Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire.
Guillaume Apollinaire. Nuit Rhénane, Alcools.
Contrairement à une légende tenace, on ne fait pas que boire des jus d’orange ou des menthes à l’eau dans le merveilleux monde d’AB Productions. On picole aussi, on prend des cuites comme Monsieur tout le monde.
Il est possible de faire une rapide typologie de la cuite chez AB : d’abord, la bonne vieille cuite du mec viril, quand on a eu un chagrin d’amour et qui permet aussi de se défouler (coucher avec une autre, fracasser le décor ou ses amis…etc).
La cuite peut être aussi féminine, celle où la nana finit irrémédiablement par tomber dans le coma.
Enfin il y a l’ivresse incontrôlable, la consommation abusive d’alcool qui permet de faire ressortir le démon qui sommeille au plus profond de soi.
Cet article n’a pas vocation à être exhaustif, mais doit permettre de faire un tour des plus belles bitures des sitcoms AB.
Cricri d’amour, le Belzébuth de la bibine
Qui d’autre pouvait ouvrir le bal de la défonce chez AB que le « Cricri d’amour » interprété par le génial Sébastien Roch ? Celui qui n’a pas encore découvert les joies de l’héroïne commence son long apprentissage de la débauche par l’alcool. Il faut attendre en effet l’épisode n°55, le bien nommé « La déchéance », pour que le Cricri d’amour plonge dans sa première grande dépression. Johanna lui avoue en effet qu’elle le trompe avec John, l’ingénieur du son américain.
En état de choc, Christian part se réfugier dans le garage pour pleurer sur son sort. C’est alors que Nicolas intervient et insiste candidement pour le réconforter, contre sa volonté. Christian entre alors dans une surréaliste colère noire. Après l’avoir insulté (« J’en peux plus de voir ta sale tête »), il frappe son « ami » Nico avec une batte de base-ball (le début d’une longue tradition dans la série).
D’un coup, la sitcom devient beaucoup moins « bisounours », même si l’effet est atténué par le (non) jeu des jeunes comédiens. C’est le début de la légende Sébastien Roch, le « bad boy d’AB ».
Toutefois, on ne va pas en rester là, puisque la tension va monter crescendo. Dès l’épisode suivant, « Le fond du trou », le Cricri remet le couvert, mais à un niveau stratosphérique : paré d’une veste en cuir et d’une minerve, les cheveux sales et la barbe naissante, il pénètre violemment dans la paisible Cafète, hurlant son désir ardent de « boire ».
« Christian il est mort… en même temps que le Cricri d’Amour, mais il reste Belzébuth et Belzébuth a SOIF »
En état de transe quasi morrisonienne, il n’est plus tout à fait lui-même, reconnaissant à peine ses amis : « Tiens voilà la bande de faux frères. » Car il est désormais possédé par une entité démoniaque : « Christian il est mort… en même temps que le Cricri d’Amour, mais il reste Belzébuth et Belzébuth a SOIF. »
Alors que ce brave Nico tente de ramener à la raison son pote, ce dernier plonge sans retenue dans la spirale de la violence en le menaçant avec un couteau. Imperturbable, Nico ne se laisse pas impressionner : « Vas-y, vas-y. » C’est alors que les filles arrivent. Revenant enfin à la raison, Christian « quitte » l’esprit de Belzébuth et pour larmoyer dans les bras de son ami. Tout est bien qui finit bien, aucun blessé n’est à déplorer.
Cette scène peut paraître invraisemblable pour un téléspectateur d’aujourd’hui. Elle est surtout grotesque, car tout semble faux, des rires enregistrés au jeu artificiel de Sébastien Roch. Mais elle reste culte pour deux raisons. D’abord, c’est la première scène réellement dramatique dans une sitcom AB, annonçant les histoires de drogues, de sida et de viols que l’on connaîtra par la suite.Cette scène participe aussi et surtout à l’élaboration du mythe du chanteur de « Au Bar de Jess ». Une étiquette d’alcoolique qui va le poursuivre jusqu’aux débuts des Mystères de l’Amour, puisque rappelons-le, Christian est présenté comme un musicien raté et alcoolique (chose qui à partir de la saison 2 semble avoir été complètement occultée puisqu’on peut voir le Cricri picoler comme ses petites camarades alors qu’il est censé être sobre).
Luc, les filles et l’alcool au Nelly’s
Alors que dans Premiers Baisers, les héros de la sitcom sont relativement sages question alcool, l’introduction d’un nouveau décor clé, la boite de nuit, introduit de nouveaux comportements. Les personnages, plus âgés il est vrai, ne se remettent plus d’une déception sentimentale avec une simple partie de flipper ou une overdose de glaces.
