Quand on voit Fabien Remblier pour la première fois, il n’est pas facile, pour quiconque a eu une télévision dans les années 90, de ne pas voir Jérôme. C’est pourtant bien son nom, qu’il convient de retenir : Fabien Remblier. Comédien, auteur, réalisateur, il a tellement de cordes à son arc qu’il devient difficile de le qualifier.
Abécé, journaliste et ami de Fabien Remblier.
Il faut le dire d’emblée, les sitcomologues ont un lien très particulier avec Fabien Remblier. Son blog, son forum puis son livre ont été une véritable révélation pour la compréhension du phénomène AB et de facto pour la création de la sitcomologie. Encore en 2015, il reste le seul ancien d’AB à avoir réellement raconté ce qu’il a vécu, sans tabous ou presque, dans un livre entièrement autobiographique. Il a connu toutes les périodes des sitcoms, des Musclés à la fin de l’Empire AB. Enfin, il est à l’instar de son personnage Jérôme, un véritable gentleman, cultivé et surtout très drôle.
Il est nécessaire de rappeler que les chapitres mis en ligne par Fabien Remblier sur son blog en 2005 ont eu l’effet d’une véritable bombe dans le microcosme AB du net. Son forum a été un joyeux bordel (fermé en 2010), où l’on a pu enfin connaître l’envers du décor. Et quel décor ! Toutes ces longues années d’attente pour connaître une partie de la vérité, du moins la vérité remblienne. Le site de la sitcomologie s’est d’ailleurs attaché à utiliser sans discontinuer les multiples propos de Fabien Remblier dans ses divers articles, non sans parfois les nuancer.
Mais cette fois-ci, c’est Fabien Remblier lui-même qui nous intéresse. Pas la peine d’aller l’interviewer longuement. Tout est dans son livre : « Les Années sitcom ». [1] Malheureusement, les ventes n’ont jamais vraiment décollé. Aujourd’hui le livre en version papier est devenu rare, souvent hors de prix. Mais depuis 2014, l’œuvre est enfin disponible en format numérique.
« J’étais devenu comédien par hasard, j’avais continué par jeu, et je décidais d’en faire mon métier »
Comment Fabien Remblier est-il arrivé chez AB, comment est-il devenu Jérôme ? Pour y répondre, il faut remonter à l’enfance de Fabien. En effet, il est plongé dès l’enfance dans le mannequinat : « Je travaillais comme mannequin enfant depuis l’âge de onze ans. J’avais accumulé pendant ces trois ans des quantités considérables d’affiches, de publicités dans la presse et de pages de catalogues. Les catalogues ont l’avantage qu’ils permettent de travailler régulièrement, tant la quantité de photos demandées est importante. »
Très tôt rentré dans le monde du travail, Fabien est déjà un véritable petit adulte. Sa jeunesse et sa scolarité sont en conséquence vite perturbées : « Cette intrusion sur le marché du travail me permettait de commencer à gérer ma vie. De savants calculs afin de déterminer combien d’heures m’étaient nécessaires avant de pouvoir me payer des Rollers ou une chaîne Hi-Fi, tout en gardant suffisamment d’argent de côté pour payer les impôts. Rien à faire, je crois que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à me désintéresser de mes études. »
Le petit Fabien s’oriente peu à peu vers l’apprentissage de la comédie. De castings en castings, il finit par se faire une place dans une émission de télévision : « Ma première apparition se fit dans le cadre d’une émission sur la bande dessinée « La Bande à Bédé ». J’incarnais un personnage d’une bande dessinée dont j’ai aujourd’hui oublié le nom. L’histoire se déroulait sur un bateau, mais elle aurait pu se dérouler n’importe où ailleurs, je ne me serais pas senti plus à l’aise. Ce qu’il y a de terribles avec la caméra, c’est qu’elle capte tout et surtout vos défauts. Et ce jour-là, elle en a capté un certain nombre. »
Première casserole pour Fabien, mais malheureusement personne ne possède les images. Cette expérience initiale va néanmoins se révéler primordiale pour la suite de son parcours : « Le tournage dura un peu plus de deux mois et ce fut pour moi la découverte des vrais plateaux de cinéma et la révélation de ce que j’avais envie de faire plus tard. J’étais devenu comédien par hasard, j’avais continué par jeu, et je décidais d’en faire mon métier. » Plus réussie, sa première apparition au cinéma est remarquée dans le sympathique film de Gérard Jugnot, Scout Toujours. Avec sa petite trogne adorable, Fabien joue un gamin espiègle et avoue encore aujourd’hui s’être beaucoup amusé lors du tournage.
« Tourner en vidéo, c’était la honte absolue. Presque pire qu’une pub pour de la lessive »
Ironie de l’histoire, tandis que Fabien se passionne pour la réalisation, c’est vers le métier de comédien qu’il se dirige. Il enchaîne alors les tournages durant la décennie 80 avec plus ou moins de bonheur. Il est à l’affiche dans la série oubliée Chahut-Bahut, diffusée sur TF1. Fabien ne tarit pas d’éloges sur cette production : « La série Chahut-bahut, était une série en six épisodes dont la qualité aurait pu faire passer les sous-doués pour un film de Bergman. »
Fabien franchit un palier avec son apparition dans la série En Cas de Bonheur. Production ratée de TF1, qui s’auto-qualifiait de « Premier télé-roman français » (un projet initiée par Bernard Kouchner et Pascale Breugnot). Fabien prend alors un risque avec cette série qui fait tâche sur un C.V de jeune comédien : « En cas de bonheur fut mon premier tournage en vidéo. A ce moment-là, peu de projets se tournaient dans ce format et aucun comédien n’acceptait de dire, même sous la torture, qu’il aurait pu accepter de tourner en vidéo. C’était la honte absolue. Presque pire qu’une pub pour de la lessive. »
Mais lors de ce tournage, Fabien fait une rencontre totalement inattendue : l’amour. Il relate son expérience avec une pointe d’amertume : « Pendant ces dix mois de tournage, j’ai commis l’erreur de tomber amoureux de ma partenaire. Deux comédiens qui vivent ensemble se heurtent à de gros problèmes. Tant que les deux travaillent, tout va bien. Si l’un des deux ne tourne pas et court de castings en castings, la balance penche d’un côté. » Cette partenaire, c’est la fameuse Christine Lemler, celle avec qui Fabien Remblier vivra une relation mouvementée…
Après ces quelques mésaventures, un casting va changer brutalement la vie de Fabien Remblier : celui pour la sitcom Salut Les Musclés. Voilà comment Fabien raconte sa première apparition dans la maison AB, ou plutôt la « Maison du Bonheur ». Avec un simple coup de fil d’une certaine Anita, directrice de casting, Fabien se voit propulsé sans vaseline chez AB :
Anita : « – Fabien, tu connais la série Salut les Musclés ?
Fabien : – Non.
Anita : – Je cherche quelqu’un pour faire le petit copain de Justine.
Fabien : – Oui, mais je connais pas de toute façon…
Anita : – Ça t’intéresse ? Bon tu es un peu vieux, mais comme tu fais très jeune, ça devrait passer. Il y aura un ou deux épisodes à faire.
Fabien : – Je ne sais pas…
Anita : – Tu en regardes un et tu me rappelles, il y en a justement un aujourd’hui. »
Pour Fabien c’est la surprise totale, puis la consternation : « Les Musclés ? Une bande de zazous qui gravite autour de Dorothée ? C’est à peu près tout ce que je savais. Lorsque j’ai vu de quoi il s’agissait, ce fut plutôt non. Non seulement il s’agissait de vidéo, mais également d’une sitcom… Quelle horreur ! Une sitcom… le genre le plus détesté du métier. Encore plus que les pubs de lessive en vidéo ! Et de plus c’était diffusé dans l’émission de Dorothée… Dorothée je l’adorais petit, mais je n’étais plus petit et il était de bon ton de trouver les émissions de Dorothée absolument nulles, surtout si, comme la majeure partie de ceux qui les critiquaient, on ne les regardait pas. »
Fabien Remblier accepte quand même, et incarne donc un certain Jérôme, le petit ami de Justine. C’est la nièce de Framboisier, un vicelard vivant avec ses quatre compères musiciens baptisés les « Musclés ». Dans cette maison de fous vit aussi une extraterrestre, Hilguegue, qui vient de la planète Vega. C’est une sitcom bordélique, dans laquelle mal jouer la comédie est érigé au rang d’art. Un summum de la nanardise.
