finissait hétéro en épousant Stéphanie, la sœur de Claire ? « Pourquoi ? Une idée de JLA qui adore perdre les gens dans les labyrinthes de son esprit tortueux… Un gars qui a l’air PD et qui ne l’est pas, quoi de mieux. »
Pas mieux.
1- Caroline Louppe, interviewée sur le site « Une Idole », définissait son rôle chez AB : « Chez AB, être directrice artistique, ça signifiait être la Bible d’une série. Les réalisateurs changeaient souvent, il y avait Jean-Pierre Spiero, Gérard Espinasse, Ariane Gil… Le directeur artistique, c’était « la suite logique », la continuité… Je représentais ce que Jean-Luc Azoulay voulait pour chaque série. Et concrètement, je m’occupais des costumes et du maquillage. Je décortiquais les scénarios avec les accessoiristes pour identifier tout ce dont on allait avoir besoin sur le tournage. Du maquillage pour un œil au beurre noir, préparer un sac à dos si un personnage part au ski, coordonner les vêtements par rapport aux couleurs des décors… Et ensuite je m’installais en régie et je donnais des conseils de jeu aux comédiens. »
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