Non, dorénavant on va au « Nelly’s », un dancing sordide dans laquelle des figurants exécutent des danses bizarres sur trois musiques diffusées inlassablement en boucle.
« Tromper sa nana, se réconcilier, ne pas supporter qu’elle vous trompe à son tour, puis aller se saouler en boite et draguer la première nana venue »
Ce sont principalement Luc et Anthony, les éternels amoureux, qui s’adonnent à cette pratique extrêmement répandue chez le mâle romantico-macho : tromper sa nana, se réconcilier, ne pas supporter qu’elle vous trompe à son tour, puis aller se saouler en boite et draguer la première nana venue.
C’est le cas ici dans cet extrait où Luc, qui a couché peu avant avec Clarisse et brisé à l’idée que sa Virginie puisse le quitter pour un poète ringard (un certain Serge, joué par Rodolphe Delage), part se saouler au Nelly’s.
Alors que Virginie s’emploie à dépuceler son amoureux transi, Luc, après avoir ingurgité quelques shooters « maison », tente misérablement de tripoter une jeune fille innocente et visiblement peu intéressée. Il déclenche alors une bagarre (la fille n’étant pas célibataire), puis se fait virer comme un malpropre par les vigiles tandis qu’Anthony tente désespérément de défendre son pote à base de « oh » bien sentis. Ses amis auront beau s’évertuer à expliquer que leur ami « n’est pas dans son état normal », qu’il a « trop bu », les vigiles ne sont pas là pour faire de sentiment : « Quand on supporte pas l’alcool, on boit pas. »
Luc repart alors avec sa moto, laissant penser qu’il va se crasher et tomber dans le coma dans la plus pure tradition AB. Mais dans l’épisode suivant, partis à sa recherche, ses amis le retrouveront non pas mort mais au bord d’un canal endormi sur un banc, enveloppé dans un carton, tel un vulgaire clochard.
Luc remet le couvert dans l’épisode « Et rien ne va plus ». Alors que tout allait bien à nouveau dans son couple, une stupide dispute à cause d’une fille a de graves répercussions. Virginie, jalouse vis-à-vis des vagins qui gravitent autour de son homme, rallume les braises de la discorde.
Résultat, Luc retourne dans ses travers. Il utilise son boulot de professeur de tennis pour draguer une gonzesse, l’invitant lubriquement à « aller faire un sauna. » Manque de pot, Virginie surprend la scène, balance un « ah ok c’est bon » et court pleurer chez cette salope de Justine qui minimise comme toujours le comportement des mâles de la bande.
Luc de son côté va quérir l’ivresse une fois de plus au Nelly’s, en compagnie de son pote de toujours, Anthony. Ce dernier s’efforce de le raisonner (« ça servira à rien de te saouler, alors arrête ! »), mais Luc n’en a rien à foutre, surtout quand c’est un pote alcoolo qui lui dit ça : « Boire pour oublier, ça te connaît ça hein ? » Luc se considère comme innocent dans cette histoire, et aspire avant tout à « draguer, danser… et boire. »
Anthony, décidé à ne pas le lâcher, doit toutefois prendre la poudre d’escampette. Pour cause, la petite amie de Jérôme, Sandra, fait son entrée. Et forcément, lâche et faible avec les femmes, Anthony ne peut pas ne pas avoir envie de coucher avec la petite amie de son « ami » Jérôme. Fuyant Sandra, Luc se retrouve seul à seul avec le « démon au visage d’ange ».
Blindé, il couchera avec la petite amie de Jérôme, elle-même attirée par Anthony et décidé à rendre jaloux ce dernier en pratiquant le coït avec son meilleur ami (Luc). En bref, le grand bazar des Années Fac ne fait que se prolonger, grâce à une bonne cuite.
José ou le paradigme du macho agressif
José est sans contestation possible la figure machiste d’AB par excellence. Son discours développé et théorisé au fil des épisodes du Miracle de l’Amour reprend les diatribes misogynes du Cricri d’Amour : l’homme est par nature infidèle, les femmes sont des objets sexuels à la libre disposition des hommes.
Bien entendu, cet état de fait n’a pas de caractère réciproque, il est inconcevable que la femme puisse tenir ce type de discours et bénéficier du même comportement. Bénédicte, en tant que petite amie plus ou moins consentante, fait figure de victime expiatoire de ce couple infernal.