« Salut les Musclés c’est un truc pour les mômes, personne ne me verra »
Fabien raconte les conditions de tournages catastrophiques et ahurissantes qu’il a vécu en compagnie des Musclés : « Le réalisateur effectuait pour chaque séquence une mise en place rapide et le moteur était lancé dans la foulée. Pas le temps d’approfondir les raisons de tel ou tel déplacement, encore moins de s’attarder sur la psychologie des personnages, les maîtres mots étaient : rapidité et lumière. Il était très important de rester dans la lumière. Il me paraissait difficile de ne pas y être tant le nombre de projecteurs poussés à fond était important donnant cette lumière si caractéristique des futures séries AB : un éclairage de vitrine de supermarché. »
Le jugement que porte le jeune comédien sur la sitcom est sans appel. Pourtant, Fabien s’intègre à merveille à l’équipe et n’a pas encore conscience qu’il vient de faire une rencontre capitale : « Les Musclés se révélèrent être sympathiques avec moi, l’équipe l’était tout autant. Je n’échangeais que peu de mots avec ma partenaire [Camille Raymond] qui n’avait que quatorze ans à cette époque. Elle m’avoua bien plus tard qu’elle avait embrassé ce jour-là un garçon pour la première fois, qui plus est devant une caméra. Le texte était ce qu’il était. Destiné à un public jeune et exagérément surjoué par les comédiens. Je n’avais pas l’habitude de ce genre de tournage et j’avais l’impression d’en faire trop. En fait, j’étais loin du compte. J’aurais dû forcer la dose encore plus. »
Fabien était donc déjà à l’époque lucide sur l’impact que le tournage d’une sitcom provoquerait sur sa jeune carrière de comédien. Mais fuite en avant ou folle inconscience, Fabien a préféré se voiler la face : « De toute façon, c’est un truc pour les mômes, personne ne me verra. »
Grossière erreur ! En outre, le producteur Jean-Luc Azoulay, satisfait du travail de Fabien, décide de faire encore appel à lui : « Quelques semaines plus tard, on m’appelait pour un nouvel épisode. Un texte palpitant ! Jérôme avait trompé Justine avec une autre. Justine douée de pouvoirs magiques, jetait Jérôme dehors lorsque celui-ci venait s’excuser, sous l’œil bienveillant des Musclés et de Hilguegue, qui arrangeait la situation. Jérôme et Justine se tombaient dans les bras, bref, tout allait bien. Un grand moment de télévision ! »
Après ce court passage chez AB, Fabien Remblier retourne à sa vie « normale » de comédien en galère, errant de casting en casting. C’est pourquoi quand AB le convoque une nouvelle fois pour une sitcom, Fabien n’est pas en mesure de refuser. Si la directrice des castings repense à lui, c’est parce que la nouvelle série est le spin-off de Salut les Musclés, centrée sur la vie de Justine, qui retrouve une vie normale chez ses parents. Fabien est logiquement appelé pour rempiler en tant que Jérôme, sans avoir à passer de casting.
Pourtant tout n’était pas gagné d’avance : « Je faillis ne pas être dans cette série. Le producteur, Jean-Luc Azoulay avait longtemps hésité à me garder car je faisais beaucoup plus vieux que Camille qui jouait Justine. C’est grâce à la pression de celle-ci que je devais m’embarquer dans cette aventure et je l’en remercie encore. »
« Je jugeais le titre Premiers Baisers ridicule… »
A l’époque, Fabien admet qu’il a énormément douté du projet. Entouré de comédiens peu, voire complètement inexpérimentés, tournant dans des mêmes immondes décors que Salut les Musclés, avec des textes minimalistes, Remblier avait effectivement de quoi flipper. Mais c’est le nom même de la sitcom qui lui faisait honte : « Je jugeais ce titre ridicule et, lorsque j’annonçais à mes amis que je commençais une nouvelle série, je feignais de ne pas en connaître le nom définitif tant celui-ci me déplaisait. »
A première vue, rien ne semble positif pour Fabien. Pourtant, il décroche enfin un premier rôle dans sa carrière. Et c’est en visitant les décors qu’il remarque l’avantage qu’il possédera sur ses futurs collègues masculins : « Le plateau 500 allait devenir notre plateau pour quelques mois. Je découvris un décor aux couleurs acidulées dont certaines parties n’étaient pas encore entièrement terminées. Tout au fond se trouvait l’appartement des parents de Justine. Une grande pièce avec un escalier au fond à droite et une cuisine. L’emplacement d’un canapé était marqué au centre du salon et ferait face aux caméras. Perpendiculairement se trouvait la chambre de Jérôme dont j’étais assez fier, étant le seul personnage à avoir mon décor attitré. Elle n’était pour l’instant qu’à l’état de carcasse, mais le volume semblait sympathique, avec sa fenêtre sur la droite. Juste à côté, le couloir du lycée n’avait rien d’exceptionnel si ce n’est ses casiers à l’américaine et qu’aucun lycée n’avait plus de couloir aussi propre depuis bien longtemps. »
Malgré son ironie habituelle, Remblier n’en oublie pas pour autant la concurrence et a conscience que le fait de posséder sa chambre sera un net avantage sur les Christophe Rippert et autres Boris Haguenauer. C’est ainsi qu’il raconte l’état d’esprit qui régnait avant même les tournages : « Nous n’en savions pas tellement plus sur nos personnages au départ, mais nous avions l’avantage des deux premiers épisodes sur Christophe… »
Les débuts de Premiers Baisers s’avèrent confus et chaotiques. La mécanique de la sitcom AB est encore en rodage. On tâtonne, on cherche le bon rythme. Les comédiens sont pour la plupart catastrophiques. Personne n’est dans le bon tempo. Fabien ne fait pas exception.
En outre, ce dernier avoue mener à l’époque une vie assez peu professionnelle. Du haut de ses 21 ans, il ne semble pas vraiment conscient du sérieux qu’exige le métier : « A cette époque, je vivais encore chez mes parents, je sortais beaucoup, pour ne pas dire tous les soirs. Il m’arrivait de rentrer sur le plateau en n’ayant eu que le temps de repasser chez moi prendre une douche. Le travail de la maquilleuse était alors indispensable. Ce qui est extraordinaire avec le maquillage, c’est que l’on arrive le matin avec des cernes jusqu’au menton, les yeux rouges, une atroce envie de finir, ou pour moi-même, de commencer sa nuit, et qu’après une heure de maquillage et de coiffure on se regarde dans le miroir en se disant « finalement, je ne suis pas si crevé que ça… » Mais quel travail de maquillage ! Cela tient parfois presque de la chirurgie esthétique… Et pourtant, passées les cinq minutes que l’on prend pour boire un café et la mise en place de la première séquence de la journée, une irrépressible envie de dormir reprend le dessus et là… l’horreur commence. Et tous les jours de tournage, l’horreur durait jusqu’au soir vingt heures, heure à laquelle je commençais à émerger et à être de nouveau en forme pour aller faire la fête. »
« J’essayais de me retenir de bâiller, en vain »
On ne peut s’empêcher de sourire en lisant les propos de Fabien. En effet, quand on travaille tous les jours, il faut dormir un minimum pour récupérer. Cela donne aussi une légère explication à la relative apathie de Jérôme dans Premiers Baisers. Il est en effet constamment impassible face aux crises de jalousies à répétitions de sa petite amie (et sa fameuse réplique monosyllabique du « Bah… Justine »). Et il est toujours impuissant devant les excentricités de son « meilleur ami » François, qui lui en fait voir de toutes les couleurs.
La liste des griefs que Jérôme pourrait avoir à l’encontre de François est potentiellement interminable : quand il « emprunte » et met à sac sa chambre pour y amener des filles. Pire, quand il explose sa sacro-sainte moto ou encore l’envoie dans des bastons improbables…etc. Souvent, le téléspectateur a tout simplement envie de secouer Jérôme. Qu’il pose ses couilles sur le flipper. Oui, parfois Fabien nous offre un personnage « mou du genou ».
D’ailleurs il raconte non sans humour sa lutte sempiternelle face à Morphée lors des tournages : « Je m’endormais partout, tout le temps, assis, debout, couché, dans un décor, en salle de maquillage ou dans ma loge, entre les prises, pendant les répétitions ou les relectures des séquences. Et le reste du temps, je bâillais. Je jouais mon texte en y mettant toute mon énergie, mais dès que je n’étais plus à l’image, j’essayais de me retenir de bâiller, en vain. Il existe un nombre incalculable de plans sur lesquels je bâille en croyant ne pas être à l’image. C’était oublier que nous tournions à quatre caméras dont une était en permanence divergée (…), de nombreuses fois, on m’a menacé de faire un montage de mes meilleures bâillements et de les diffuser, menace heureusement jamais mise à l’exécution car il y aurait de quoi tenir un long-métrage… J’ai donc décidé de sortir un peu moins (sic), les veilles de tournages. »
Après plusieurs mois de tournage, le couperet doit tomber. Premiers Baisers est enfin diffusée lors des vacances de Noël de 1991. Jamais Fabien n’a autant cogité : « Effondré devant mon écran de télévision, j’ai subi, plus que regardé, l’épisode numéro un qui s’appelait « le vrai baiser ». » Il est vrai que les premiers épisodes de Premiers Baisers sont terriblement affligeants. Tout est foireux, les comédiens sont nuls, il n’y a même pas de figurants, les intrigues sont trop gamines.
Bref, c’est une catastrophe. Fabien sent logiquement venir le bide : « Le début de la page de pub fut un moment éprouvant. Le téléphone a commencé à sonner et cela ne s’est arrêté que tard dans la soirée. Chacun d’entre nous a dû subir les commentaires acerbes et les compliments, en se demandant si ces derniers n’étaient pas un peu exagérés (…), jamais la diffusion d’une série ou d’un film dans lequel j’avais joué ne m’avait autant stressé. Je ne m’endormis que tard dans la nuit, attendant avec impatience de pouvoir téléphoner à AB le lendemain afin de connaître l’audimat que nous avions eu. »
« On ne peut pas se permettre de mépriser le public, même lorsque l’on est de mauvaise humeur, malade ou simplement fatigué »
Pourtant, à la surprise générale, c’est l’inverse qui attend Fabien et ses collègues. Le succès est instantané, la sitcom est arrivée au bon moment et au bon endroit. Selon lui, Jean-Luc Azoulay « exultait ». C’était sa réussite personnelle, son projet fou devenu réalité et avant tout validé par le public.
Fabien et ses petits camarades deviennent dans la foulée des vedettes. La télé et la presse s’emparent du phénomène. On peut voir la trogne de ces jeunes comédiens partout dans les médias. La vie de Fabien est complètement chamboulée : « Je découvrais, comme les autres, ce qu’est la vie d’un personnage public. Plus moyen de sortir de chez soi inaperçu, plus moyen de faire ses courses tranquillement. Mais surtout, il faut savoir rester disponible pour ceux qui viennent vous adresser la parole. »
Car oui Fabien possède quelques valeurs. C’est un comédien qui a connu les galères inhérentes à la vie d’un jeune en quête de travail. Il a connu les projets foireux, les séries disparues de l’histoire de la télévision. Mais cette fois, c’est la bonne. Il ne compte pas oublier à qui il doit ce succès inespéré : « Je n’ai jamais compris l’attitude de certaines « stars » qui refusent de signer des autographes ou qui sont agressives avec le public. Ils oublient souvent que sans ce public ils ne sont rien. Et bien souvent, ceux qui se permettent ce genre de choses ne sont, à la base, déjà pas grand-chose. Moins ils sont connus, plus ils sont désagréables. Il n’y a pas d’explication rationnelle à cela. A croire que l’amabilité vient avec le succès. On ne peut pas se permettre de mépriser le public, même lorsque l’on est de mauvaise humeur, malade ou simplement fatigué. Le public est là, il nous regarde et nous aime, et il ne comprend pas qu’une personne qu’il a l’habitude de voir tous les jours dans son salon ou dans sa cuisine voire pire, par le biais de son tube cathodique, puisse être désagréable dans la rue. Les gens ne connaissent que l’image que nous donnons à l’écran, qu’ils soient grands ou petits. Si nous brisons cette image par un comportement stupide, le public se détache et passe à autre chose. Difficile de rester populaire quand on est persuadé d’être une star. On n’apprend pas cela en France. Les cours de comédie, si tant est que la comédie s’apprenne dans un cours, ne sont pas là pour cela. Ils maintiennent leurs élèves dans une illusion, au même titre que la Star’Ac’, mais justifient leur pseudo respectabilité par des grands discours sur « le métier » et ce qu’il « faut » faire et surtout sur ce qu’il « ne faut pas faire », crachant sur tout ce qu’ils ne seront jamais. »
Cette belle envolée est largement empruntée à la rhétorique d’Azoulay. En effet, on apprend quand on rentre chez AB qu’il faut louer les qualités du public, parce que sans lui, « on n’est rien ». Tous les autres comédiens d’AB exprimeront exactement les mêmes propos, inlassablement. Une véritable « doxa azouléenne » s’institue de manière quasi formelle. Elle inspirera plus tard les productions de télé-réalités, elles aussi plébiscitées par le public et méprisées des médias.
« Je n’y appréciais ni les professeurs, ni les élèves qui étaient tous persuadés que s’habiller en clochard faisait artiste »
Cette ligne de défense, qui ne manque pas d’une bonne dose de mauvaise foi, apparaît entièrement justifiée à l’époque. Il ne faut pas oublier que les comédiens étiquetés AB souffrent gravement du regard de leurs collègues de la profession. Fabien Remblier raconte avec acidité et une pointe d’aigreur ses rencontres avec les comédiens en formation : « Ayant écumé un certain nombre de cours de théâtre, je n’en ai trouvé aucun qui me convienne. Je n’y appréciais ni les professeurs, ni les élèves qui étaient tous persuadés que s’habiller en clochard « faisait artiste ». C’est même bien souvent à cela que l’on reconnaît un comédien pur et dur à un comédien qui fait carrière. Le premier, à défaut d’avoir la reconnaissance du public, tente de lui montrer par son look qu’il est artiste, le second n’a rien à prouver, alors il s’habille normalement, parfois même bien. »
Fabien vit des moments relativement pénibles, jugé et méprisé par ses pairs : « De temps en temps, l’un d’entre eux se risquait à venir m’adresser la parole, aussitôt suivi par d’autres moins courageux qui restaient en retrait. Bien évidemment la conversation dérivait sur la télévision et immédiatement j’entendais les traditionnels « Comment peut-on jouer dans des merdes pareilles » ou des « De toute façon, ce n’est pas un travail de comédien. » Je regardais, presque avec pitié, toutes ces prétendues réincarnations de Gérard Philippe. » Certes ce n’est pas faux : les productions AB peuvent être difficilement considérées comme des grandes œuvres artistiques….
Autres critiques, toutes aussi violentes : celles des médias. Mais pas de n’importe quels médias : « Plus le public nous faisait un triomphe, plus la presse dite spécialisée et le métier nous crachaient dessus. » Effectivement, le succès télévisuel et culturel des sitcoms AB traduit sans le vouloir les clivages de la société, divisée grossièrement entre la « masse » populaire et une « élite » intellectuelle parisienne. Les comédiens d’AB sont à l’époque en première ligne des critiques, pas toujours très juste envers ces productions qui n’ont jamais prétendues aspirer à autre chose que le simple divertissement des enfants.