Mais après un nombre assez incroyable de cocufiages humiliants, l’attrait de José pour la nouvelle venue dans le groupe, Cynthia, est certainement la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Si le ménage survit une fois de plus à cet énième camouflet, la flamme de l’amour semble s’être éteinte du côté de Béné. C’est avec le bassiste Alex, le terne remplaçant de Sébastien dans le groupe, que Béné vit une nouvelle idylle en cachette.
Finalement découverte par le reste de la bande, elle reste ignorée par José, persuadée qu’il pourra reconquérir le cœur de sa petite amie. Mais Béné finit par avouer à José qu’elle ne l’aime plus.
« Ouais j’ai bu, à cause d’une fille géniale, que j’ai perdu à cause de vous »
Le titre de l’épisode dont est issu l’extrait résume bien l’état d’esprit de José : Dépression. Après avoir passé la nuit à picoler on ne sait où (sans passer par la case Nathalie, c’est à noter), José débarque au petit matin dans la « Maison du Miracle » afin de régler ses comptes avec ses amis. Complètement torché, José commence par saccager le décor, histoire que les habitants, les « traîtres », s’aperçoivent vite de sa présence.
Après avoir brisé symboliquement le portrait de Béné, il se met à gueuler : « Oh, réveillez-vous, vous avez pas à dormir sur vos deux oreilles pendant que je suis en train de me ronger la tête à cause de vous. »
Linda, dans un de ses rares moments de lucidité, se rend compte que José « a bu ». Il faut dire que pour José la cause est entendu : « Ouais j’ai bu, à cause d’une fille géniale, que j’ai perdu à cause de vous. » D’une violence rare (il balance violemment Manuela sur le canapé), admonestant menaces et injures, il profane Apollon, la statue fétiche de Laly.
Parce que selon le raisonnement primaire de José, ses amis auraient dû l’avertir, pour qu’il puisse « arranger le coup ». Comme toujours dans ces instants d’intensité alcoolisée, José finit par s’effondrer en pleurs, rongé par le doute et les incertitudes.
Il faudra attendre une bonne dizaine d’épisodes pour que les deux amoureux se retrouvent. On connaît la suite, avec un mariage (foireux) à la clé.
Caldéro, soustalisme et alcoolisme
La question de l’ivresse est un des sujets principaux dans la Philo selon Philippe, mais s’il on a tendance à penser que Muriel détient le monopole de la biture, il faut noter que Gérard Caldéro n’est pas en reste. En effet, celui-ci a tendance à lever le coude au moindre pet de travers.
Pourtant, on se souvient qu’il n’hésite pas à dénigrer l’état de Muriel (qui elle est bien étiquetée alcoolique) en administrant à son collègue Phil cette sentence définitive : « Non mais alcoolique à moins de 30 ans, elle est irrécupérable ! » Cela peut faire sourire quand on pense au nombre de fois où l’on trouve le père Caldéro la gueule complètement en vrac sur le fauteuil de Phil parce qu’il a picolé comme un polak !
Quand Caldéro (ou Calbutéro) se met minable, on retrouve peu ou prou les mêmes raisons. Si Gérard boit, c’est à cause des femmes, de ses ruptures, rendez-vous annulés, ou bien encore en raison des frasques d’Émilie Soustal … Toutes des salopes pour Gérard !
C’est le cas dans cet extrait dans lequel il est tombe dans le piège de la jeune et délicieuse Émilie Soustal. Il se fait ici photographier en pleine séance de body body avec la belle et celle-ci menace de tout dévoiler au proviseur Mr Gautrat, sauf si Gérard cède à son chantage !
Ce sont là les débuts rugissant du soustalisme de Carole Dechantre, qui se perpétuent encore aujourd’hui dans le rôle d’Ingrid des Mystères de l’Amour !
« Il me dégoûte, dire que je suis comme ça quand j’ai trop bu ! »
Coincé par ce plan diabolique, Caldéro boit alors plus que de raison pour finalement s’échouer chez un Phil désemparé. Il tente d’écrire vainement une lettre de démission. S’en suivent des gags assez étranges, où Caldéro, écrivant sa lettre, hésite entre « g » et « j » pour orthographier « Le Singe », célèbre surnom du Proviseur Gautrat. Puis il tente de manière dérisoire de rectifier une faute d’orthographe en l’effaçant avec de l’alcool. Le tout est bien sûr ponctué de rires enregistrés qui rendent la scène plus glauque que drôle.