Fabien n’oubliera pas le déversement de critiques de mauvaise foi qui s’est abattu sur les productions AB : « Si on ne fait pas une émission culturelle diffusée à 23 heures ou un film que seuls trois critiques ont vu dans une salle dont la majorité du public n’a jamais entendu parler, personne ne veut vous applaudir alors que vous réunissez plusieurs millions de téléspectateurs tous les soirs. Ces gens vous taxent de populisme et de bêtise, et disent que l’un ne va pas sans l’autre, n’est-ce pas une façon de dire au public que l’on se moque de lui ? »
« Seul le public nous importait »
Oui, les sitcoms AB servent de repoussoir à l’intelligentsia parisienne. Ceux-ci crachent aisément dessus et le succès populaire ne fait que conforter ce dégoût. On ne peut alors s’empêcher de penser aux réflexions de Pierre Bourdieu dans son ouvrage sur la « Distinction » : « Les goûts (c’est-à-dire les préférences manifestées) sont l’affirmation pratique d’une différence inévitable. Ce n’est pas par hasard que, lorsqu’ils ont à se justifier, ils s’affirment de manière toute négative, par le refus opposé à d’autres goûts : en matière de goût, plus que partout, toute détermination est négation ; et les goûts sont sans doute avant tout des dégoûts, faits d’horreur ou d’intolérance viscérale (« c’est à vomir ») pour les autres goûts, les goûts des autres. » [2]
Dans ce sens, on peut suivre Stuart Hall, principal théoricien des « Cultural Studies », qui affirme que la culture peut se définir comme « le lieu de la lutte des classes sociales pour l’hégémonie » et donne une définition de la culture populaire comme étant « la manifestation de la lutte des classes dominées dans le champ culturel. » [3]
Et Fabien Remblier dans tout ça ? Probablement touché par la critique, il se réfugie dans la ligne de défense de la doxa AB : « La critique ne nous atteignait pas. Seul le public nous importait. Une critique est intéressante lorsqu’elle est constructive. Critiquer pour critiquer ne fait pas avancer les choses. Que l’on me dise que je suis mauvais, cela ne m’atteint pas. Que l’on m’explique pourquoi certaines personnes le pensent et ce que je pourrais faire pour m’améliorer, là il y a matière à échange et à discussion et cela devient intéressant et me fait progresser, car je saurais en tirer des conclusions bénéfiques. »
« Les pétasses siliconées de la place de Paris font tout ce qu’elles peuvent pour attirer l’attention. Et il y en a beaucoup plus que l’on ne peut le croire… »
En outre, pour Fabien Remblier, au-delà des considérations sociologiques, cette haine de la profession et des médias est aussi provoquée par la jalousie. Car oui, les séries AB cartonnent. Le phénomène dépasse considérablement les attentes des producteurs. Fabien, à l’instar de ses petits camarades, vit pleinement des années folles : « Nous fûmes bientôt submergés de demandes d’interviews, de rendez-vous avec des photographes et de cartons d’invitations à des soirées. Le rythme devint affolant. Nous courrions d’interviews en plateau de photo, nous enchaînions tournages et soirées, et parfois même soirée et tournage avec la même bonne humeur. Nous découvrions le succès et il faut tout de même avouer que c’était grisant. »
Effectivement, comment ne pas avoir la grosse tête alors qu’on enchaîne fêtes sur fêtes en tant que VIP, et que le public devienne dingue à la moindre sortie publique ?
Fabien, en témoin attentif, revient avec un détachement sur cet âge d’or : « Les soirées ont également leur lot d’événements comiques. Quel plaisir de naviguer entre des journalistes qui vous sourient, vous interviewent et vous prennent en photo, tandis que toutes les pétasses siliconées de la place de Paris font tout ce qu’elles peuvent pour attirer l’attention. Et il y en a beaucoup plus que l’on ne peut le croire… »
Malheureusement, on en saura pas plus. Fabien lui, n’a jamais été et ne sera jamais une rock star. N’est pas Anthony Dupray qui veut : « L’intérêt que je portais [à ces filles] était nul. A quoi bon espérer être plus intéressante parce que l’on a des seins gonflables et les lèvres plein de collagène ? Ça ne change pas le contenu du cerveau. » Dommage. Connaissant Fabien Remblier, on est forcé de le croire sur parole.
Le succès à la télévision est souvent éphémère. Si les audiences restent longtemps au rendez-vous, les stars AB finissent par lasser : « A cette époque, lorsque l’équipe de Premiers Baisers arrivait, nous étions accueillis avec les honneurs. Plus tard, nous étions accueillis par habitude, un peu comme des anciens combattants (…), maintenant nous n’existons plus, sauf pour certaines émissions « revival » auxquelles je refuse en général de participer. »
« Jérôme, Justine & Géraldine… arnaque, sexe et sitcom »
Et que dire du personnage qu’incarne Fabien dans Premiers Baisers ? Il est possible de périodiser ce personnage en trois grandes phases : une première, volage et insouciante. Ensuite, celle du Jérôme amoureux transi, séparé de Justine depuis son voyage d’études aux États-Unis. Enfin, celle d’un Jérôme infidèle, incapable de choisir entre Géraldine et Justine.
Jérôme est tout d’abord le séducteur attitré de la série. Flanqué de son meilleur ami François et de son rival/pote Luc, c’est Jérôme qui fait craquer les filles. Il possède les plus beaux blousons. Il est officiellement le meilleur au flipper. Surtout, il est le petit ami de celle qui est censée être la plus jolie de la cafète, Justine. Néanmoins, il est loin d’être le plus mature. Incapable de résister à une jolie fille, sa relation avec Justine est de nature typiquement collégienne, superficielle et dénuée de toute forme de sexualité.
De plus, Justine, très jalouse, passe son temps à gronder « son Jérôme ». Mais ce n’est pas tout. Il doit se coltiner l’excentrique François, véritable pot de colle auquel il ne peut rien refuser. Son meilleur ami passe ainsi le plus clair de son temps à exploser sa moto, emprunter ses fringues ou encore taguer son appartement. Trop bon trop con, Jérôme est la bonne poire de la série. Et cela ne fera qu’empirer par la suite…
Heureusement pour le téléspectateur, Justine finir par s’exiler aux States. Jérôme change alors de comportement. Il devient une véritable âme perdue. Ses potes tentent de le caser avec une nana de remplacement, pendant que la meilleure amie de Justine (Annette) fait son possible pour qu’il reste fidèle.
Avec l’arrivée de l’inoubliable Debbie, la cousine de Justine, Jérôme est à deux doigts de la tromper. Mais cette relation quasi incestueuse ne se concrétisera jamais. Jérôme n’est pas du genre à se laisser tenter par une débile quasiment asexuée. Non, Jérôme collectionne les flirts, change de nanas comme il change de slip Kiabi. On peut retenir l’inévitable Isabelle, mais aussi la petite bourgeoise Céline. Mais c’est surtout Géraldine qui marque les esprits.
La douce et charmante Géraldine, interprétée par Nathalie Dudeck, s’avère être en effet l’unique vraie rivale de Justine. Quand cette dernière revient définitivement des States, Jérôme passe une centaine d’épisodes de Premiers Baisers à jouer avec les sentiments des deux femelles. On le verra pendant une bonne cinquantaine d’épisodes « réviser » avec Géraldine, ce qui en langage AB équivaut à la fornication.
Le drame, c’est que non content de les dépuceler à tour de rôle, Jérôme est incapable de choisir entre sa Juju et sa Gégé. Après avoir finalement choisi la sémillante Géraldine, Jérôme continue son petit jeu malsain. Ainsi, quand Justine flirte avec Anthony ou un certain Fabien (Jérôme Fuselier, le frère de Géraldine), Jérôme est fou de jalousie. Mais lorsqu’il ressort avec Justine, c’est pour mieux recraquer sur Géraldine. Bref, Jérôme est un séducteur, incapable de rester fidèle.