Néanmoins, cette scène présente avant tout une forme de morale, une sorte de catharsis. En effet, lorsque Muriel l’alcoolique fait interruption à la fin de la scène, c’est la révélation. Mal à la l’aise face à un Gérard ivre et pathétique, elle est confrontée à sa propre image lorsqu’elle-même est saoule. Elle le formule clairement : « Il me dégoûte, dire que je suis comme ça quand j’ai trop bu ! »
Dorénavant, elle ne boira plus, en tout cas moins qu’avant. Surtout, la morale de cette sitcom hautement peuplée d’alcooliques est sauve. On peut alors faire le parallèle avec les pubs des 90’s lancées par le CFES (Comité français d’éducation pour la santé) avec le célèbre slogan « Tu t’es vu quand t’as bu ? » (On y voit même un petit clin d’œil avec une affichette à l’intérieur du lycée).
Gautrat, le proviseur torché
- « Moi, j’avais le soleil, jour et nuit dans les yeux d´Émilie, je réchauffais ma vie à son sourire … »
Ces paroles de cette kitschissime chanson de Joe Dassin s’applique bien au cas Robert Gautrat ou Bob pour les intimes. Proviseur acariâtre de la Philo Selon Philippe, il est connu pour son respect scrupuleux de l’autorité mais aussi pour ses nombreuses incartades.
Clairement, s’il avait pu, il lui aurait mis sa cartouche à la Dufreynois ! On le voit à maintes reprises s’arranger pour se caler des petits plans sauteries et cela durant les heures de cours. Sachez-le, Madame Gautrat a des cornes, et pas des petites.
Tout bascule quand celui-ci fait d’Émilie Soustal, sa nouvelle assistante. C’est la stupeur au sein du lycée. En effet celle-ci ne brillait pas par ses résultats quand elle était élève. Agissant en véritable arriviste, on comprend vite que c’est avec d’autres arguments qu’elle a su convaincre le père Gautrat.
« J’ai soif ! »
Ce « pauvre homme » devient donc l’esclave de son assistante. Elle est tout pour lui, avec elle, il revit. Gautrat devient complètement accro à celle qui l’appelle mon « Nounours ». Il expédie son ex-assistante Madame Mention dans un bureau/placard à balai parce que la nouvelle ne la supporte pas. Il passe un savon à Caldéro juste parce que ce dernier avait emmerdé Émilie lorsqu’elle était élève. Et lorsqu’il ne répond pas favorablement aux demandes de cette dernière, elle le fait chanter en menaçant de tout révéler à sa femme ou le moleste à coup de dossiers. En somme, une véritable relation sadomasochiste.
Dans cet extrait, la Miss lui pose un lapin. Désespéré, il passe la nuit à la chercher partout. Malheureux et fou de rage, il finit par atterrir ivre mort dans le troquet à côté du lycée parce qu’il n’a trouvé que la boisson pour atténuer sa douleur. L’alcool est clairement le moyen utilisé par l’auteur pour nous montrer un Gautrat diminué, loin de son personnage faisant figure d’autorité. Méconnaissable et débraillé, il y rentre en gueulant comme un putois : « J‘ai soif ! »
Il finit par trouver un Caldéro accoudé au comptoir tandis qu’Emilie se cache. Gêné, Caldéro tente de fuir mais Gautrat insiste pour boire un verre malgré l’heure tardive : « Mais ça peut pas être fermé parce que j’ai soif ! » Le professeur de maths doit alors supporter une discussion de poivrot de la part de son supérieur hiérarchique.
Et « coup de théâtre », Gautrat se finit par se rendre compte de la présence du sac d’Emilie, puis par une improbable cascade alcoolisée, tombe nez à nez avec elle. Néanmoins, la machiavélique garce parviendra à trouver une explication. L’amour rend aveugle, le Singe gobe tout sans sourciller.
Après la double trahison de celle-ci (elle couche avec Caldéro et l’élève Brémont), on verra apparaître une autre facette du personnage de Robert Gautrat, son côté sensible. Il chérira le souvenir de cette garce d’Émilie malgré les crasses qu’elle a pu lui faire.
Daniel, la descente aux enfers par l’alcool
Daniel, incarné par le beau Renaud Roussel, est l’archétype du loser chez AB. De son arrivée tardive dans Premiers Baisers aux Années Fac, Daniel sera maltraité par tout ce que la série compte comme garces : Virginie, Gabrielle, Sandra, Clarisse et… Justine. Incapable de résister aux charmes de la gente féminine, Dany commet une faute originelle avec trompant Virginie avec le succube Gabrielle (Ingrid Chauvin).