La fin de Premiers Baisers donne les indications sur ce que le personnage de Jérôme vivra dans les Années Fac : après avoir laissé Luc, Anthony et Daniel squatter sa chambre de bonne, Jérôme se laisse dominer par Justine, qui met les garçons dehors : « Parce qu’on est jamais tranquilles ici ». Ceux-ci trouvent alors par l’entremise de Monsieur Girard un nouvel appartement, le futur mythique baisodrome des Années Fac. De ce fait, Jérôme perd le fameux monopole de posséder sa propre habitation, qu’il doit partager désormais avec le triumvirat Luc/Anthony/Daniel.
Toutefois, la « chute » de Jérôme ne viendra que plus tard, avec la fin (provisoire) du couple Justine/Jérôme. Quant à Géraldine, son personnage disparaîtra tout simplement à la fin de Premiers Baisers. Telle était la vie précaire d’un comédien chez AB Productions…
« Ce type de contrat n’est pas légal, et nous ne le savions pas »
Dans son autobiographie, Fabien explique l’envers du décor d’AB. C’est-à-dire, le côté obscur du management de la Maison du Bonheur. Pour Claude Berda, l’omnipotent patron d’AB, les comédiens coûtent chers. Business is business. Fabien raconte l’incroyable tentative du magnat, visant à changer la nature des contrats des comédiens made in AB par le biais de l’exclusivité : « Pour un comédien, une exclusivité peut être une très bonne chose, tout comme elle peut être la pire de toutes. Être sous contrat d’exclusivité, cela voulait dire, ne plus se soucier de l’avenir, avoir des revenus fixes, ne plus être intermittent. Mais cela voulait également dire que l’on nous interdisait de tourner quoi que ce soit ailleurs, ce qui à l’époque nous paraissait impensable. Nous espérions tous mener notre carrière de comédien en parallèle, du moins pendant les jours libres qui nous restaient. Avec le recul, il me semble que cela n’aurait pas changé grand chose à la situation actuelle, tant il est difficile de se défaire de l’image qu’AB nous a laissée. »
Les comédiens, sous l’égide du tandem Remblier/Raymond, refusent donc ce nouveau contrat. Et les révoltés obtiennent gain de cause ! Mais l’apparent triomphe laisse vite place à la désillusion : « Nos contrats prirent alors une forme différente de celle qu’ils avaient eu jusqu’à présent. Nous devions désormais signer des contrats pour chaque jour de tournage, et non plus par période. Les anciens contrats nous garantissaient un minimum d’épisodes sur une période donnée. Les nouveaux contrats étaient moins sécurisants, mais nous croyions avoir sauvé notre liberté. »
Cette indépendance a donc un coût : les comédiens de Premiers Baisers vivent désormais dans une véritable précarité. Les scénaristes ont tout pouvoir, n’importe qui pouvant être envoyé en Finlande ou tout simplement effacé du scénario, sans explication. Seule l’affection du public, quantifiée par le nombre de disques vendus ou par le nombre de lettres envoyées, peuvent dorénavant les sauver : « Sans le savoir, nous venions de leur offrir la possibilité de faire disparaître un personnage sans préavis. Il suffisait de ne pas le mettre dans le texte. Aucun contrat n’existait plus pour garantir un nombre minimum d’épisodes. AB n’avait plus de contraintes financière envers nous, mais ce type de contrat n’est pas légal, et nous ne le savions pas. »
« Je rêvais d’une musique loin des guimauves que chanterait Christophe Rippert »
Heureusement pour un comédien AB de l’époque, le salut ne passe pas uniquement par la comédie. La plus évidente possibilité pour occuper son temps libre est la musique. Une grande partie des comédiens de Premiers Baisers va ainsi se lancer avec plus ou moins de succès (et de talent) dans la chanson, poussé par l’avidité des producteurs.
Fabien Remblier, à son tour, tente sa chance. Mais il va très vite déchanter : « Mon rêve était de chanter du rock. Fan de Noir Désir, de Bowie et de tant d’autres références dans le monde du rock français et international, je ne me voyais pas chanter des bluettes pour adolescentes. J’avais envie de créer l’image de Fabien, à des années lumières de celle de Jérôme. Je rêvais d’une musique un peu sombre et de paroles mélancoliques, loin des guimauves que chanterait Christophe Rippert. »
Fabien Remblier, vrai passionné de musique, est aussi un modeste musicien : « J’eus une fois l’occasion de monter sur la scène de Bercy avec les autres comédiens de quelques séries, lors de la dernière d’un concert de Dorothée à Bercy. Sébastien Roch avait pris la place de Minet à la batterie. Je me retrouvais à la basse. Quel plaisir de jouer devant mille personnes. J’avais donc moi aussi l’envie de faire quelque chose dans la chanson. »
Ces belles aspirations vont être cependant rapidement freinées par la maison de disque d’AB, pas vraiment branchée par David Bowie et le son rock en général. Comme nous l’avons déjà raconté dans notre chronique sur l’album Juste ses Mots de Christophe Rippert, Fabien Remblier n’a pas été séduit à l’idée de chanter sous l’égide du duo Azoulay/Salesses. Il décide alors de se lancer lui-même dans la chanson, par son propre réseau, avec le son qu’il souhaite produire. Il sort un album passé totalement inaperçu à l’époque, « Sign Here ». Fabien montre une fois de plus qu’il n’est pas une star AB comme une autre.
« Nous représentions à leurs yeux ce qu’il peut y avoir de pire dans les métiers du spectacle et de plus, nous monopolisions l’attention »
Une autre occupation hors plateaux pour un comédien d’AB est à chercher dans le joyeux univers des festivals. Fabien devient un habitué du milieu. Mais là encore, la vie n’est pas simple pour un comédien de Premiers Baisers. On y retrouve les mêmes tensions dues au succès d’AB : « Nous fîmes une forte impression sur les festivals et son public, mais pas du tout auprès des professionnels français. Après tout, nous n’étions « que » des comédiens de sitcom, et ces braves gens, très à cheval sur leurs privilèges de « cinéastes », se demandaient comment nous avions pu être également invités. »
Fabien et ses camarades vivent parfois des moments difficiles et humiliants, face à des « collègues » dont l’hypocrisie est sans limite : « J’ai le souvenir extrêmement désagréable d’avoir rencontré Romane Bohringer et Emmanuelle Seigner qui ne supportaient pas de voir le public nous réclamer et pire encore, de voir que les professionnels américains sympathisaient également avec nous. Emmanuelle avait dû certainement oublier que sa sœur, Mathilde, avait débuté dans un épisode des Musclés… Nous représentions à leurs yeux ce qu’il peut y avoir de pire dans les métiers du spectacle et de plus, nous monopolisions l’attention. »
Une autre anecdote de ce type prouve bien à quel point la vie de ces comédiens a pu être délicate au sein de cette micro profession : « Un soir, je me retrouvais attablé avec Laly Meignan. Clotide Courau et Tom Novembre firent un geste de dégoût en découvrant qu’ils devraient partager leur déjeuner avec nous. Clotilde Courau, qui était encore loin d’être une princesse, essayait à l’époque de se donner une image de rebelle en ponctuant ses phrases de « merde » et de « putain », crachant sur la « bourgeoisie de province ». »
Fabien admet néanmoins qu’il a pu faire de belles rencontres, avec des producteurs américains notamment, forcément insensibles à l’étiquette AB. Alain Delon est aussi mentionné pour sa gentillesse et son absence du préjugé (bien qu’on se doute que Monsieur Delon soit prêt à parler avec n’importe qui, tant qu’il puisse parler de lui…)
« Nous avons bu dix-sept bouteilles à cinq, sans compter tout ce que nous avions bu dans la journée »
Toujours aussi piquant, Fabien se moque des festivaliers et de leur comportement : « Ceux qui vous diront qu’ils vont dans un festival pour voir des films sont des menteurs. Dormir pendant la projection, à la rigueur, mais voir des films… car le festivalier a deux préoccupations principales dans la journée : boire et manger. Boire et manger à un niveau phénoménal, quelque chose de gargantuesque, bien au-delà du sens commun… »
C’est que Fabien a lui aussi ses anecdotes digne de Rabelais : « En 1996, alors que je me retrouvais avec Renaud Roussel et François Rocquelin à Gérardmer, nous avions sympathisé avec le gérant de l’une des boîtes de nuit qui devait avoir sensiblement le même âge que nous. Il nous recevait tous les soirs dans son établissement et nous offrait le Champagne. Les coupes succédaient aux coupes et lors d’une des soirées, nous avons bu dix-sept bouteilles à cinq, sans compter tout ce que nous avions bu dans la journée. »
Enfin, la dernière occupation pour un comédien d’AB est la promo. Et il ne faut pas la sous-estimer. En effet, combien de fois a-t-on pu voir les comédiens des sitcoms présents sur les plateaux du Club Dorothée, chantant, dansant, acceptant sans broncher les innombrables interviews sans intérêts ou encore les pitreries des animateurs ?