Cette bêtise l’entraîne dans une spirale descendante : il ne connaît dès lors plus jamais de relation sentimentale stable. Gabrielle, en bonne dominatrice assumée, fait de lui son quasi esclave. Virginie, qu’il essaye tant bien que mal de reconquérir, ne trouve pas d’autre idée que de le mettre en genoux pour se foutre de lui.
Trahi par son ami Luc qui lui « vole » Virginie, Daniel réapparaît plus tard dans les bras d’une certaine Clarisse, la nouvelle biatch officielle, qui le trompe allègrement avec le binôme d’enfoirés que sont Anthony/Luc.
On se dit que Daniel en a fini avec son chemin de croix quand les scénaristes le font revenir une fois de plus flanqué d’une nouvelle copine, Sandra. L’ex-frigide au visage d’ange de la Philo Selon Philippe va cependant très vite montrer son vrai visage : à l’occasion d’un week-end supposé « entre amis » à Belle-Île-en-Mer en compagnie de Jérôme, le seul et dernier vrai ami de Daniel, elle ne peut s’empêcher de commettre l’irréparable.
« Je rêve ou il sent l’alcool ? Non, non tu rêves pas, il sent vraiment l’alcool »
Profondément trahi, Dany sombre dans la dépression et l’alcool. Jeté à la rue par Sandra, il passe ses nuits dehors, à picoler. On le retrouve un matin, étalé telle une loque humaine sur le palier du studio des garçons. Blanche, la petite amie du moment d’Anthony, ne le reconnaît plus : « Qu’est-ce que c’est que ça ? » Virginie est choquée : « Je rêve ou il sent l’alcool ? » Luc confirme : « Non, non tu rêves pas, il sent vraiment l’alcool. » Anthony fait mine de compatir, lui adressant au passage quelques petites baffes bien senties : « Ça fait longtemps que tu mènes cette vie-là ? ».
Dany raconte alors son quotidien de futur clodo : « Tu sais, je vais par ci par là, en ce moment je… me pose plus trop de questions. » La seule réponse que trouvent alors ses amis est de lui conseiller une bonne douche et de se raser. Dany se met alors à dégueuler un peu partout devant ses amis consternés.
On aurait pu penser ici que Daniel ne pouvait tomber plus bas. Pourtant, la suite va se révéler pire et dépasser toutes nos attentes. Justine, vexée de voir qu’Anthony vit le grand amour avec Blanche, décide de s’occuper de son cas et de l’héberger. L’effet s’avère dans un premier temps rapidement positif, puisque Daniel trouve un boulot de coursier et oublie vite Sandra. Il est désormais sous le charme nocif de Justine, qui joue un double jeu : larguée par Jérôme, vivant mal sa solitude, elle s’efforce de reconquérir Anthony tout en laissant à Daniel le fol espoir d’une possible histoire d’amour.
Le coup est rude quand Daniel apprend que Justine ressort avec Anthony. Pourtant, Daniel avait peu de temps avant (c’est-à-dire un épisode) avoué à Anthony ses sentiments naissants pour Justine. Mais l’amitié est un concept à géométrie variable pour le Havrais.
« Cette tentative de suicide pour Justine est probablement l’acte le plus pathétique de l’histoire d’AB »
L’épisode « Coup de blues » sonne alors le glas des derniers espoirs pour le loser patenté de la série : celui-ci débarque pleinement bourré dans le studio des garçons, à la recherche d’Anthony, afin de lui casser la gueule : « T’es qu’un salaud, tu savais que je l’aimais. » Torché, Daniel s’effondre face à son rival, admettant son impuissance : « J’aurais dû réfléchir, respecter le choix de Justine. » Pour enfoncer le clou, Daniel, resté dans la chambre, surprend Justine et Virginie discuter de son sort.
C’en est trop pour lui : il avale dans un ultime geste de désespoir une « boite entière de barbituriques ». Cette tentative de suicide pour Justine est probablement l’acte le plus pathétique de l’histoire d’AB. Heureusement, Daniel l’alcoolique suicidaire ne décède pas. Sur son lit d’hôpital, il s’explique piteusement : « Tu sais Justine, j’ai fait ça pour toi. » Mais Justine, en véritable salope, préfère son rockeur édenté, et met fin au calvaire du jeune homme : « Écoute Daniel, je sais… ça va être dur ce que je vais te dire, mais je n’ai que mon amitié à te proposer. »
Le personnage de Daniel évoluera à présent vers des perspectives strictement professionnelles, le mannequinat et la publicité, et ne connaîtra à vrai dire plus de relations purement sentimentales. Peut-être un jour, qui sait, nous reverrons son personnage dans les Mystères de l’Amour, en homosexuel épanoui.
Olivier, le Miracle du flamby
Le personnage d’Olivier peut être considéré comme l’alter ego de celui de Daniel dans les Années Fac : bel homme, charisme incertain et surtout, une vie sentimentale calamiteuse. Olivier Sevestre, que nous avons déjà présenté par ailleurs, est dans cet extrait à l’apogée de sa lose affective. Pourtant le « palmarès » d’Olivier est bien fourni depuis ses débuts dans Hélène et les Garçons : après Rosy, puis Taxi, le passif est lourd pour ce cher Olivier qui n’attire a priori que les filles plus ou moins marginales. Le Miracle de l’Amour n’est pas franchement une étape plus glorieuse pour le batteur-livreur de pizza.
Après avoir essuyé un douloureux échec avec Linda (cette dernière étant un temps sortie avec lui par défaut), Olivier tombe amoureux de Cynthia, la dernière arrivée de la bande. Cynthia est une ex-droguée au passé sulfureux (prison), musicienne aguerrie. Encore une fois, Olivier tombe sous le charme d’une freak : accent teuton douteux, sapée comme une extraterrestre de la planète Vega, Cynthia est un personnage ambigu.
Persuadé que Cynthia en pince pour lui, Olivier se prêt à rêver d’une grande histoire d’amour. Mais l’Autrichienne semble avoir un fort pouvoir d’attraction sur tous les garçons. José le premier, tombe fou amoureux d’elle (du moins veut la baiser). Olivier lui ronge son frein, patiente dans l’ombre d’un José bien plus entreprenant.
Jaloux, Olivier montre pour la première fois une réelle sensibilité et une certaine fragilité. Olivier finit par avouer à ses amis qu’il est « fou amoureux d’elle » lorsque, mort d’inquiétude, Cynthia découche toute une nuit. Olivier finit par passer à la vitesse supérieure, effrayé à l’idée que José puisse le devancer. Il lui offre alors un cœur en or. Mais Cynthia n’est pas amoureuse de lui, et elle le lui dit. Le début d’une grande dépression pour un Olivier définitivement pas dans les petits papiers des scénaristes.
« Toi ! T’es qu’une sale petite garce, t’es qu’une moins de rien (…) tu m’as fait mariner hein, t’as failli me faire plonger, même que j’ai failli me noyer »
Ainsi, dans l’épisode suivant ce râteau, L’activateur de passion, Olivier débarque au garage complètement ivre. Pour une fois dans sa vie, Olivier se lâche, offrant enfin à ses amis et aux téléspectateurs effarés un autre visage. Alors que Cynthia se dit « désolée », le « flamby » Olivier se métamorphose en véritable bad boy : « Toi ! T’es qu’une sale petite garce, t’es qu’une moins de rien (…) tu m’as fait mariner hein, t’as failli me faire plonger, même que j’ai failli me noyer. » Olivier s’en prend aussi à José, « T’es qu’un nul toi aussi. »
La scène atteint alors son paroxysme quand Olivier insulte à nouveau Cynthia : « T’es qu’une petite SALOPE ! » On est indubitablement partagé entre le rire et la consternation.
A deux doigts de la cogner, il faut l’intervention de ses amis pour éviter l’irréparable. Olivier a alors une phrase qui résume parfaitement la vie de tous les losers d’AB : « Tu sais José, dans la vie il y a ceux qui ont de la chance, et il y a ceux qui n’en ont jamais. » Inutile de dire dans quelle catégorie se placent tous les types qui picolent chez AB.
Mumu et le gin tonic
- « Ne vous moquez jamais
De la femme qui boit !
D’ailleurs, elle ne boit pas,
Elle s’éponge le cœur »
Pour ce qui est de la boisson, c’est le cas de Muriel qui est sans doute le plus intéressant. « Mumu » est alcoolique, c’est dit et cela dès le premier épisode de la série. Mais qu’est-ce qui la différencie des autres personnages qui s’enivrent à Bonheur City ? C’est purement et avant tout pour les multiples raisons pour lesquelles son coude se lève si facilement ! Muriel le dit elle-même, l’alcool l’aide à supporter la vie et c’est ça qui en fait une alcoolique, une vraie.
On la verra donc à n’importe quelle heure de la journée (souvent dès le matin) boire avidement des gorgées dans sa petite flasque sous le regard impuissant de son mollasson de compagnon Philippe Daubigné.