Paparazzi, Lemler, Classe Mannequin…
Pour les comédiens les plus adulés du public, ajoutons un autre devoir : gérer la presse. Même un Fabien Remblier a dû subir les joies des paparazzades. A l’époque, sa romance avec Christine Lemler fait parler. Le reportage que Télé Club Plus consacre au couple, lors d’un voyage à New-York en 1993, décrit le bonheur apparent du couple. Christine Lemler connaît alors un certain succès avec la sitcom concurrente d’M6, Classe Mannequin. Mais le couple vit mal cette situation.
Fabien finir par comprendre, désabusé, que sa compagne ne souhaite plus s’afficher avec lui, à cause de l’étiquette AB. Pourtant, quelques mois auparavant, Lemler avait accepté de participer à un épisode de Premiers Baisers (épisode n°31, « Une star de pacotille »).
AB devient en quelque sorte une véritable malédiction pour Remblier. La situation se complique rapidement : « Seule la rédactrice en chef de « Salut ! » réussit à faire changer d’avis Christine. Elle nous proposait un reportage à New-York pendant quatre jours, dans lequel aucune allusion à notre vie commune ne serait faite. L’article serait tourné de telle sorte que l’on aurait l’impression qu’elle était partie avec le journal à New York et que l’on se serait croisé par hasard au pied de la Statue de la Liberté. Je jugeais le procédé ridicule, d’autant plus que d’autres propositions de voyages me tentaient plus, mais ce fût le seul moyen que la rédactrice du magazine trouva pour la faire plier. »
Situation merdique qui empire quand Fabien découvre la vérité, forcément dure à avaler : « Je compris plus tard qu’elle ne voulait pas que nous soyons assimilés l’un à l’autre, tant elle espérait protéger sa célébrité naissante. » Le couple ne survivra pas à cette hypocrisie sous fond de concurrence entre sitcom. L’ironie de l’histoire est que Christine Lemler ne deviendra jamais une star, pas même dans Classe Mannequin, puisque c’est Vanessa Demouy qui restera à jamais l’icône de la sitcom culte d’M6.
« Le début des Années Fac, fut surtout pour mon personnage, le début de la fin »
L’année 1995 marque un tournant dans les « Années Sitcom » de Fabien Remblier. La sitcom Premiers Baisers s’achève à peine que commence les Années Fac. Dans cette suite, Jérôme perd peu à peu son leadership : « Avec les Années Fac, certains personnages qui n’étaient qu’annexes vont prendre de l’importance avec la création de nouveaux décors. Jérôme perd sa chambre au profit d’un studio qu’il partage avec Justine. Luc et Anthony, bientôt rejoints par Daniel, occupent également un studio. »
Certes, les Années Fac ne marquent pas une nette cassure pour le personnage de Jérôme. Quasiment marié avec Justine, il est toujours le pépère étudiant portant ses éternels pulls rayés.
Mais lorsque Justine finit par le quitter pour son rival Anthony, on assiste à une véritable passation de pouvoir : « Le début des Années Fac est également le début d’un gigantesque chassé-croisé sentimental entre les personnages, assorti du même chassé-croisé concernant l’occupation des studios (…), mais le début des Années Fac, fut surtout pour mon personnage, le début de la fin. » Effectivement, c’est le personnage d’Anthony qui va, étape par étape, prendre la place de Jérôme. Il est désormais officiellement le meilleur pote de Luc et le petit ami de Justine.
Surtout, c’est à son tour d’être le grand séducteur de la sitcom : « Lors de leur arrivée, Anthony et Daniel n’avaient pas de statut particulier. Leurs personnages, finalement assez insignifiants, étaient à peine plus importants que les guests qui se succédaient au fur et à mesure des épisodes. Les Années Fac leur apportèrent une certaine consistance et assez rapidement, leurs deux rôles prirent de l’importance. »
Pour Fabien, le responsable de ce changement est tout trouvé : c’est bien entendue Ariane, qui avec son mari de l’époque Rémy Sarrazin, pratique un lobbying tout puissant pour son poulain : « Premiers Baisers avait tourné autour de quelques personnages dont l’importance était plus ou moins égale, mais dans les Années fac, la multiplication des rôles allait donner lieu à des changements subtilement orchestrés par JLA et par Ariane, qui défendait son poulain Anthony. Ce fut à partir de ce moment que mon personnage prit de moins en moins d’importance, ce qui, au fond, me convenait parfaitement après presque cinq années de tournage sans interruption (…), suite à cette bagarre, les apparitions de mon personnage se limitèrent pendant des semaines à un seul décor : la chambre d’hôpital. JLA ayant installé Anthony avec Justine, cela lui permettait de me garder sans trop se poser de questions : pas besoin d’appartement pour Jérôme, il est hospitalisé… »
« J’étais devenu un expert du fauteuil roulant, capable de traverser les 1000 mètres carrés du studio sur lequel nous tournions en ne roulant que sur les roues arrières »
Ce dont fait mention Remblier correspond à la véritable rupture de la série. Le fameux épisode « Le Coup Mortel ». Moment clé puisque Anthony, en mettant au tapis Jérôme, met aussi son concurrent hors-jeu de la sitcom. Certes il faut apporter une nuance importante, car Jérôme parvient à remettre la main sur Justine, et par deux fois. Mais le grand vainqueur de ce combat de longue haleine demeure le karatéka excité, enfin débarrassé de son rival dans la vie comme dans la série. A ce propos, Fabien nous confiera sans rire que lui et Anthony ne se sont « plus parlés depuis 1995 (sic). »
Pour le personnage de Jérôme, les épisodes qui succèdent à la bagarre sont sans conteste ceux de la lose. Encore aujourd’hui, Fabien est amusé par ce tournant, qui a révélé l’ampleur de sa fainéantise : « Il est difficile de garder un personnage à l’hôpital, qui plus est paralysé, sans trop plomber l’ambiance de la série et surtout sans tourner en rond. Les scènes de visite des copains dans la chambre s’épuisaient vite, il fallait donc faire sortir Jérôme de là. JLA avait l’idée de génie : la chaise roulante. Jérôme encore un peu paralysé, mais déjà beaucoup moins, allait-il pour voir se déplacer et reprendre sa place ? En partie seulement. Avoir un personnage en fauteuil roulant limite les possibilités, même si en quelques jours j’étais devenu un expert du fauteuil, capable de traverser les 1000 mètres carrés du studio sur lequel nous tournions en ne roulant que sur les roues arrières. Le fauteuil ne me déplaisait pas. Il me permettait de tourner assis l’intégralité de mes séquences ce qui était le plus souvent considéré comme une chance. Personne n’aimait tourner debout. Il faut croire que nous étions tous devenus fainéants ! »
Une vraie idée de la décadence transpire à la lecture de ces souvenirs de Fabien Remblier. C’est pourquoi JLA tente de sauver la face de son vieux personnage, non sans une certaine perfidie : « Jean-Luc fit une tentative pour sauver mon personnage en lui jetant Sandra, jouée par Aurore Brunel (…), mais qui devint la fille à abattre, la croqueuse d’homme, celle qui se complaît dans la luxure, la multiplicité des partenaires et une sorte de sadomasochisme chez à Jean-Luc. En n’y réfléchissant, elle n’eut pas plus de partenaires que Justine, mais contrairement à Justine, éternellement amoureuse, Sandra consommait les hommes sans les aimer. »
Oui, Jean-Luc met le doigt là où ça fait mal. Fin psychologue, il nous montre un Jérôme blasé, faible, bouffi. Car le Fabien de l’époque n’était pas au mieux. Il traîne son spleen à la cafète ou à la salle de sport, n’ayant même plus de logement pour décor. Pire, il en vient à accepter les figurantes dont son rival Anthony ne veut plus.