S’il on gratte d’un peu plus près, on peut trouver moult circonstances atténuantes à cette pauvre Muriel. En effet, elle est amoureuse d’un homme qui n’a que faire d’elle. Phil est atteint du « syndrome du sauveur », il passe sa vie à se mêler de la vie des autres et à régler leurs problèmes. De cette manière, il délaisse celle qui a sûrement le plus besoin de son aide.
« Il faudra attendre que Madame Gin Tonic tombe enceinte pour qu’elle arrête la picole »
Se sentant abandonnée, sans situation professionnelle (elle a lâché ses études et parle de les rependre sans jamais s’y remettre), Muriel est sûrement la personne qui aurait le plus besoin du philosophe des bacs à sable. Il est aussi intéressant de noter que c’est l’un des seuls personnages féminin de Bonheur City qui s’adonne méchamment à la boisson ce qui peut générer une forme de dégoût, de rejet.
Dans la culture populaire une femme qui boit est considérée comme une femme qui ne sait pas tenir son foyer, qui est/ne sera pas une mauvaise mère, à contrario un homme qui boit lui sera un bon vivant, un épicurien.
Quand Mumu un soir complément schlass, elle vient accompagnée d’un coup d’un soir dans le but de provoquer Phil au sein même de son appartement. On pourrait voir ça comme une provocation, clairement. Mais c’est plutôt un appel au secours, surtout lorsqu’elle supplie Olivier, le blessé du soir : « Aime-moi et occupe-toi de moi. » Mais ça tourne à la catastrophe, les deux barriques sur pattes se foutent de la gueule du philosophe qui perd son sang-froid (alors qu’il le garde avec Zikowsky et Roussel quand même) et colle une mandale au toyboy sous le regard d’une Mumu choquée.
Dans les extraits Muriel, ivre, corrige les copies de Philippe et notamment sa seconde partie, lassée de faire le plancton dans l’appart, elle décide gracieusement d’aider son prof de fiancé en corrigeant ses copies. On assiste donc à une scène assez malsaine mais assez drôle puisque Muriel ne peut s’empêcher de faire des commentaires désobligeants sur les élèves, le tout sous les obligatoires rires enregistrés.
Phil, prévenu par Valentine, rentre et limite le massacre. Muriel s’effondre, elle voulait juste l’aider, être elle aussi utile comme l’est son « héros », son « indispensable » Philippe. Il faudra attendre que Madame Gin Tonic tombe enceinte pour qu’elle arrête la picole (le champagne ne compte pas).
Nathalie et son fidèle verre
Dans une autre époque, Nathalie aurait pu être la Sue Hélène des années 90. Malheureusement, trop rares sont les scènes où on peut la voir picoler. Cet extrait est donc un bel artefact de l’art Lollichonesque. Plantée dans le décor du Nelly’s d’Hélène et les Garçons, Nathalie sirote son verre d’alcool, alone. C’est que sa technique de rabatteuse a prouvé à maintes reprises par le passé son efficacité : attendre qu’un membre du groupe des Garçons s’embrouille avec sa nana pour le faire boire et profiter de la situation pour coucher avec lui.
« Mais non je ne suis pas seule, je suis avec mon verre »
Toutefois, dans l’épisode « Remerciements délicats » Nathalie n’a pas besoin d’alcool pour séduire Nicolas et coucher avec. « Bourrelé de remords » (selon l’expression du résumé de presse officiel), Nico parvient à conclure un « accord » avec Nathalie dans le but de garder le secret de cette coucherie.
L’épisode n°193 Désordres qui nous intéresse ici, nous montre une Nathalie déprimée et sapée comme Thérèse du Père Noël est une Ordure. Parce qu’elle a beau être la salope de service, elle a aussi des sentiments. Mais Nathalie reste Nathalie, quoiqu’il arrive. Quand un figurant l’accoste et lui demande si elle est seule, garde son légendaire humour : « Mais non je suis avec mon verre. » Débarque alors Laly et son « esclave », un type dans la lignée des personnages de « masochistes azouléens ».
C’est que dans l’univers des sitcoms, les protagonistes ont l’habitude de fréquenter les mêmes lieux de sociabilité, quand bien même il s’agit de sortir incognito avec son amant ou son amante. Laly est anxieuse lorsqu’elle aperçoit Nathalie au bar. C’est que la biatch a pour fâcheuse habitude de ragoter.
Les choses ne s’arrangent pas pour Laly quand rappliquent Adeline et un « type », pas encore connu sous le nom d’Olivier. Il faut que Nathalie soit vraiment défoncée pour qu’elle rate deux beaux commérages. Pire, voulant accompagner Adeline (« j’en ai marre d’être seule »), elle s’effondre sur le sol, raide morte. Olivier démontre alors toute la lucidité de son personnage : « Je crois qu’elle a trop bu. »
Encore une fois, l’art du non jeu de Karine Lollichon est à son zénith, culte.
Aline, actor studio de la fille bourrée
La sitcom underground Élisa un Roman Photo nous a gratifié de la scène l’alcoolisme la plus culte toutes sitcoms AB confondues : la cuite d’Aline, jouée par Sylvie Weber. Personnage de jalousie maladive au caractère un tantinet pathologique, Aline ne supporte pas de voir son petit ami, un jeune assistant photographe, fréquenter de jolies mannequins.
Nonobstant le fait que son mec travaille dans le milieu de la mode, Aline pique crise sur crise jusqu’à déclencher le #vodkagate. Alors que son homme lui avait naïvement préparé une soirée privée au local du studio de son patron, elle s’enferme dans une pièce et siffle une bouteille.
« C’est quand même pas l’amour à boire… la mer à boire »
Devant sa glace, elle fait une sorte d’analyse de sa vie de merde : « Personne ne m’aime. » Tout y passe : « Élisa, elle tout ce qui l’intéresse c’est ses photos… Marie-Charlotte… j’en sais rien, mais c’est pas à moi en tout cas. » En réalité, tout ce que veut cette pauvre fille, c’est de « l’amour », parce que c’est « quand même pas l’amour à boire… [se reprend], la mer à boire. »
Comment ne pas être bouleversé par une telle interprétation de la fille raide bourrée ? Il y a du Marion Cotillard chez cette comédienne. Bien évidemment, comme souvent lors d’une cuite chez une nana, les choses se gâtent. Les pleurs et les lamentations (« qu’est-ce que je suis malheureuse, mais comment ils font les autres, j’ai quand même le droit à un peu d’amour ») prennent le pas sur l’euphorie de l’alcool.
Alors qu’elle cherche finalement à revoir son petit ami, Aline s’effondre finalement lamentablement sur le sol, dans un coma quasi éthylique. Il faudra attendre le secours de son mec lors de la mythique scène du défonçage de porte par une prise de karaté pour la sortir de là.
La joyeuse picole
Dans ce tableau assez sombre que nous avons brossé de l’alcool au sein des sitcoms AB, on peut faire le constat que la prise d’alcool n’est pas très valorisée. Elle accompagne les moments les plus dramatiques d’une vie sentimentale chaotique.
Car chez AB quand on est triste et qu’on veut se saouler, c’est toujours à cause de l’amour. Personne ne boit pour oublier le chômage, faire comme ses parents. Pourtant on peut relever ci et là quelques formes d’alcoolisme mondain, ou plutôt « fêtard ». L’apparition des boites de nuits y est pour beaucoup.
On ne compte plus les cocktails, les coupes de champagne ingurgitées par nos personnages dans les Nelly’s qui peuplent les sitcoms. Néanmoins, on n’entendra jamais parler de l’alcoolisme d’un Ary, souvent torché au Nelly’s (comment expliquer ces danses improbables, tout Ary qu’il soit ?).
« Le coup de la bière était venu de Xavier Florent : trop content d’échapper au cocktail vert-bleu imbuvable des autres « cafètes » ! Ceci dit on me filait un panaché sans alcool assez infect »
Parfois aussi on se saoule sans vraiment le vouloir, comme c’est le cas de Laly et Bénédicte à la fin d’Hélène et les Garçons. Les deux filles chargées des boissons pour la grande première des Garçons au Nelly’s ont a priori trop goûté à la préparation de la sangria.
Enfin n’oublions pas que l’École des Passions, on sait boire de manière décomplexée, comme le rappelait Benoît Solès : « Il y a eu, c’est vrai, de (modestes) révolutions dans cette série, au-delà de ces histoires de théâtre : le coup de la bière était venu de Xavier Florent je crois, très soutenu par moi : trop content d’échapper au cocktail vert-bleu imbuvable des autres « cafètes » ! Ceci dit on me filait un panaché sans alcool assez infect. »
Tout n’est donc pas si sinistre dans ce rapport compliqué entre l’alcool et AB. Toutefois, la consommation de boissons dans cet univers bien particulier est avant tout l’affaire du jus d’orange, comme nous avons pu le démontrer auparavant.
DiscussionUn commentaire
Je me pisse de rire, tant cet article décrit parfaitement ce monde étrange d’AB. Continuez ! 😂