C’est pourquoi Fabien finit par voir son personnage disparaître de la série, sans que l’on puisse vraiment s’en apercevoir : « Jérôme, après avoir été le séducteur, n’en était plus à une rupture prêt. Après avoir perdu Justine, il perdit Sandra avant de perdre son rôle qui disparut pratiquement jusqu’à la fin de la série. »
La situation a beau être hypocrite, elle satisfait tant Fabien que les scénaristes de la sitcom : « Pendant plusieurs semaines, le rythme des tournages devint moins régulier pour moi. Les assistants me téléphonaient la veille du tournage, en général en toute fin de journée, pour m’annoncer que je n’étais pas dans le texte (…), JLA essayait, d’après ce que les assistants me disaient, de trouver une nouvelle fiancée à Jérôme, mais il ne devait pas y mettre une volonté farouche, trop occupé à jouer avec le tandem Christophe-Anthony qu’il tenait à ses ordres, d’une main de fer. »
« Lorsqu’on tourne dans des nanars, il ne faut pas faire preuve d’une intelligence extrême pour savoir que cela risque de s’arrêter très vite »
De retour tout de même pour les deux derniers épisodes des Années Fac, Jérôme finit à la surprise générale par demander la main de Justine à Monsieur Girard. Clap de fin, pour un final très convenu. Remblier n’apparaîtra pas dans la suite les Années Bleues, qu’il juge (à tort) comme étant une vulgaire pâle copie de Friends. Pourtant, il explique avoir écrit quelques épisodes, qui ne seront jamais tournés. D’après lui, les fans boudaient la série car Justine et Jérôme n’étaient pas présents. JLA aurait opté pour leurs retours, mais le divorce entre TF1 et AB met un terme définitif à cette trilogie, désormais au panthéon des sitcoms AB. Dommage, voir Remblier dans le registre plus décalé des Années Bleues aurait pu être un grand moment.
La fin de l’année 1997 marque donc la fin entre l’histoire de Fabien Remblier et AB Productions. Grâce à la lucidité de Fabien, cette fin se fait en douceur contrairement à certains de ses collègues : « On n’est jamais préparé au succès et encore moins à l’arrêt de celui-ci. Cependant, soyons réalistes, lorsqu’on tourne dans des nanars, il ne faut pas faire preuve d’une intelligence extrême pour savoir que cela risque de s’arrêter très vite, surtout lorsque l’on a déjà tiré sur la corde pendant six années. »
Logiquement, Fabien se lance à nouveau dans les joies des castings. Néanmoins, il ne retrouve pas la même dynamique que lors de ses premières années dans la profession : « Sortir de chez AB c’était être pestiféré, que l’on soit comédien ou technicien. Nombreux l’apprirent à leurs dépens. »
Rembarré à chaque entretien, fiché comme un vulgaire produit AB dont la date de péremption serait dépassée, la carrière de comédien de Remblier s’arrête cette année-là. Ce n’est pas son rapide et ultime passage dans la production AB Les Vacances de l’Amour qui changera quelque chose.
Le tournage dans l’île de Saint-Martin reste d’ailleurs un souvenir assurément glauque pour Fabien, la fin d’une histoire dont il est temps de mettre un point final : « Plaque tournante de la drogue aux Caraïbes, l’île est le théâtre de tous les excès. Les comédiens qui vivaient presque à plein temps sur place ne rêvaient que de rentrer en métropole et m’accueillirent dans la joie, ravis de voir enfin une tête amie. Je logeais dans un hôtel en bord de plage dans lequel une maquilleuse s’était fait braquer quelques semaines plus tôt par un habitant de la ville voisine. Je suivais donc la double recommandation de ne rien laisser dans ma chambre et de vérifier plusieurs fois qu’il n’y avait personne sur le parking avant de sortir de ma chambre le soir. »
« Je n’avais jamais fait partie de la Cour de Jean-Luc Azoulay, je devais assumer mes choix »
LVDLA révèle une bonne fois pour toute à Fabien Remblier que son aventure avec AB est terminée. C’est pourquoi on ne le reverra plus jamais, ni dans la poubelle télévisuelle qu’est Sous le Soleil, ni dans Navarro, ni même en animateur sur IDF1 : « Ce fut pour moi la fin de l’aventure AB. De retour à Paris, je décidais de tourner définitivement la page, laissant à mes anciens camarades de tournage le soin de faire le siège de la porte du bureau de Jean-Luc Azoulay dans l’espoir de grappiller quelques miettes distribuées parcimonieusement. J’avais envie de me prouver qu’il y avait une vie après AB, même si je devais mettre du temps à me relever. Mais je voulais me relever seul. Je n’avais jamais fait partie de la Cour de JLA, je devais assumer mes choix. Fierté mal placée ou lucidité, je préférais galérer mais rester la tête haute que d’avoir le sentiment d’être et de rester un pion sur l’échiquier du génie de la télé (…), rares sont ceux qui avaient prévu la fin des tournages et le changement de niveau de vie que cela impliquait. »
Pourtant, il reste un ultime « épisode » que Fabien a tourné pour AB : celui du procès des anciens comédiens. En effet les contrats que Fabien Remblier et ses camarades ont signé avec AB n’étaient pas légaux.
Ce n’est qu’à la fin du tournage de la sitcom, lorsque Camille et Fabien relisent les contrats, que la supercherie est révélée : « Jugée en première instance aux prud’hommes, notre affaire déclencha une tempête dans le petit monde des producteurs, syndicat des producteurs en tête. La société AB fut condamnée à requalifier nos multiples contrats, la Cour ayant estimé que le recours au contrat journalier pour des comédiens n’était pas légal. Ironie du sort, en voulant se protéger et pouvoir éliminer les comédiens à volonté, les juristes d’AB avaient commis cette grossière erreur : nous donner à signer un contrat par jour. Un simple contrat sur une période donnée qui n’aurait pas garanti un nombre d’épisodes tournés aurait protégé la production de tout recours contre ses méthodes et aurait évité à AB Productions les turpitudes du procès long et coûteux qui les attendait. »
Cette affaire a de graves conséquences au sein de l’équipe de la sitcom, chacun jouant son avenir dans le milieu. Nombreux sont ceux qui préfèrent mentir, par peur de représailles, ou tout simplement par pure lâcheté : « Les quelques anciens comédiens d’AB contactés refusèrent tout net de nous suivre dans la procédure, certainement par crainte de se griller dans le métier, préférant certainement ne pas s’avouer qu’à quelques exceptions près, ils l’étaient déjà (…), seuls quelques comédiens et techniciens acceptèrent de témoigner en notre faveur. D’autres, jurant à qui voulait l’entendre qu’ils n’avaient plus aucune relation avec AB, en firent autant contre nous. Témoignages rapidement invalidés par le tissu de mensonges qu’ils contenaient, la plupart étant encore employés par l’une des filiales d’AB. »
Ce procès est une victoire à la Pyrrhus, mais restera d’après Fabien « l’emblème de la lutte contre les droits des intermittents de la part des producteurs. »
« Si on m’avait dit à l’époque que je serai de nouveau en contact avec Rebecca Dreyfus, je n’y aurai jamais cru »
La vie a donc continué après AB pour Fabien. Il a retrouvé ses vraies passions : la caméra, la production, l’informatique, l’écriture. Son blog, son forum et surtout son livre, « Les Années Sitcom », lui ont permis d’en finir une bonne fois pour toute avec sa période AB. Fabien s’est expliqué sur tout, au risque de s’en prendre plein la gueule. C’est tout d’abord les fans d’AB qui lui en ont voulu [4], car Fabien a volontairement cassé le « mythe AB ». Ses révélations choquantes ont écorné des images bien ficelées par la machine AB pendant toute une décennie.
Par rapport à ses anciens collègues, Fabien n’a pas franchement fait plaisir à grand monde : « Les réactions des anciens collègues…Vaste sujet. En fait, je n’en connais que quelques unes par ouï dire, venant de personnes aux idées préconçues à mon sujet et qui n’ont pas lu le bouquin. Chacun pense ce qu’il veut, mais mon propos n’a jamais été d’être insultant ou médisant. J’ai retranscris MON expérience telle que je l’ai vécue. D’autres ont un autre point de vue, et c’est leur droit. J’ai surtout essayé de retrouver l’état d’esprit que j’avais à l’époque et de traduire les sentiments que j’avais pour les uns ou les autres. Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Si on m’avait dit à l’époque que je serai de nouveau en contact avec Rebecca Dreyfus, qui est venue au vernissage de l’expo photo de ma femme il y a quelques temps, je n’y aurai jamais cru ! »
Aujourd’hui Fabien a bel et bien tiré un trait définitif sur AB. C’est lors de sa participation chaotique à l’émission Ça se discute que Fabien s’est rendu compte que raconter son vécu chez AB n’avait plus aucun intérêt dans les médias : « Delarue, fidèle au ton habituel de son émission, exploita le filon misérabiliste des désespérés de la télé, préférant nous reléguer, Camille et moi, au rang de curiosités tout en évitant de nous poser des questions de fond. On devait assister ce soir-là à toutes les diatribes contre les vilains producteurs, de la part des pauvres artistes qui ne sont pas préparés à devenir célèbres et des dépressifs qui n’ont pas prévu que, en gagnant bien leur vie, ils auraient forcément des impôts à payer. Une bien piètre image pour le public, donnée par ceux qui qu’ils avaient regardés pendant des années. Excédé par les propos que j’entendais, je m’emparais d’un micro afin de dire ce que je pensais de tout cela. Certains avaient fait le choix de ne vivre que dans le cadre d’AB, oubliant que la vraie vie est à l’extérieur, préférant fermer les yeux en se récitant le fameux « Jusque ici tout va bien », ignorant que tout pouvait s’arrêter d’un jour à l’autre. Delarue tentait de m’interrompre, mais je ne le laissais pas faire, ne m’arrêtant que lorsque j’avais dit ce que j’avais à dire. Mon petit monologue de trois minutes fût bien évidemment coupé au montage. Réussir à se reconvertir n’allait pas dans le sens de l’émission. Une fois de plus, je n’étais pas dans le moule… je quittais le plateau de l’émission excédé. Mais la vie continue ! »
« Ni remords, ni regrets ! »
Dans son livre, Fabien conclut ses années sitcom par une note plutôt positive : « La question qui revient le plus en général est : « pourquoi n’avez-vous pas tourné autre chose après ? », question qui entraîne invariablement la même réponse : parce que malgré le public fidèle, le métier n’a pas voulu de moi. Aucune amertume cependant. Ni remords, ni regrets ! (…), les Années Sitcom restent une période de ma vie que j’aime. Les années d’après s’annoncent encore plus belles… »
Ces années post-AB sont en effet bien chargées. Un petit tour sur son site montre que Fabien travaille beaucoup. C’est un véritable couteau suisse. Déjà à l’époque AB, il avait montré sa polyvalence en écrivant un scénario pour Premiers Baisers, dans un épisode désormais culte : « Les Loubards ». Mais sa marge de manœuvre était forcément réduite, le cahier des charges de la sitcom bridant son imagination. Depuis, Fabien s’épanouit : réalisation de clips comme pour les Marguerites (avec son ami Allan Théo notamment), une boite de production (Beefree) ou encore l’écriture : « En ce qui concerne mes projets d’écriture, j’ai toujours L’Autre Version des Faits qui est écrit depuis 1995 et que je remanie de temps à autre. Peut-être qu’un jour je finirai par me dire qu’il est vraiment fini… » [5]
Mais ses grands projets sont principalement dans la réalisation, puisque Fabien Remblier est à la pointe de la révolution 3D : « Je suis le premier réalisateur français à avoir sorti un long métrage en 3D relief en salle. Un vrai défi et un film qui a commencé son tour du monde par l’Espagne puis Taïwan cet été. C’est le début de plein de nouvelles aventures en 3D relief qui sont en train de se mettre en place. » A cet égard, Fabien a sorti un livre sur la 3D, et semble en pointe sur cette question centrale de l’avenir du cinéma mondial.
Toutefois, une chose est quasiment certaine, on ne reverra jamais plus Fabien en tant que comédien : « En tant que comédien, je ne crois pas… Je n’ai plus l’envie de jouer. » Ses multiples refus de participer en tant que guest dans les Mystères de l’amour, contrairement à certains de ses anciens collègues de Premiers baisers, en est semble-t-il la preuve la plus manifeste.
1- REMBLIER Fabien, Les Années Sitcom, Mediacom, 2006.
Toutes les citations de Fabien Remblier dans cet article sont extraites de son livre. A noter que le premier titre de l’ouvrage aurait du être « Gueule de sitcom ». Bien meilleur que celui qui a été choisi.
2- BOURDIEU Pierre, La distinction. Critique sociale du jugement, coll. Le sens commun, éd. de Minuit, 1979.
3- HALL Stuart, Identités et cultures. Politiques des Cultural Studies, édition établie par Maxime Cervulle, trad. de Christophe Jaquet, Paris, Éditions Amsterdam, 2007.
4- Extraits sur le forum de la Trilogie de quelques « fans » d’AB qui n’ont pas apprécié le livre de Fabien.
5- Entretien réalisé avec Fabien Remblier sur facebook en août 2010.
Discussion2 commentaires
Incroyable qu’il n’y ait toujours pas de commentaires concernant cet acteur !
Tout se passe en secret sur le forum avec ce site ou quoi ? L’absence de réactions sous les articles est parfois étrange.
Déjà, physiquement, je dirais que Ramblier est le plus remarquable de tous les hommes chez AB, toutes sitcoms confondues. Les cinéastes aimant ce qui est beau ont raté une merveilleuse occasion de l’avoir dans des films où son charme aurait fait merveille. Il a l’élégance unique des acteurs français de la Grande époque, comme Gabin ou Jean Marais, quelque chose qu’on ne retrouve plus de nos jours ou si peu. D’ailleurs, il ressemble à Jean Marais.
Avec un tel physique et une telle présence, même la fameuse « étiquette AB » n’aurait jamais dû l’empêcher d’avoir des rôles intéressants par la suite, du moins de devenir un acteur ou une personnalité importante en France et ailleurs. Les directeurs de castings qui l’ont auditionné sans l’engager sous prétexte de son passé AB ne méritaient pas de faire leur métier, ils n’ont rien compris.
Il est vrai que même chez AB il a été largement sous estimé, le rôle de Jérome n’étant pas digne de ce qu’il pouvait donner de meilleur.
Et même au delà du physique, il apparaît clairement que ce garçon est doué et sympathique. Le genre de personne qui attire naturellement la sympathie tant il semble émaner de lui une belle énergie, une sincérité.
He bien, ce mec est un sacré trou de balle. Il passe son temps à cacher dans la soupe tout en disant qu’il ne crache pas dans la soupe, que les critiques ne le touchent pas alors qu’il est esclave de son ego et blessé par la moindre potentialité de critique qu’il anticipe, en plus, tellement ça le touche en vrai.
C’est un prétentieux, incapable de prendre du recul et de ne pas se prendre au sérieux. Esclave de sa très haute opinion de lui même, les autres acteurs ont eu le mérite de tirer des leçons, d’être capable de voir le positif et de se mettre en situation ridicule afin d’accepter leur passé.
L’estime portée à cet homme ici est validée par des gens exactement comme lui.
Redescend Jérôme, personne n’attend plus rien d’autre de toi que d’aller nous faire rêver dans les mystères. On aime cet univers, on le regarde avec tendresse, car c’est notre enfance. Et c’est bien dommage que ton ego t’empêche de le réaliser.